Modèle, icône, source d’inspiration, idole, humble, grand homme de culture. Les qualificatifs n’ont pas manqué pour définir le doyen des humoristes guinéens Amadou Bailo Sow lundi 11 septembre, à la levée de son corps, à l’hôpital de l’amitié Sino-guinéenne où il est décédé 2 jours plus tôt. Un hommage qui lui a été rendu par plusieurs Guinéens, peu avant son enterrement au cimetière de Hamdallaye, commune de Ratoma.

Depuis 1961, Sow Bailo est sur scène. Disparu à l’âge de 73 ans, il laisse derrière lui une veuve, six enfants, dont deux filles et un grand héritage culturel. Dans une grande émotion, la cérémonie a débuté avec l’observation d’une minute de silence à la mémoire du défunt. Chargé de la lecture de l’oraison funèbre, le journaliste et historien, Amadou Diouldé Diallo, parle d’un «grand homme de culture que l’humour a dompté pour s’enrichir de son talent inégalable. Avec Sow Bailo, l’humour, c’était l’arbuste, l’histoire et la culture, la forêt, la rive et l’immensité de l’océan. Vous ne pouvez deviner l’énormité de la perte».

Lauréat du prix « Sow Bailo » en 2018 au FAR (Festival des arts et du rire) de Labé, l’humoriste, Thierno Mamou, a le cœur serré. Il déclare avoir été inspiré, très jeune, par les œuvres de l’illustre disparu : «Mon modèle, j’ai toujours fait comme lui. Il a malheureusement quitté, c’est un sentiment de tristesse que nous avons aujourd’hui puisque qu’on aurait aimé qu’il reste encore parmi nous, afin qu’on puisse profiter davantage de sa sagesse. C’est toujours triste de perdre ainsi une icône. C’est ma source d’inspiration et il a été le premier comédien que je vois imiter un Président. Ce que nous pouvons désormais, c’est de faire en sorte que son héritage soit retransmis aux générations actuelles et futures. Paix à son âme !»

« Immortaliser ses œuvres »

Parlant des promesses faites au désormais défunt comédien, comme sa maison de retraite, Thierno Mamou se dit comblé de remarquer que Sow Baïlo a fait un «métier moins valorisé», mais est parvenu à s’en sortir, malgré les difficultés. Il a participé au projet «de construction de la maison de retraite de Sow Baïlo à Labé» et tiré des leçons. Thierno Mamou ne veut plus voir les artistes vivre dans la précarité, il estime que les enfants de Sow Bailo mériteraient de bénéficier des fruits des œuvres de leur papa.

Pour immortaliser son idole, Thierno Mamou se dit prêt à initier des événements à son honneur et compte sur le soutien de ses confrères. Il rappelle qu’il existe déjà un Festival et un prix (Sow Bailo). «Il faut perpétuer cela, organiser une soirée 100% Sow Bailo, où chaque humoriste jouera ses sketchs pour lui rendre hommage, car il le mérite». Selon lui, Sow Baïlo a inspiré le monde et l’Afrique. Thierno Mamou promet de parler de lui partout où il sera pour des prestations artistiques.

Larmes aux yeux, Justin Morel Junior, ami de longue date de Sow Bailo, garde le souvenir d’un homme humble. Très ému et profondément triste, il a déclaré: «La Guinée perd un grand comédien, qui avait le savoir et le pouvoir de faire rire. Personnellement, il riait rarement, mais ayant compris la société guinéenne, il savait trouver les mots pour traduire les émotions et redonner la joie de vivre». JMJ a été un grand admirateur de Sow Bailo, lorsqu’il a été Directeur de la RTG, il a créé une émission (Télévasion) dans laquelle Sow Bailo faisait de l’humour, pour la satisfaction du public. Selon lui, la Guinée «pleurera longtemps cet artiste émérite qui a très tôt compris qu’en l’humour, il y a de l’amour et le sens de la mort que l’on doit pouvoir oublier, ressusciter pour être un vrai croyant, un homme de la vie, celui qui sait servir les autres et se met au service de son pays».

Un père modèle et spirituel

Le comédien, Mamadou Thug, a assisté à la cérémonie à distance. Hors de la Guinée, il a rendu un vibrant hommage à son «père spirituel et artistique», en lui dédiant le trophée qu’il a remporté le samedi 9 septembre, lors de la 7ème édition du FONAP (Forum national des acteurs publics). A son tour, il a promis : «Cette flamme du rire et de l’humour, nous la porterons jusqu’au dernier jour de notre vie. Ce sera notre meilleure façon de te célébrer dans nos cœurs», a-t-il déclaré.

S’exprimant au nom des artistes et comédiens, Aboubacar Camara alias «Grand Devise» a présenté ses condoléances à la famille éplorée et celle de la culture avant d’inviter ses confrères à l’union.

Encore sous le choc, Bayo Sow, fille aînée du défunt est restée très proche à son père. Elle pleure «un papa aimant, qui a toujours su prendre soin et redonner le sourire aux autres. Il a été le père qu’on a souhaité avoir, gentil, aimant, souriant et traitant tout le monde au même pied d’égalité. C’est un fidèle musulman, il mérite de reposer au paradis». Elle se dit reconnaissante des autorités et des confrères de son père qui sont restés à son chevet, jusqu’à son dernier souffle.

Après cet ultime hommage national, la dépouille de Amadou Bailo Sow a été conduite à la mosquée centrale de Hamdallaye, Commune de Ratoma, où il a passé 42 de ses 73 ans de vie sur terre. La prière funéraire sera suivie de l’enterrement au cimetière du même quartier où reposera désormais pour l’éternité le célèbre comédien.

Abdoulaye Bah