Voilà déjà près d’un mois que des militaires nigériens, pas très jeunes, ont ôté le pouvoir à Mohamed Bazoum, pire, l’ont séquestré à sa résidence. Cette forme d’alternance n’a pas été du goût de maints chefs d’Etat de la sous-région. C’est le putsch de trop. Il faut sévir. Il faut non seulement contraindre les « contrevenants » constitutionnels à regagner les casernes, mais aussi et surtout tuer toute velléité de ce genre. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui, par le jeu de la subsidiarité, doit envoyer des signaux aux autres acteurs (Union africaine, Union européenne, États-Unis, etc. ) fouine dans ses logiciels et exhibe quelques gentillesses scélérates dont l’éventail est suffisamment large et dissuasif : suspension des activités de l’Organisation, fermeture des frontières, interdiction des voyages des principaux responsables du bled et gel de leurs avoirs à l’extérieur, interdiction d’effectuer des opérations à la BCEAO, et tutti quanti !

L’expédition soldatesque est envisagée, le cas échéant. Cette dernière option qui n’enthousiasme pas tout le monde est bien susceptible de provoquer l’éclatement de la Cédéao. Même l’UA demeure dubitative. Mais le Nigéria, la Côte D’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, la Guinée Bissau y tiennent mordicus. A plusieurs reprises, les Chefs d’état-major des pays favorables à l’expédition punitive se sont réunis à Abuja ou à Accra dernièrement, pour peaufiner leur plan de guerre et affûter leur Kalachnikov et drones. Ils sont même déjà convenus de la date du déclenchement des hostilités. Mais n’ayez crainte ! Il y aura quelque chose qui ressemblera plutôt à une bataille entre l’Empereur du Wassolon et le Sultan de Sokoto.

Chez les putschistes, le verbe et la gestuelle sont allés crescendo. Une semaine après la prise du pouvoir, un Premier ministre a été nommé qui a, naturellement, mis en place un gouvernement. Quelques jours après, contre toute attente, les hommes forts de Niamey ont accusé le Président déchu d’avoir eu un comportement attentatoire contre la sûreté de l’Etat et de traitrise. Ce qui lui vaut d’être traduit devant les tribunaux nationaux et internationaux. Alors que de partout s’exercent de fortes pressions pour libérer Bazoum et que les putschistes retournent dans les casernes, restituent promptement l’ordre constitutionnel et remettent en selle le Prési déposé. Pire, ils affirment qu’ils sont dans un processus de transition dont la durée est d’environ 3 ans et dont les lignes fortes doivent être définies par les Nigériens lors d’un dialogue national inclusif. La recette est désormais bien connue, partagée et distillée çà et là. On l’assaisonne au goût du terroir, du coin et les consommateurs locaux s’y accommodent.

Les deux parties sont engagées dans une bravade dont l’objectif n’est pas de rapprocher les postures. Loin s’en faut. Au contraire, on joue à la surenchère. De ces bravades et jeu de poker menteur, il n’en sortira rien de bon pour les pauvres hères nigériens, voire maliens et burkinabés. Déjà très pauvres, malmenés par la faim et la maladie, c’est de la sécurité alimentaire et sanitaire qu’ils ont besoin. Le reste n’est que discours creux.

Abraham Kayoko Doré