Deux ans de cela que le Doum-bouillant et ses camarades d’armes ont tombé Alpha Grimpeur. Comme pour tout discours lié à un coup d’État, les déclarations de l’homme fort du pays ont suscité l’espoir, fait couler beaucoup d’encre et de salive, sont désormais dans les annales. En effet, ces discours sont si influents que nos juristes pourraient envisager comment les intégrer dans les préambules des chartes de transition.

Deux passages clés de ce discours méritent une attention particulière : la motivation de la prise du pouvoir et la déclaration d’amour à la Guinée :

« L’instrumentalisation des institutions républicaines, de la justice, le piétinement des droits des citoyens, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique ont amené l’armée guinéenne, à travers le Comité national du rassemblement et du développement, à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple souverain de Guinée, dans sa totalité. Nous avons décidé à partir de l’instant de dissoudre la Constitution, car nous allons réécrire une Constitution ensemble cette fois-ci. […]

 La Guinée est belle : nous n’avons plus besoin de la violer. On a juste besoin de lui faire l’amour. Tout simplement. Je vous remercie ! »

Posons-nous les bonnes questions : les institutions et la justice ont-elles cessé d’être instrumentalisées ? La politisation de l’administration est-elle un temps révolu ? Où en sommes-nous avec les principes démocratiques et les droits des citoyens ? Excusez du peu ! À chaque Guinéen, quelle que soit sa position, de dresser un bilan. À chacun de mesurer l’écart, qu’il s’agisse d’un fossé ou d’un pont, entre les espoirs suscités, les engagements pris et la réalité actuelle.

Malheureusement, la politique se révèle souvent être un tourbillon de passions. En l’absence de clairvoyance, il est essentiel de garder la tête froide lors de nos prises de position partisanes. En ce qui nous concerne, l’enseignement que nous tirons concernant les réactions aux coups d’État est de ne jamais, plus jamais applaudir un renversement de pouvoir par la force. N’en déplaise aux partisans de coup d’État salutaire, que sais-je encore, démocratique. Notre choix se limite à rester vigilant, sans plus ni moins, en observateur lucide. S’il est des périodes où il est préférable de prendre du recul et de garder un regard avisé sur la réalité (sans nécessairement adopter une neutralité totale), c’est bien pendant les régimes d’exception. Face aux putschistes en quête de légitimité populaire, il est judicieux de refuser les liaisons éphémères ou dangereuses, de ne pas sacrifier sa parole ni son soutien. Il convient au peuple d’agir avec la prudence d’une fiancée qui prend soin de bien nouer son pagne et de maintenir ses distances. Une femme digne qui ne se laisse pas impressionner par les atalakou deskamaremba se prétendant gentlemen. Tu pourras me conquérir après que notre union est scellée, c’est-à-dire, lorsque la passation du pouvoir sera effectuée en toute transparence. Une fois de plus, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.  Encore une fois, le retour à la case départ aggrave notre désespoir.

Nous présentons ce bouquet de pastiches à nos sauveurs pour célébrer zoyeusement leur zanniversaire !

Comme un président refusant d’accepter la réalité

La Guinée s’épanouit dans l’amour de ses institutions rectifiées, sa justice en boussole équilibrée, les droits des citoyens protégés, les principes démocratiques respectés. En cette période, l’administration publique est un modèle de transparence, la gestion financière impeccable, la prospérité et l’intégrité morale règnent. La confiance règne et l’armée guinéenne est un exemple d’armée républicaine. Le Comité national du rassemblement pour le développement nourrit l’unité du peuple. La Charte de la transition reste solide, gardienne de nos valeurs, nous ne pouvons que la chérir.

La Guinée est belle : notre amour envers elle grandit, avec chaque jour passé à ses côtés.

Comme un calife bien guidé

Bismillah, chers compatriotes, écoutez attentivement les paroles ci-après car elles portent un message des plus importants. Allah Akbar ! Les institutions républicaines, autrefois respectables, ont été manipulées, détournées de leur noble chemin, astaghfirullah ! La justice, qui devait être une balance de vérité, s’est penchée du seul côté des gouvernants, laissant la fitna se propager. Les droits des citoyens sont piétinés et foulés aux pieds, soubhanallah ! Les principes démocratiques, si chers à nos cœurs, ont été jetés aux vents, wallah ! L’administration publique, autrefois citadelle de neutralité, a été envahie par la politisation malsaine, adjib ! L’argent public, cette ressource bénie, a été gaspillé sans retenue, astaghfirullah ! Wallah, la pauvreté frappe, la corruption ronge. Mais voici la bonne nouvelle, mes frères et sœurs : l’armée guinéenne, guidée par le Comité national du rassemblement pour le développement, a levé l’étendard de la responsabilité, takbir !

