En prélude à l’élaboration de la nouvelle Constitution, les propositions ne tarissent pas. Le Lynx publie en exclu celles de Perspectives Guinée. CetteONG d’essentiellement de juristes guinéens de Paris y expose les avantages (et les limites) des trois types de régimes : présidentiel, semi-présidentiel et parlementaire. Elle propose en outre des réformes communes aux trois : en finir avec l’hyper-présidentialisme légendaire ; rendre effective la décentralisation ; passer à un mandat unique de sept ans ; institutionnaliser les coordinations régionales ; un parlement bicaméral (ou plus de dépités), faire fonctionner la Haute Cour de justice… Bon appétit !
Par les présentes, Perspectives Guinée entend prendre part au débat sur l’élaboration d’une nouvelle constitution à l’issue de la transition politique en République de Guinée. Cet exercice visant à redéfinir et à réorganiser les Institutions et la gouvernance dans le pays est, à plus d’un titre, primordial.
Pour aborder des questions aussi complexes qu’indispensables, encore faudra-t-il, dans le fond, souligner trois procédés selon que l’on maintient un régime présidentiel (I), ou que l’on adopte un régimesemi-présidentiel (II) ou parlementaire (III). Cependant, l’adoption de l’un ou de l’autre de ces régimes ne saurait porter préjudice à un certain nombre d’intangibilités (IV).
I- Du maintien d’un régime présidentiel
Maintenir mais rationnaliser. Est-il souvent admis que le régime politique prévalant dans la plupart des États africains dont la Guinée est celui d’un présidentialisme irrationnel. Ce dernier se manifestant par le fait que le président ait un pouvoir quasi illimité. Tout semble lui incomber en le tenant responsable de tout, mais devant personne, pas même le juge, aussi bien pendant l’exercice de « ses mandats » qu’après, sauf à recourir à des règlements de comptes politiques et une chasse aux sorcières. Cette situation remet en cause la faculté humaine à s’organiser et à limiter les aléas découlant des rapports institutionnalisés.
C’est pourquoi, il nous semble indispensable de rationnaliser notre régime politique et notamment le pouvoir du président de la République en lui octroyant les pouvoirs nécessaires à l’action publique tout en les limitant. Cela pourrait prévenir les abus et l’immobilisme conduisant à une stérilité de nos institutions ou à leur blocage.
Pour ce faire, il faudrait prendre en compte les éléments suivants :
- Le président de la République
Il ne faudrait plus considérer que le président est « au-dessus des partis » mais plutôt écrire qu’il « les transcende ». Car être au-dessus a été et peut toujours être interprété comme la suprématie du parti présidentiel sur ses concurrents. Ce qui est erroné.
Réformer l’alinéa 2 des articles 39 de la Constitution de 2020 et 47 de la Constitution de 2010 qui disposent qu’il « nomme à tous les emplois civils et militaires ». On devrait plutôt écrire qu’il « nomme aux emplois civils et militaires. Il partage ce pouvoir avec le premier ministre, Chef du Gouvernement. Une loi déterminera la nature et les limites de ce partage ». Étant entendu qu’il y a nécessité de combiner ces dispositions avec celles de l’article 58 de la Constitution de 2010 octroyant au premier ministre le droit de nommer aux emplois civils, exceptés ceux réservés au président. Ces dispositions avaient été supprimées par la Constitution de 2020.
Ne pas inscrire dans la future constitution des dispositions relatives à l’offense et à la calomnie à l’égard du président de la République en renvoyant ces infractions au droit commun et ce sans préjudicie du privilège de juridiction.
Réitérer que le président n’est justiciable que devant la Haute cour de justice pendant l’exercice de ses fonctions, sauf cas de trahison ou d’atteinte aux valeurs de la République en tant que garant de l’unité de la Nation et de l’intégrité du territoire.
Prévoir une procédure de destitution en cas de trahison ou d’atteinte aux principes fondamentaux garantissant l’unité de la Nation.
- Le Premier ministre, Chef du Gouvernement
Au-delà de la déclaration de politique générale devant le Parlement et de son pouvoir partagé de nomination, restaurer les articles 54 et 55 de la Constitution de 2010 prévoyant, d’une part, les incompatibilités de ses fonctions avec un mandat électif ou toute autre fonction publique ou privée rémunérée ou non et, d’autre part, permettant au premier ministre ainsi qu’aux ministres l’exercice effectif de leurs fonctions dont découlent la direction effective de leurs services et la nomination des cadres de leur département.
