Alors qu’il se montre intransigeant envers les putschistes notamment nigériens, Paris semble fermer les yeux sur le hold-up électoral à huis-clos au Gabon. Se faire passer pour le gendarme de l’Etat de Droit et de la démocratie exige de faire preuve d’impartialité aussi bien envers Bamako, Ouaga, Niamey que Libreville, Yaoundé ou Ndjamena.
Les mises en garde se suivent et se ressemblent à Niamey. Dans un premier temps, la Cedeao avait adressé un ultimatum à la junte, l’intimant de rendre le pouvoir au chef de l’Etat renversé. Une injonction jusque-là restée lettre-morte. A son tour, la junte a donné 48h à l’ambassadeur de France pour faire ses valises et quitter le territoire nigérien. Cet autre ultimatum est, pour le moment, resté sans effet.
La France estime que les militaires n’ont pas la légitimité de renvoyer son ambassadeur accrédité par Mohamed Bazoum, le président déchu. Désormais, l’ancienne puissance coloniale se rebelle contre les putschistes du 26 juillet dernier. Ce qui agace ces derniers qui, toutefois, n’osent pas employer la force contre le diplomate. Expulser le diplomate français risquerait d’anticiper l’intervention militaire. C’est l’une des rares fois que la France se mette au premier plan pour contester la légitimité d’un pouvoir en Afrique. Habituellement, elle prend acte et condamne les coups d’Etat. Une reconnaissance de fait des nouvelles autorités.
Le mandat de trop
Mais pendant que Paris fait face à l’hostilité du Niger, devenu le fer de lance de la constatation de la France dans la sous-région, un autre événement, qui complique la tâche au gouvernement français, se produit en Afrique : l’élection présidentielle chaotique au Gabon, sur fond de coupure d’Internet et instauration d’un couvre-feu… A observer de près la situation dans ce petit pays d’Afrique centrale, on se rend compte que ces événements sont peu ou pas différents de ce qui prévaut à Niamey.
Au Gabon, vous avez un Ali Bongo Ondimba (66 ans) rescapé d’un AVC qui parvient, malgré tout, à imposer sa candidature. Même si cela reste une affaire interne au Gabon, pour qui connait l’influence française en Afrique centrale en général et dans ce pays en particulier, on imagine mal que cela se passe sans la bénédiction de l’Elysée.
Or, même si on n’est pas dans les secrets des palais présidentiels malien, burkinabé, nigérien et guinéen, il y a fort à parier que les militaires qui se sont emparés du pouvoir dans ces pays observent attentivement ce qu’il convient de nommer le coup d’Etat civil en cours à Libreville. De même, la succession de père en fils au Tchad avait obtenu l’onction de Paris. Cette transmission dynastique du pouvoir, sous le regard passif de l’Elysée, est perçue comme une violation de la constitution tchadienne.
Le moins que l’on puisse dire est que si la France veut que les Africains la prennent au sérieux, elle devra revoir ses relations avec les clans Bongo, Déby, Biya et Nguessou. Elle devra aussi montrer à l’Afrique que son combat pour l’instauration de l’Etat de Droit, la démocratie et la liberté dans les anciennes colonies est une question de principe. Le même à l’égard de tous.
Habib Yembering Diallo