Lors du deuxième sommet Russie-Afrique, s’est produite une querelle de clocher dont cette rencontre n’était ni le lieu, ni le moment. Une passe d’armes qui vaut d’être inscrite dans le registre du conflit de générations a publiquement opposé le Président Macky Sall (l’ancien) au Capitaine Ibrahima Traoré (le jeune) lors des discours, à l’ouverture du sommet Russie Afrique à Saint-Pétersbourg, vendredi 28 juillet.

C’est le jeune Capitaine qui, le premier, dégaine devant la vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement réunis autour de Vladimir Poutine. Dans un discours ringard, vieillot, complètement décalé, vieux d’un demi-siècle, le Président du Burkina Faso fustige l’impérialisme et ses laquais, puis accuse ses pairs africains d’hier et d’aujourd’hui d’aller par monts et vaux tendre la sébile : « Je m’en vais m’excuser auprès des anciens que je pourrais vexer dans mes propos à venir. Les questions que nos générations se posent sont les suivantes : il s’agit de comprendre comment, avec tant de richesses sur notre sol, l’Afrique est aujourd’hui le continent le plus pauvre. Et comment se fait-il que nos chefs d’État traversent le monde à mendier ? Il faut que nous, chefs d’État africains, arrêtions de nous comporter en marionnettes qui dansent à chaque fois que les impérialistes tirent sur les ficelles », a clamé Ibrahima Traoré. Toute honte bue et toute dignité enfouie dans la poche.

Après la décolonisation, l’extinction de l’Union Soviétique et la fin de la guerre froide, les vocables « d’impérialisme et de néocolonialisme » ont-ils encore un sens ? L’opération Spéciale russe de « dénazification et de démilitarisation » de l’Ukraine qui s’est enlisée n’est-elle pas une guerre impérialiste ? Alors le sommet Russe-Afrique maintenant pour créer les conditions de commercialisation de blé Ukrainien et Russe, ne ressemble-t-il pas à tendre la sébile ? Le pauvre Président de la Transition burkinabé, ne sait même pas que l’hôte de la Russie et son pays pratiquent le pire impérialisme. Comme quoi, on peut être jeune physiquement et vieillot dans la tête. Au lieu d’évoquer un passé lointain qui s’est estompé depuis belle-lurette, il aurait dû construire sa dialectique autour de thèmes porteurs, novateurs qui font recette tel que le dividende démographique, l’intelligence artificielle, l’économie numérique, tout en insistant sur leur impact sur la dynamique du développement économique, culturelle, sociale et, conséquemment, sur le mieux-être des populations. Ce sont ces thématiques de l’avenir qui auraient dû préoccuper le jeune président du Faso. Hélas ! Il s’est voulu émule de Thomas Sankara et préféré le mimer-maladroitement. Piqué au vif, Macky Sall qui n’est pas pourtant encore vieux, a vigoureusement recadré son jeune pair, en ces termes : «Pour répondre à notre jeune frère, notre cadet : les chefs d’État ne sont pas venus ici pour mendier. Nous n’allons pas ailleurs pour tendre la main. Nous travaillons pour un partenariat d’égale dignité entre les peuples. C’est le même discours qu’on tient à Dakar, ici à Saint-Pétersbourg, ou à Washington. Et ce combat transcende les générations.»

Pour protester contre cette attitude peu amène à leurs égards, les Présidents Sassou N’Guesso, Paul Biya et Umaro Sissoco Embaló ont boudé la photo de famille. Le capitaine Ibrahima Traoré n’aurait-il pas dû faire preuve de patience pour laver le linge sale lors d’un sommet du l’UA ?

Abraham Kayoko Doré