- Les ministres
Dans le but de rationnaliser le pouvoir illimité de nomination par décret du président de la République, partager celui-ci avec les ministres dans la direction de leurs services déconcentrés respectifs, sans préjudice du pouvoir de nomination du président et du premier ministre conformément à la Loi.
Disposer que les ministres doivent répondre, y compris pendant l’exercice de leur fonction, à des commissions d’enquête parlementaires sur des sujets relevant de la gestion de leur département ou sur la politique de gestion de leur portefeuille.
Les choses peuvent être légèrement différentes si l’on admettait la mise en place d’un régime semi-présidentiel.
II-Dans l’hypothèse d’un régime semi-présidentiel
Dans la même volonté de rationaliser les pouvoirs du président de la République, un régime dit semi-présidentiel pourrait être mis en place.Ce régime se caractérise par une réciprocité de mécanismes d’influence et de contrainte mutuelles entre l’exécutif et le législatif. En d’autres termes, c’est un régime qui combine des caractéristiques aussi bien d’un régime présidentiel que d’un régime parlementaire.
- Spécificité du régime semi présidentiel
Comme dans le régime présidentiel, le président sera élu au suffrage universel direct et le gouvernement n’est pas responsable devant le Parlement. Et en contrepartie, le président ne peut dissoudre le Parlement.
L’adoption d’un régime semi-présidentiel entraînerait donc une mutation de la responsabilité gouvernementale devant le Parlement en lieu et place du président. On parle de la motion de censure. Et en face, le président pourrait dissoudre le Parlement.
- Quelques avantages du régime semi-présidentiel
Dans l’hypothèse d’une mise en œuvre d’un régime semi-présidentiel, quelques avantages peuvent être notés.
Equilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Ce qui impliquerait une telle interaction entre les deux pouvoirs que le président resterait fort mais avec des attributions limitées pendant que le Parlement aurait un rôle renforcé dans le contrôle de l’action gouvernementale, à travers notamment des commissions d’enquête parlementaires ;
Confiance et responsabilité. Le gouvernement, dirigé par le premier ministre, est responsable devant le Parlement. Il doit obtenir la confiance des députés lors d’un vote de confiance et peut être renversé en cas de censure ou de défiance. Le Parlement peut également interpeller le gouvernement sur des questions spécifiques, exiger des comptes rendus réguliers et demander des explications en cas de mauvaise gestion ou de manquements.
Cependant,même si le régime semi-présidentiel est considéré comme l’un de ceux qui offrent une stabilité, il n’est pas exclu d’assister à des blocages politiques. D’où la nécessité d’une juxtaposition avec un système électoral adéquat. Autrement, on se retrouverait simplement dans une situation d’inaction tant du gouvernement que du parlement.
En ce qui concerne le mandat et s’agissant de la Guinée, on pourrait opter, et ce, que l’on soit dans un régime présidentiel ou semi-présidentiel, pour un septennat unique. Cela pourrait réduire la récurrence des tensions liées aux élections présidentielles tout en rationnalisant les ressources déployées. Il peut également permettre une alternance plus ou moins certaine à l’issue du mandat avec pour principale conséquence la mobilisation totale et entière du président pour agir du début à la fin de son mandat et réduire drastiquement l’utilisation des ressources étatiques à des fins électoralistes. Ce septennat unique pourrait même aider au renouvellement de la classe politique et permettre une alternance plus ou moins stable à long terme.
Les choses pourraient s’opérer différemment si l’on optait pour un régime parlementaire.
III L’hypothèse d’un régime parlementaire
Dans l’hypothèse de la mise en place d’un régime parlementaire. En dehors de quelques régimes parlementaires (Cap Vert, Ethiopie, Maurice) et Monarchie constitutionnelle (Lesotho) ou ayant un Monarque avec des pouvoirs réels (Maroc) ou dit absolu (Eswatini), le continent africain est formellement dominé par le régime dit semi-présidentiel ou présidentiel « intégral ». Mais substantiellement, la plupart de ces régimes sont en pratique présidentialiste si ce n’est dictatorial voire présidentialo-héréditaire (à dévolution monarchique).
La Guinée pourrait innover en changeant radicalement de paradigme à l’issue de cette transition par l’instauration d’un régime parlementaire. Ce qui engendrerait deux implications majeures pour les pouvoirs exécutif et législatif. Le cas échéant, il y aurait mutation de l’enjeu autour des présidentielles vers les législatives. Ce qui permettrait de dégager une majorité parlementaire qui, à son tour, aura la tâche de désigner un premier ministre. Etant donné que le président ne jouerait dans cette configuration qu’un rôle symbolique sinon limité et ne serait élu que par suffrage universel indirect.
