Le mercredi 26 juillet, les victimes du massacre du 28 septembre 2009 ont encore défilé à la barre au tribunal de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Dans un récit pathétique, Kadiatou Barry, Mamadou Saliou Diallo et Thierno Madjou Sow ont expliqué comment les forces de défense et de sécurité les ont maltraités au stade le lundi, 28 septembre 2009.

A cause des sévices qu’il a subis au stade, Moussa Bella Barry est paralysé et ne peut même parler. C’est son épouse, Kadiatou Barry, qui a relaté sa mésaventure. Selon elle, c’est vers 14h, que des personnes détenant la carte d’identité de son mari sont venues lui dire que celui-ci, blessé, est couché dans une clinique, avec son bras cassé. Au chevet de son mari, les toubibs de ladite clinique ont conseillé de transporter Moussa Bella à l’hosto Donka, pour la suite de ses soins. Une année que la victime fréquentait l’hôpital, son bras n’est pas guéri. Au fil du temps, Moussa Bella Barry est victime d’un AVC. Aujourd’hui paralysé et cloué dans un fauteuil roulant, il n’a pu témoigner, même s’il a été conduit au tribunal.

Mamadou Saliou Diallo, victime des crimes de 2009

Mamadou Saliou Diallo, couturier et commerçant, né en 1970 à Mamou, est une autre victime des crimes de 2009. Il a indiqué qu’il s’est rendu au stade avec une foule très tôt le matin. A la terrasse, ils se sont heurtés au dispositif de Moussa Tiegboro Camara qui les a intimés de rentrer, puisqu’il n’y a « pas de meeting ». Mais la foule déterminée a bravé ce dispositif et est entrée à l’intérieur du stade. « Nous y sommes restés là jusqu’à 10h. Quelques temps après, Jean-Marie Doré est venu et il a été bien accueilli par la foule. Après son installation, à peine 30 minutes, ils ont commencé à jeter le gaz. J’ai couru vers la grande porte, c’est là que j’ai vu les ‘’bérets rouges’’ en train de tirer. Je me suis accroupi un moment, ensuite j’ai tenté de courir pour aller vers la pelouse, mon pied a été fracturé, je suis tombé. J’étais couché, une dame est tombée sur moi, elle était déjà morte. Je criais au secours, quelques minutes après, un jeune est venu me sauver. Il tirait ma main pour me sortir de là. Un peu plus loin, un béret rouge l’a aperçu en train de m’aider. Le béret rouge s’est dirigé vers nous, le jeune a pris la fuite. Le militaire est venu me maltraiter, je lui ai dit : ‘’pardon chef, ne me tue pas !’’ Il continuait toujours, je ne pouvais plus bouger, j’ai perdu connaissance. Là où j’étais couché, il y avait plusieurs corps. Après quelques heures, la Croix Rouge est venue ramasser les corps. Ses agents m’ont vu en train de bouger, l’un d’entre eux a dit : ‘’prenez ce monsieur, il est toujours vivant’’. Ils m’ont pris et m’ont envoyé à l’hôpital Donka ».

 Mamadou Saliou Diallo a rapporté que pendant qu’il était couché à l’hôpital, il se tordait de douleur, une personne a retiré son téléphone et une somme de 12 000 fg.

Thierno Madjou Sow, victime de 2009

Thierno Madjou Sow, né en 1972, marchand, domicilié au quartier Koloma, dit que dans le cadre de son activité, il est rentré du Libéria le samedi 26 septembre 2009, pour acheter de la marchandise et retourner. Mais comme il a appris le meeting de l’opposition, le lundi 28 septembre, par curiosité, il voulait participer au rassemblement des Forces vives de la nation. C’est ainsi que très tôt le matin, il s’est habillé en sportif pour se rendre au stade. C’est là que sa vie a basculé, parce qu’il a été maltraité et en supporte les séquelles jusqu’à présent. « Au moment où les leaders s’apprêtaient à tenir leur discours, nous avons entendu des tirs. Dans la débandade, j’ai essayé de sortir par la grande porte. Malheureusement, j’ai rencontré un militaire qui m’a asséné des coups de cross de son fusil. Il m’a poignardé au pied avec un couteau accroché à son fusil. Je suis tombé, après j’ai essayé de me relever pour sortir. Mais j’ai entendu dire qu’ils ont mis le courant sur le mur. De  nombreuses personnes étaient tombées. Malgré tout, j’ai foncé. Comme j’étais blessé, je suis également tombé sur un vieux ‘’Oustaz’’ barbu qui était également blessé. Il est mort sur place (pleurs). J’ai aperçu un militaire qui poignardait un autre jeune. Nous étions superposés. J’ai vu des gens en maillot Chelsea qui détenaient des armes blanches, ils descendaient d’un car. A partir de là, j’avais perdu conscience. On m’a transporté avec des morts dans un pick-up à l’hôpital Donka. Quand on est arrivé, ils s’apprêtaient à nous mettre à la morgue lorsqu’une femme a remarqué que je n’étais pas mort. Ainsi, on m’a envoyé au 4ème étage, ils m’ont laissé longtemps en train de tirer mon sang, puisque j’étais victime d’hémorragie. Pendant deux mois, j’étais alité à Donka. Après cela, j’ai fait deux ans et deux mois alité à la clinique Mère et Enfant de Kipé. J’étais alité avec un ami, Mamadou Bailo Barry, il avait été poignardé par un militaire. Il en est mort, finalement (…)»

Ibn Adama et Mariam Keita