Procès du massacre du 28 septembre 2009. Ce mardi 18 juillet au tribunal de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, Marcel Guilavogui, accusé et ancien membre de la garde présidentielle a croisé le fer avec les avocats de la défense. Au début, le capitaine Marcel n’avait pas l’air de vouloir répondre aux questions, ou du moins se répéter. « Je n’ai pas de commentaire ; je ne réponds pas ; j’ai déjà expliqué cela ; je ne reviens plus sur cette question, déjà largement abordée par la partie civile ». Ce sont entre autres déclarations qui reviennent en boucle, lorsque les avocats de la défense questionnent l’accusé.

Il faudra attendre que le tour revienne aux avocats de Moussa Tiégboro Camara, ex-ministre d’Etat chargé de la lutte contre le banditisme et de la drogue, pour qu’enfin sa la langue se délie. Avec beaucoup d’aisance, mais  le ton ferme, Marcel a imputé la responsabilité du massacre à Tiégboro. Lorsque Me Abdoulaye Keita demande s’il n’est pas revenu à la barre juste pour confirmer la version du commandant Toumba Diakité, l’accusé réplique : « Je ne suis pas un homme qu’on peut manipuler, ce n’est pas le cas. Je ne suis pas ici pour confirmer les dire de quelqu’un. C’est votre client (Tiégboro Camara) qui a mis l’huile sur le feu. Il était le cordon ombilical entre le président Dadis et les leaders. C’est lui que le président a envoyé au stade pour commettre les crimes.  Comment un président et un ministre d’Etat peuvent-ils nier leur procès-verbal ? »

Plus loin, il justifie son retour à la barre par sa volonté « d’éclairer la lanterne du tribunal ». Me Keita accuse Marcel d’avoir conduit les bérets rouges au stade pour massacrer les citoyens. « Dadis et sa garde parallèle ont longtemps dit que ce sont les éléments de Toumba qui ont commis ces crimes.  Mais pour effacer les preuves, ils ont chassé certains, tué  d’autres. Ils sont allés repeindre le stade rapidement. Est-ce que Marcel peut faire tout ça seul ? S’ils voulaient une enquête sérieuse, ils allaient fermer le stade ». Et d’accuser : « Moussa Tiégboro Camara a trahi le CNDD. Ce sont des opportunistes qui sont venus gâter le pouvoir, des personnes parachutées. Votre client n’a rien fait pour l’avènement du CNDD au pouvoir ».

« Que Dadis demande pardon aux Guinéens »

L’avocat interpelle l’accusé sur l’épisode de la clinique Ambroise Paré, que ce dernier avait menacée de faire sauter. « Quand j’ai foncé avec la grenade vers Tiégboro Camara,  il a appelé le président au téléphone et essayé de me le passer. J’ai refusé de prendre l’appel.  Le président Dadis est le planificateur et l’ordonnateur de ce massacre. Ne l’humiliez pas, il n’a qu’à demander pardon au peuple. Le peuple va accepter ».

Marcel Guilavogui accuse Tiégboro et ses hommes de razzia. Me Abdoulaye Keita demande à l’accusé d’indexer ses témoins. « Qui dit anti-drogue, dit des perquisitions. Tout le monde voyait les véhicules garés au camp. Ce n’était pas caché », se défend l’accusé.  Ce dernier a longuement soutenu à la barre qu’il avait été écarté de la garde présidentielle, arguant que Moussa Dadis Camara sortait sans lui. L’avocat s’appuie sur sa présence permanente auprès de celui-ci, pour démontrer le contraire. « Vous étiez écarté, mais vous aviez toujours accès au président », fait-il remarquer. « Ma mission, c’est de sécuriser le président. Le service militaire n’est pas comme celui civil. Le militaire doit combattre jusqu’à épuisement de ses moyens. Écarter ne veut pas dire chasser. Vous pouvez rester dans le même bureau, si vous n’êtes pas consulté, c’est que vous êtes écarté », répond celui qui est présenté comme le neveu et le chouchou de l’ancien chef de la junte au pouvoir de décembre 2008 à décembre 2009. « Mon père m’a confié au capitaine Moussa Dadis Camara.  Il était paralysé. Quand on a appris que  le président est sorti,  il m’a dit que je fais partie de la garde présidentielle, de le suivre », a déclaré Marcel. Une manière d’expliquer comment il s’est retrouvé au stade du 28-Septembre, le théâtre des crimes de 2009. 

Mamadou Adama Diallo