Sur le pouvoir exécutif
- Le président de la République
Il pourrait être indirectement élu par un Collège électoral incluant les sages des coordinations régionales ou par le Parlement.
Il incarnerait l’unité de la Nation et pourrait, exceptionnellement, disposer d’un pouvoir de nomination pour toutes les fonctions requérant l’inamovibilité.
Il entérinerait le choix du premier ministre élu par le Parlement et recevrait sa démission ou constaterait sa destitution en vertu de la Loi.
Les critères de son éligibilité ainsi que son rôle dans la préservation de nos cultures et langues nationales seraient fixés par la Loi. Il aura un mandat non renouvelable de sept (7) ans.
- Le Premier ministre, Chef du gouvernement
Il est utile de rappeler que dans un régime parlementaire, le premier ministre est issu du parti qui, à la suite du scrutin législatif général, a obtenu le plus grand nombre de députés. Autrement dit, c’est le chef du parti ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages.
Il serait élu par le Parlement pour un mandat de quatre (4) ans renouvelable, consécutif ou non.
Il disposerait de toutes les attributions aujourd’hui réservées au président de la République dans un régime présidentiel à l’exception de celles octroyées à ce dernier dans le régime parlementaire.
- Les ministres
Les mêmes attributions avec des responsabilités renforcées seraient dévolues aux ministres sous réserve de celles relatives à leur nomination et à leur limogeage par le premier ministre en lieu et place du président dans le régime présidentiel.
Ceci étant dit, il y a des aspects qui ne connaîtraient aucune variation mais plutôt un renforcement et ce peu importe le type de régime qu’on adopterait.
IV-En toutes hypothèses
Que l’on soit dans un régime ou dans un autre, il y a des principes qui les transcendent et qui, par conséquent, doivent être conservés, instaurés ou renforcés.
Sur le pouvoir législatif
La réforme du pouvoir législatif peut être requise selon que l’on conserve le monocamérisme ou que l’on admette une refonte profonde dont la conséquence serait la mise en place d’un bicamérisme. Ce dernier aurait, entre autres, comme effet d’insérer les autorités morales du pays et, plus qu’elles ne le sont aujourd’hui, les territoires, dans un maillage institutionnel plus solide et plus conforme à l’idéal républicain et institutionnel.
- Du monocamérisme au bicamérisme
Le Parlement monocaméral tel qu’il existe en Guinée semble être déphasé tant d’un point de vue de la représentativité que celui de son fonctionnement. Il est donc urgent de passer d’une chambre à deux. Cela pourrait avoir un impact d’abord sur le fonctionnement optimal et démocratique de l’Institution législative en permettant une discussion plus poussée de nos textes législatifs. Cela pourrait également mettre fin à la réputation de « chambre d’enregistrement » dont elle fait l’objet.
L’autre raison est celle liée à la représentativité de nos territoires, mais également à la nécessité d’insérer les autorités coutumières que sont les coordinations régionales dans un circuit institutionnel plus exigeant et plus à même de prendre en compte la complexité d’une vie collective, nationale.
Elue au suffrage universel indirect et pour la même durée que la première chambre, la dénomination de la deuxième chambre est moins importante que le rôle qu’elle sera appelée à jouer. Arbre à palabre, Conseil législatif ou Sénat, cela n’a pas vraiment d’importance. Son rôle sera celui d’assurer une double lecture législative, une prise en compte adéquate des préoccupations de nos territoires et une action plus rigoureuse des missions d’enquête ou d’information parlementaires sur des sujets qui l’exigeront.
Le nombre d’élus au sein des deux chambres sera quant à lui déterminé par la Loi. Il en découlerait la remise en question des 114 sièges actuels.
- Maintien du monocamérisme avec une augmentation du nombre des députés
L’autre hypothèse de réforme du pouvoir législatif est celle qui consisterait à maintenir le monocamérisme et à augmenter le nombre de circonscriptions et donc de députés. Cela aurait pour mérite de permettre une meilleure représentativité des territoires et des régions, et d’assurer une proximité entre les citoyens et leurs représentants.
En toute hypothèse, il faudrait, par le biais du mode électoral et d’un découpage plus moderne des circonscriptions électorales de notre pays, mettre fin à l’étiquette de « chambre d’enregistrement » qui colle à la peau du Parlement guinéen.
