Le bras de fer entre le Garde des Sceaux et les magistrats est loin de connaître son épilogue. Le 1er septembre, les robins ont soufflé sur la braise. Ils ont fait le poing sur le débrayage qu’ils observent et annoncé de nouvelles actions.
Le 1er septembre est habituellement jour de rentrée judiciaire en Guinée. Cette année, il n’en est rien. Cours et tribunaux sont bouclés depuis que l’Association des magistrats de Guinée (AMG) a appelé, il y a deux semaines, ses membres à observer un débrayage. Cela fait fuite aux suspensions collées à deux robins en sévices au tribunal de première instance de Labé. A la place de la rentrée judiciaire, l’AMG a organisé une conférence de stress pour permettre à Moussa Cas-marrant et Cé Avis Gamy, mis au placard par le Garde des Shows, de rompre le silence pour donner leur version des faits dans l’affaire Asmaou Diallo. L’organisation annonce également une série de manifs à partir de la semaine prochaine.
Yaya Kaïra-bat de l’aile, indexé
Le différend entre les hauts responsables du mystère de la Fustige et l’AMG est né de la suspension de Moussa Cas-marrant, magistrat qui a condamné une certaine Asmaou Diallo à Labé et Cé Avis Gamy, substitut du pro-crieur qui a exécuté la décision. Le ministre de la Justice Charles Wrong et ses sévices les accusent d’insuffisance professionnelle et d’insubordination. Des accusations que les mis en cause rejettent en force. Ils dénoncent l’accointance entre dame Asmaou Diallo dont la condamnation a engendré tout ce brouhaha, leur ministre et l’Inspecteur gênant des sévices judiciaires et pénitentiaires. Lorsque l’affaire a été rendue publique, Charles Wright et Yaya Kaïra-bat de l’aile Kaba ont nié avoir exercé de la pression sur les magistrats pour que la condamnée se retrouve dehors.
Selon Moussa Cas-marrant, les explications de ses supérieurs hiérarchiques ne tiennent pas la route. Il explique que le harcèlement aurait commencé dès après la condamnation de la dame : « Nous étions en pause dans le bureau du parquet, nous avons reçu une délégation, une dame à sa tête. Cette dame ne savait pas que c’est moi qui avais pris la décision. Elle a appelé un haut magistrat du pays, je vais taire son nom pour des raisons d’éducation, malgré le fait qu’ils ont décidé de nous sacrifier. Il leur a promis, devant moi, qu’il fera tout pour que la dame soit libérée». Moussa Cas-marrant n’en n’aurait donné aucune importance : « Cela ne m’intéressait pas, parce que j’avais fini mon travail». Mais l’après-midi du 25 juillet dernier et les jours suivants seront longs pour le juge. Le prési du TPI de Labé, le pro-crieur gênant près la Cour d’appel de Cona-cris, l’Inspecteur gênant des sévices judiciaires et pénitentiaires n’auraient cessé de le harceler au téléphone : « Le président du tribunal m’a dit que le ministre les a appelés, les a mis en conférence, lui, le chef du greffe, le procureur général autour de la procédure. Je lui a expliqué que cela ne m’intéresse plus, parce que j’ai rendu ma décision».
Le département ne se serait pas arrêté là, en plus du prési du tribunal, un autre juge à Labé aurait été mis à contribution pour les faire venir à Cona-cris : « Le juge Ansoumane, très inquiet, m’a expliqué la situation, m’a supplié de me rendre à Conakry pour rencontrer le ministre, faute de quoi il va me suspendre». Le prési du tribunal lui aurait réitéré les mêmes propos, avant de l’informer que Yaya Kaïraba allait l’appeler : « Vers midi, monsieur l’Inspecteur m’a dit au téléphone que le ministre avait besoin de moi le lendemain à 10h à son bureau. Je lui ai dit que je ne comprenais pas pourquoi je devais m’expliquer sur une décision de justice». Dans un premier temps, le robin refuse de s’exécuter, mais finit par prendre la route la nuit. Il arrive à Cona-cris à 5h. A 10h, il se pointe au mystère de la Fustige. Lui et son prési du tribunal prennent l’ascenseur pour aller au bureau de l’inspecteur. Ils se retrouvent nez à nez avec celle qu’il pensait être à la prison civile de Labé : « Madame Asmaou nous a rejoint dans l’ascenseur ». Il réfute les propos de Yaya Kaïraba selon lesquels la dame était avec son avocat : « Ce n’est pas vrai, elle était seule. Nous sommes montés à trois». Grande fut sa surprise de savoir qu’il devait s’expliquer avec celle qu’il a condamné : « Je lui ai dit que c’est la dernière des choses que je vais faire dans ma vie. La dame est allée chez l’inspecteur avec le président du tribunal».
Yaya Kaïraba lui a fait comprendre que la convocation émanait du ministre, lui aurait conseillé de pas tenir tête à Charles, parce que, selon lui, la fonction du ministre aurait changé radicalement ce dernier : « Il m’a dit de ne pas parler du droit quand je suis en face du ministre, parce que le Charles Wright d’avant et celui d’aujourd’hui sont radicalement différents. Il m’a fait comprendre que le Charles d’aujourd’hui est un homme politique influent pour cette transition. Je lui ai répondu que je n’ai rien à me reprocher, je n’ai pas peur de la suspension, je suis parti». Moussa Cas-marrant ne sait non seulement pas comment la dame s’est tirée de la prison civile de Labé, pire il affirme que celle-ci n’aurait pas séjourné à l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie : « Devant moi, l’inspecteur a passé un appel à un magistrat du parquet général, lui a demandé de confier la dame au Directeur de l’administration pénitentiaire, lui a dit de gérer la procédure sans l’envoyer en prison, parce que le ministre ne veut en entendre parler. J’étais choqué d’entendre doyen Kaïraba tenter de me sacrifier publiquement, alors que lui et moi étions dans son bureau avec des témoins. Sa déclaration m’a beaucoup plus choqué que la suspension».
Cé Avis Gamy, lui, se contente d’expliquer qu’il a fait l’objet de sanction, juste pour avoir exécuté une décision de justice.
L’AMG veut passer à la vitesse supérieure
Les cours et tribunaux sont actuellement fermés, l’Association des magistrats de Guinée pour mettre fin à la crise, dit être ouverte au dialogue. Mais elle conditionne tout dialogue par la levée de la suspension des deux magistrats, le respect du principe de la présomption d’innocence, du contradictoire du droit à la défense et de l’honneur des citoyens en général et des magistrats en particulier, dans toutes les prises de parole et de décision d’injonction de poursuites par le ministre de la Justice. Les robins veulent aussi des garanties sur le rétablissement dans leurs droits, des magistrats dont les dossiers ont été jugés par le Conseil supérieur de la magistrature, éviter toutes « vindictes» contre ceux qui soutiennent le mouvement pour l’indépendance et la dignité des magistrats, entre autres.
L’AMG annonce un sit-in le 7 septembre, devant le siège de la Cour suprême de Guinée. Un sit-in suivi d’une marche pacifique le 12 septembre. Elle partira de la Cour d’appel de Cona-cris, pour se terminer devant le Conseil supérieur de la magistrature, après un détour par le mystère de la Fustige. Ça va barder.
Yacine Diallo