Trois incidents contre des journalistes recensés en quatre jours font craindre une détérioration de la liberté de la presse depuis le coup d’État au Niger. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces attaques et appelle au respect du droit d’informer.
Messages hostiles reçus par certains, agressions physiques et confiscation de matériel pour d’autres. Journalistes locaux et correspondants internationaux ont vécu des jours difficiles en couvrant des rassemblements de soutien au Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), la junte qui a pris le pouvoir au Niger le 26 juillet 2023, et un point de presse des membres de l’ancien parti au pouvoir.
RSF a recensé au moins trois attaques contre des journalistes entre le 27 et le 30 juillet. Si la junte, en la figure du général Abdourahamane Tiani ne s’est pas encore exprimée sur ces incidents, un membre du Comité de soutien au CNSP, Boubacar Kimba, a recommandé, ce week-end, à la télévision nationale “à suspendre jusqu’à nouvel ordre les médias occidentaux qui relaient des messages de haine et d’intoxication”. Une demande inquiétante non suivie d’effet. Dans un communiqué rendu public le 28 juillet, le bureau du conseil d’administration de la Maison de la presse de Niamey dit “s’inquiéter des velléités d’atteintes à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes.”
« Les atteintes à la liberté de la presse que nous voyons émerger au Niger sont extrêmement inquiétantes. Il était, jusque-là, le seul pays du Sahel central épargné par la présence de militaires au pouvoir. Nous rappelons à la junte que le droit à l’information doit être préservé et respecté. Nous l’appelons instamment à veiller à ce qu’aucun journaliste ne soit plus la cible de manifestants et de forces de sécurité dans ce contexte instable que traverse le pays », a déclaré Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Alors qu’ils couvraient une marche de soutien à la junte le dimanche 30 juillet, la correspondante de la chaîne d’informations internationales TV5 Monde Anne-Fleur Lespiaut et celui du quotidien français Le Figaro Stanislas Poyet ont reçu plusieurs menaces verbales de la part de manifestants hostiles à la présence de journalistes français.
Deux jours plus tôt, lors d’un point presse au siège de la formation politique du président Mohamed Bazoum – le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) – des individus non-identifiés à ce jour ont attaqué les équipes de la radio-télévision nigérienne Anfani et endommagé une caméra de la télévision privée Bonferey. «Notre équipe s’est retrouvée coincée dans la salle par des manifestants venus disperser l’activité. Nos journalistes et d’autres équipes ont essuyé des coups et des insultes avant de réussir à se faufiler pour s’échapper », a déclaré à RSF l’un des responsables du groupe Anfani, Moussa Modi.
RSF dénonce l’action très nocive des groupes de soutien à la junte, dont les pratiques ressemblent d’ores et déjà fortement aux mécanismes liberticides pour les médias employés dans les pays voisins du Burkina Faso et du Mali à l’arrivée de pouvoirs militaires à la tête du pays, et que l’organisation a analysé dans le rapport Dans la peau d’un journaliste au Sahel. Au regard de ces trajectoires, l’existence d’un régime militaire au Niger, dénoncée au demeurant par la communauté internationale, représente un risque pour les journalistes et la liberté d’informer.
Le Niger occupe la 61e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.
Reporters Sans Frontières