Les mécanismes de contrôle et de supervision parlementaires sur l’exécutif, tels que les commissions d’enquête, les commissions de contrôle budgétaire et les questions parlementaires, doivent être renforcés et sanctuarisés dans la future constitution.
Sur le pouvoir judiciaire
Bien entendu, il faut d’ores-et-déjà souligner que les réformes du pouvoir judiciaire englobent aussi bien des réformes constitutionnelles que législatives.
Avant tout, insérer dans le Préambule de la Constitution la notion de justice institutionnelle comme moyen de règlement des différends au même titre que le dialogue où le peuple de Guinée réaffirme son « attachement aux vertus du dialogue et à la justice institutionnelle comme moyens de règlement des différends ». Car aujourd’hui, bon nombre d’injustices que subissent les citoyens sont, pour diverses raisons, liées à la relégation de la justice institutionnelle au profit de celle négociée, mais moins dissuasive et non-exhaustive.
Dans l’intérêt des justiciables, il serait bienvenu de revoir l’organisation judiciaire de notre pays. Il en découlerait un passage inéluctable de l’unicité à la dualité des ordres de juridiction qui permettrait d’améliorer l’accès au juge, notamment administratif. Il s’avère que ce dernier souffre d’une quasi inexistence, ce qui conduit non seulement à la pauvreté du contentieux administratif, mais également et surtout à une sorte d’immunité juridictionnelle garantie aux actes administratifs.
Dans ce sens, il serait judicieux de compléter notre appareil judiciaire par la création d’un ordre juridictionnel administratif tout en améliorant le cadre juridique et organique des juridictions spécialisées et celles d’exception.
À titre illustratif, il serait bienvenu de revoir le cadre juridique de la CRIEF, de rendre effectif le fonctionnement de la Haute Cour de justice, mais également, rendre toute leur indépendance à toutes les Autorités de régulation telles que la HAC, l’ARPT ou l’ARMP qui, dans leur ensemble, doivent être indépendantes et impartiales vis-à-vis aussi bien des acteurs privés que de l’État. Lesquelles indépendance et impartialité sont consubstantielles à leur existence et au rôle qui leur est dévolu.
Dans le souci de garantir la transparence de la vie publique, il est essentiel de renforcer le rôle de la Cour des comptes et l’accès à l’information publique. Ce qui implique une obligation d’établir un rapport annuel sur l’ensemble des institutions afin d’auditer les finances publiques, s’assurer de leur bonne gestion et garantir l’accès à l’information sur l’exécution budgétaire. Les citoyens devraient avoir la possibilité de consulter les rapports de la Cour des comptes et d’accéder aux informations sur les dépenses et les recettes de l’État. Dans ce sens, il est primordial que la déclaration des biens pour tous les dépositaires des hautes fonctions, électives ou nominatives, soit effective et rigoureusement suivie par le juge.
Renforcer l’indépendance de la justice. Les juges doivent être protégés contre toute ingérence politique et être en mesure de prendre, en toute indépendance, des décisions justes et impartiales dont la seule contrainte est le respect de la Constitution et des lois.
Sur la décentralisation
Sur cet aspect, il faudrait maintenir l’attachement de l’État à la décentralisation telle qu’évoquée dans le Préambule de la Constitution 2020. Cependant, il faudra aller plus loin dans le découpage des circonscriptions décentralisées tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays.
