A l’appel de l’Association des magistrats de Guinée, les robins sont en crève depuis le 17 août. Ils en ont plein sous la robe la gérance du ministre de la Fustige, le bouillant Charles Wrong. Le mot d’ordre de débrayage est observé pratiquement à la lettre dans les cours et tribunaux de Cona-cris.
La menace brandie par le Garde des Sceaux n’a pas servi à grand-chose. Les magistrats, du siège comme du parquet, ont préféré lui tourner le dos et faire allégeance à l’Association des magistrats de Guinée. Ils répondent massivement à l’appel au débrayage de cette dernière. L’AMG espère, à travers cette crève, montrer que ses membres en ont jusqu’à la gorge et qu’ils veulent en découdre avec Alphonse Charles Wrong qui, à leur yeux, se ligue contre leur ‘’indépendance’’. C’est pratiquement chose réussie, du moins si l’on se fie à ce qui se passe dans les cours et tribunaux de la capitale en ce moment.
En début de semaine dernière, le ministre et son inspecteur gênant des sévices judiciaires et pénitentiaires n’ont pas hésité à affirmer que les magistrats partaient au boulot et le roi Charles menaçait d’assimiler toute absence d’un magistrat à un abandon de poste. Cette menace est tombée dans des oreilles de sourd. Du tribunal de première de Mafanco à celui de Dixinn, en passant par le TPI de Kaloum, la Cour d’appel de Cona-cris ou encore la Cour de répression des infractions économiques et financières, tout était à l’arrêt le 24 août.
Au TPI de Mafanco, la salle d’audience était bouclée, le bureau du prési du tribunal aussi. Les gardes pénitentiaires absents : « Nous sommes en grève ici, même le service minimum qu’on observait pendant les vacances judiciaires a été stoppé. Depuis que le mot d’ordre de grève a été lancé, rien ne marche », rapporte un travailleur. Dans ce tribunal, le dernier rôle d’audience remonte au 21 août, mais ce jour, l’audience ne serait pas tenue, selon notre interlocuteur. Quelques bureaux étaient certes ouverts, mais pour « s’occuper, pour la plupart, d’autres affaires».
Au TPI de Kaloum également, tout était fermé, salles d’audience comme les autres bureaux, quelques gardes pénitentiaires visibles devant la rentrée principale, mais qui n’ont pas « reçu l’autorisation de parler de cette affaire. Tout le monde est au courant de ce qui prévaut dans les tribunaux».
Le procureur général près la Cour d’appel de Conakry, Yamoussa Conté, a beau affirmer que la grève n’est pas suivie, sa propre juridiction se trouve paralysée. Son bureau reste ouvert, mais les autres sont fermés à clé, la cour de cette juridiction, habituellement remplie de teufs-teufs, était presque déserte. Un garde tente de minimiser : « Le procureur général est là, (nous n’avons pas été autorisés à le rencontrer, sous prétexte qu’on n’avait pas pris de rendez-vous, ndlr)». Les bureaux, fermés ? « Leurs occupants sont congé, il n’y aucun lien avec la grève». Pourtant, ce n’est pas l’ambiance habituelle à la Cour d’appel. A la CRIEF, tout était bouclé, pas l’ombre d’un magistrat, des bidasses veillent au grain.
Au tribunal de première instance de Dixinn, même son de cloche. Tout le monde ou presque boude le travail. Quelques substituts, quelques assistants dans les bureaux du parquet, aucune trace d’un juge : « Ça ne travaille depuis presque qu’une semaine. Le procureur de la République vient des fois, mais pour ses affaires personnelles. Il ne reçoit même pas les visiteurs. Le tribunal est à l’arrêt ».
Les bras de fer entre Charles Wrong et l’AMG reste entier, aucun couloir de dialogue, malgré les appels pressants d’entités comme l’OGDH. Si le blocage perdure, l’Association des magistrats pourrait bénéficier du soutien du Barreau de Guinée. Le Conseil de l’ordre, lors d’un point stress, a annoncé une éventuelle d’une assemblée générale à la rentrée judiciaire pour décider ou non de rejoindre le débrayage.
Yacine Diallo