Bah Amadou Oury, président de l’Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée (UDRG) s’est prêté aux questions de La Lance, pour décrypter l’actualité politique en Guinée et dans la sous-région.

La Lance : Bonjour M Bah, votre lecture sur ce qui se passe actuellement au Niger ?

Bah Oury : La séquestration du Président Bazoum et sa famille par la garde présidentielle, puis la déclaration de prise du pouvoir par la junte militaire dénommée CNSP brisent l’élan vertueux et démocratique dans lequel le Niger s’est illustré cette dernière décennie. Dans une Afrique de l’Ouest marquée par la perpétuation des manipulations des constitutions pour prolonger la confiscation du pouvoir et le recours au 3ème mandat, le Niger s’était démarqué en organisant la dévolution du pouvoir selon les règles constitutionnelles établies.

Sur le front sécuritaire, le Niger était devenu, le rare pays de la région à être le rempart contre la propagation de l’hydre djihadiste et terroriste au niveau des Trois frontières Niger –Burkina et Mali. Cette situation a amené la communauté internationale à miser sur le leadership du Président Bazoum pour endiguer et contenir les vagues armées déstabilisatrices du Sahel. Le putsch ruine les efforts entrepris et plonge le Niger dans une totale incertitude quant à sa stabilité et sa sécurité territoriale. La démocratie en Afrique vient ainsi d’être poignardée dans le dos. Pour ces multiples raisons, les chefs du CNSP ont mis leur pays sur la pente d’une descente vers le chaos.

Comment expliquez-vous la position de la Guinée face aux événements du Niger ?

Notre pays est dans une transition politique suite à la « rectification institutionnelle » du 05 septembre 2021 et est par conséquent suspendu des instances de la CEDEAO. Par conséquent les autorités de la transition guinéenne sont rétives à s’associer à toutes formes de sanctions émanant des organisations régionale et continentale. L’attitude actuelle des autorités guinéennes est similaire à celle qui a été adoptée pour s’opposer aux sanctions économiques contre le Mali récemment. Toutefois, la position de la Guinée est relativement mesurée, équilibrée et sans aucune fanfaronnade. C’est un signe de maturité et de pragmatisme.

Que préconisez-vous pour mettre fin à la contagion de putschs dans la sous-région ?

Le problème est complexe. Le cycle politique qui a été inauguré par les conférences nationales souveraines dans la plupart des Etats africains a atteint ses limites. La fin des partis uniques, l’adoption des principes institutionnels de la démocratie libérale avec le multipartisme, l’Etat de droit et l’instauration de règles démocratiques comme mode formelle de gouvernance n’ont pas permis de conjuguer à la fois la démocratie et le développement. Les pratiques de pouvoir n’ont guère évolué positivement en dépit de l’existence de constitutions consacrant des droits universellement acceptés. Les crises de développement se sont amplifiées, avec l’accroissement de flux migratoires clandestins, les méfaits d’un changement climatique de plus en plus manifestes, l’accroissement d’une population particulièrement nombreuse et jeune. Cette désillusion démocratique et aussi une perte collective d’espoir d’avoir des lendemains meilleurs ont transformé le continent africain en une cocotte-minute prête à exploser à tout instant.

Les coups d’Etat ne sont alors que des manifestations visibles de cet environnement en perte de repères pour prétendre apporter des solutions à des crises structurelles d’Etat prédateur et de type néo-patrimonial. Comme vous le voyez il faut s’attaquer aux racines des problèmes et ne pas se contenter de mesures superficielles et périphériques. En d’autre terme, il nous faut réinventer l’Etat et la gouvernance démocratique en Afrique. C’est un processus historique lent mais indispensable pour inverser la tendance chaotique dominante dans notre continent.

Avec certains leaders politiques, vous avez mis en place une plateforme pour interpeller les autorités sur la mise en œuvre du chronogramme de la transition…

La mise en œuvre de la feuille de route de la transition est un chemin plein d’embuches. C’est la raison pour laquelle la concertation entre tous les acteurs peu ou prou impliqués dans la transition est une nécessité impérieuse. L’organisation et la pratique au sein du cadre de dialogue inter-guinéen n’ont pas pu faire émerger, de manière éloquente, un espace d’échanges, de débats féconds et constructifs et d’interactivité positive avec toutes les parties prenantes comme le CNRD – le Gouvernement et les Coalitions politiques et des faîtières de la société civile. Nous avons ainsi décidé le samedi 5 août, de la mise en place de la conférence des coalitions politiques et des faîtières de la société civile pour pallier à cette insuffisance institutionnelle, afin de répondre valablement aux objectifs d’une transition apaisée et réussie.

La conférence des coalitions politiques et des faîtières est un partenaire clé de la transition. Par conséquent, elle doit être proactive et dynamique pour engager des concertations régulières aussi bien avec le CNRD, le Gouvernement et aussi avec les représentants de la communauté régionale et aussi internationale. Nous aurons des propositions à formuler. Donc, nous ne cherchons pas seulement à être informés par les autorités de la transition, mais à apporter nos briques pour paver les voies du retour à l’ordre constitutionnel, selon les points conclus avec la CEDEAO.

A l’allure où vont les choses, êtes-vous certain que les 24 mois de la transition seront respectés ?

Le mémorandum que nous adressons aux autorités de la transition est à cet égard explicite. Il s’agit d’ores et déjà de rechercher les voies et moyens alternatifs pour le financement de la mise en œuvre du chronogramme. Il est possible de trouver les financements indispensables pour que la transition ne soit pas retardée. Avec l’aide de Dieu, le délai imparti à la transition pourra être tenu avec, bien entendu, un engagement ferme et déterminé des autorités de la transition de respecter leur serment devant le peuple de Guinée.

Les chefs de quartier et de district seront désormais nommés par les gouverneurs, un décret en a été rendu public le mercredi, 9 août 2023 sur les ondes de la télévision nationale…

Ce décret mérite d’être explicité pour que nous sachions quels en sont les motivations et les objectifs. Comme vous, nous voulons en savoir davantage avant de formuler des commentaires.

Comment se porte votre parti ?

L’Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée, UDRG est un parti neuf et est en pleine croissance. Grâce à Dieu, malgré la désaffection pour la politique que ressentent les Guinéens, l’UDRG engrange de nombreuses adhésions aussi bien en Guinée qu’à l’étranger. De tendance social-démocrate, l’UDRG entend être sous peu, la force politique structurante de la vie politique nationale de par sa vision et la pertinence de ses propositions pour les solutions aux grands défis dont la Guinée et la sous-région sont confrontées.

Interview réalisée par

Thierno Saïdou Diakité