Pour ce faire et sous réserve de ce qui relève du domaine de la Loi, il faudrait :
- Redéfinir le statut de la ville de Conakry en la transformant en une grande Commune dont l’exécutif est élu au suffrage universel direct en même temps que les exécutifs des autres communes de la Capitale. Ce qui, naturellement, n’empêche pas d’avoir une autorité déconcentrée tel qu’un préfet. Cela aura pour conséquence une viabilité démocratique et une répartition des compétences entre la grande mairie de Conakry et les autres communes dont une loi viendrait préciser les contours ;
- Corriger la caducité actuelle des mairies de la ville de Conakry en découpant les grandes mairies telles que Matoto et Ratoma en 10 mairies, et Matam et Dixinn en 5 mairies et Kaloum en 2 mairies. Il faudrait dans ce cas transformer les anciennes 5 communes en arrondissements à la tête desquels se retrouveraient des sous-préfets d’arrondissement ;
- Redéfinir le découpage des 8 régions administratives afin de créer, en fonction du nombre d’habitants, des départements qui peuvent correspondre aux préfectures actuelles. Cela impliquerait la révision des articles 83 et 86 du Code des collectivités locales ;
- Redécouper les 7 plus grandes villes en plusieurs mairies de proximité tout en gardant une mairie centrale. Ce qui faciliterait l’accès des citoyens aux services publics de base, mais également rendre possibles les assemblées citoyennes ou encore les consultations publiques ;
- Redynamiser l’autonomie des collectivités locales par une application, y compris judiciaire par la saisine des juridictions compétentes aussi bien par les élus que par les citoyens, des dispositions du Code des collectivités locales. Et mettre fin aux dérives et au dévoiement de l’exercice du contrôle de légalité qui s’est en réalité transformé en un obstacle majeur et un outil politicien ;
- Renforcer et inciter à une participation citoyenne plus active et plus avisée dans la prise de décision et la gestion des affaires locales. Cela pourrait être réalisé par des réunions communautaires, des consultations publiques, des mécanismes de reddition de comptes, le droit de pétition et d’autres types légaux d’engagement citoyens…
Sur l’intangibilité de l’État de droit
Pour consolider ce pan fondamental de tout État qui se veut moderne, soucieux du sort de sa population, de la viabilité du vivre ensemble ainsi que de l’efficacité de l’action publique, il conviendrait notamment de :
- Constitutionaliser les principes relatifs aux droits fondamentaux, à l’État de droit et à la démocratie. Sachant que les préambules des constitutions sont aujourd’hui contraignants ;
- Affirmer que les droits et libertés s’exercent en adéquation avec les textes internationaux dont la Guinée est signataire ;
- Constitutionnaliser le principe de participation citoyenne à la définition des politiques générales et des projets d’intérêt national dont les modalités seront fixées par une loi ;
- Réaffirmer le droit de manifester et l’impossibilité de le suspendre de manière illimitée. La liberté de réunion et d’association doit être garantie dans les mêmes conditions ;
- Réitérer l’inviolabilité du domicile et préciser, conformément aux droits fondamentaux, les conditions relatives à son atteinte dont celles tenant au besoin d’enquêtes judiciaires et, en cas d’expropriation, le droit à une indemnisation juste et préalable et un relogement décent selon les cas ;
- Insérer le droit à un logement décent et à une alimentation saine dans le préambule de la constitution. Une loi ultérieure définira les conditions selon lesquelles on vérifierait, au travers d’institutions ou d’autorités spécialisées et probantes, l’effectivité d’une telle disposition dans la vie des citoyens ;
- Prévoir les candidatures indépendantes aux élections législatives et communales ;
- Maintenir la pluralité politique et syndicale, seule gage de dynamisme démocratique, et laisser la limitation des partis aux interactions et aux alliances idéologiques sur le terrain politique. Il n’appartient qu’au jeu démocratique de faire le tri des partis et des courants et de décider soit d’un dualisme ou d’un pluralisme politique. Cependant, faudrait-il appliquer rigoureusement la loi L/91/002/CTRN du 23 décembre 1991, portant charte des partis politiques dont il faudrait vérifier tant la légalité que l’implantation et réformer le financement ;
- S’agissant de la protection de l’environnement, il faudrait l’intégrer dans le préambule de la Constitution en la formule suivante : « L’État, les Collectivités, les entreprises et les citoyens veillent, chacun à son niveau et à la hauteur de ses moyens, à la protection et à la préservation de l’environnement » ;
- S’agissant des dispositions transitoires de la future constitution, il faudra réaffirmer les engagements relatifs à la neutralité et à l’interdiction de toute candidature des membres de la junte au pouvoir, du gouvernement de transition et du CNT aux élections qui clôturent ladite transition (cf. articles 46, 55 et 65 de la Charte de la transition).
Il convient de conclure en réaffirmant qu’un État n’est que chimère si la justice n’est pas indépendante et que les forces de défense et de sécurité ne sont pas républicaines et neutres dans le jeu politique en observant leur devoir de réserve. C’est en cela qu’il est important de se réjouir de la création d’un Prytanée militaire, seule école, à ce jour, à même d’inculquer les valeurs de probité, de patriotisme et de professionnalisme dès le jeune âge.
De la même manière, la souveraineté de l’État est en cause si son économie n’est pas viable pour permettre un financement propre de sa démocratie et le fonctionnement intégral de ses institutions.
Le tout est donc de déployer notre imagination collective afin que la force des idées triomphe des idées de la force.
Paris, le 16 juillet 2023
Pour Perspectives Guinée
Le Coordinateur général
Dr Galissa Hady DIALLO