Nous nous tenons face au peuple souverain de Guinée, billah ! Et maintenant, en ce moment béni, nous annonçons la dissolution de la Constitution, mach’Allah ! Nous écrirons ensemble une nouvelle Constitution bâtie sur le discernement, inch’Allah ! Mes frères et sœurs, en ces temps d’incertitude, nous devons nous unir contre les alliés de sheytane qui tentent de nous diviser. Bismillah, suivons la voie de la vérité et œuvrons ensemble pour un futur de justice et de paix.

La Guinée, belle et pure, mérite notre amour sincère, sans violence, sans turpitudes. En unissant nos cœurs, nous offrons cette aumône à notre houri bien-aimée. Wassalam.

Comme un messie sauveur

In nomine patris et filii et spiritus Sancti ! Alleluia ! Nous sommes rassemblés ici pour vous annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile. Hosanna ! Nous prions pour l’intégrité des institutions républicaines, pour la restauration de la justice et pour le respect des droits des citoyens. Nous prions pour que les principes démocratiques brillent à nouveau, comme une étoile guidant notre nation.

Urbi et Orbi, à la Guinée et à la communauté internationale, nous annonçons que l’armée guinéenne, par l’intermédiaire du Comité national du rassemblement pour le développement, a levé le flambeau de la responsabilité envers le peuple souverain. Nous annonçons que la Constitution, l’Ancien Testament, est dissoute pour être renouvelée par un Nouveau Testament.

La Guinée, belle et sacrée, Alma mater, mérite notre révérence et notre amour. Nous n’avons plus besoin de la violer, mais d’établir, avec elle, un lien charnel sincère. Un amour, mes frères et sœurs, qui se manifeste comme un rite sacré, enveloppant notre nation dans une étreinte bienveillante. Je vous remercie, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen !

Comme un zéhéros

Non, camarades, nous ne tolérerons plus ce régime néocolonialiste ! L’instrumentalisation des institutions, la déchéance de la justice, le mépris des droits du peuple, tout cela ne peut plus continuer. Les principes démocratiques, autrefois symboles d’espoir, ont été bafoués et trahis par les saboteurs qui prétendaient les protéger.

Non, nous ne resterons pas passifs face à cette politisation à outrance de notre administration publique, transformée en théâtre de marionnettes. La gabegie financière, fruit empoisonné de l’avidité capitaliste, a jeté notre nation dans le gouffre du marasme économique. Et la corruption endémique, ce fléau qui ronge nos racines, a emprisonné notre avenir.

Mais nous disons Non ! L’armée guinéenne, par le biais du Comité national du rassemblement pour le développement, prend la destinée du pays, pour nous tous, du nord au sud, de l’est à l’ouest. Nous avons décidé, à cet instant précis, de dire Non à l’ancienne Constitution qui nous a trahis. Car nous préférons une transition dans l’injustice au troisième mandat dans la répression.

Non, nous n’accepterons plus d’être les jouets des impérialistes et de leurs agents locaux de la cinquième colonne. Nous écrirons ensemble une nouvelle Constitution révolutionnaire, une Constitution qui crie haut et fort notre indépendance. Car notre Guinée, fière et jeune, ne se courbera plus devant l’ennemi.

Non, camarades, ensemble, unis, nous marcherons vers un avenir de dignité et de souveraineté. Nous proclamons haut et fort notre refus de la tyrannie et notre désir de liberté. Non, plus jamais nous ne serons asservis, car le peuple de Guinée se lèvera, fort et libre, pour bâtir son propre destin !

La Guinée est belle : nul besoin de la prostituer et l’acoquiner avec les satrapes et les anti-Guinéens. Le premier et indispensable besoin réclamé par la patrie est cette œuvre de chair qu’est l’amour. Vive la révolution !

Comme un gouverneur juste

Après avoir œuvré à la rectification des institutions républicaines, la refondation de la justice, à assurer l’exercice effectif des droits des citoyens, à l’application effective des principes démocratiques, à la dépolitisation de l’administration publique, à la mise en place d’une gestion financière orthodoxe, à créer et partager la prospérité et veiller à la probité et la redevabilité des gouvernants, l’armée guinéenne, à travers le Comité national du rassemblement pour le développement, travaille concrètement à rendre le pouvoir au peuple souverain de Guinée. Nous avons décidé, par Dieu et les Saintes Écritures, de changer, ici et maintenant, de cap, en organisant une transition plus inclusive. Halte à la diversion et fin des manœuvres dilatoires, nous allons à l’essentiel : l’organisation des élections, et ensemble cette fois-ci.

Après plusieurs soirées romantiques passées avec nous, les gentleman en tenue de camouflage, la Guinée est embellie plus que jamais, nous n’avons plus besoin de l’enlaidir. Tout le monde peut lui faire la cour. Mais l’amour, seul l’heureux élu qu’elle choisira lui fera. Vive les mariés !

Bano Mo Alpha