Un simple coup d’œil sur les paysages politique et médiatique guinéens suffit pour conclure sans ambages que la liberté de la presse est en net recul. Pourtant, dans les années 1990, le pays avait pris une certaine avance, certes inattendue, sur de nombreux pays d’Afrique, même de l’ouest. Tout, ou presque, est parti des conclusions, certainement hâtives, que les roitelets africains ont tirées du rôle, surtout de « la nouvelle attitude » prêtée à François Mythe-errant, le Chef de la France, de vouloir les abandonner au profit de nouveaux pays amis d’Europe de l’Est. Le mur de Berlin venait de s’écrouler en novembre 1989.
Le 20 juin 1990, le Mythe-errant réunit autour de lui, à la Baule, Loire-Atlantique, les 37 patrons de ses néo-colonies africaines pour leur intimer l’ordre d’adopter « des réformes démocratiques. » Au risque de se voir pulvériser par le nouveau tsunami de liberté qui emporte des dictatures dans maints pays d’Europe Orientale. Panique au sommet dans presque toutes les capitales africaines, Conakry exceptée. Bizarre !
Général Lansana Conté avait fini par comprendre qu’après la mort du Responsable Suprême de la Révolution, le 26 mars 1984, suivie des quelque cinq années d’expériences laborieuses à la tête du CMRN, rien ne pouvait plus être comme avant. Aussi, à la veille de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France, avait-il lancé un véritable défi à nos con(.)frères de Horoya : « Je n’ai pas peur des critiques. » Les éditions du Quotidien national qui ont suivi la boutade présidentielle ont plutôt montré en filigrane le peu de confiance de la presse de l’époque envers les discours officiels. Pourtant l’Histoire aura prouvé que Fory Coco n’avait peut-être pas une compréhension exhaustive des implications liées à la liberté de la presse, mais il semblait bien sincère. Aujourd’hui, en 2023, on peut l’affirmer, en matière de liberté de la presse et de liberté tout court, les militaires étaient en avance sur la plupart des civils de l’administration cocoforiste. Bizarre !
Après 32 ans de gâchis, pompeusement appelé « souveraineté nationale », le CTRN élabore les textes fondamentaux, le a+b = ba, de la démocratie guinéenne. Lentement, très lentement, le Guinéen se met à la tâche pour séparer le citoyen et le militant du Parti Inique, ce menteur suprême. Il n’y est pas encore. Avec le CNT de 2010, les lois sur la liberté, celle de la presse notamment, prennent un essor remarquable sur le papier. Sur le terrain, comble de malchance et d’inertie citoyenne, un professeur de droit met le pied dessus. Le monde à l’envers, comme toujours dans l’enfer guinéen. Avec le CNRD, c’est l’histoire du marabout-crocodile du dicton africain : les pattes écrivent, la queue efface. Le paysage médiatique reste ouvert tant aux reporters qu’aux tireurs d’élite. Là où Ousmane Gaoual, le porte-parole du goubernement, voit des bobos, les caméras montrent des fractures. Indivisibles, les libertés sont en recul !
Diallo Souleymane