Le procès du margis-chef, Ibrahima Baldé, s’est poursuivi le 23 octobre au TPI de Dixinn. Le lieutenant Aboubacar Kéita, chef d’unité de l’accusé, a été entendu. Il décharge son subordonné.

Le margis-chef Ibrahima Baldé est jugé pour « meurtre, atteinte à la vie privée, coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner». Il a été filmé à Bambéto le 20 octobre 2022, jour de manifestation des Forces vives de Guinée, en train d’ouvrir le feu en direction d’un groupe de manifestants. Des accusations qu’il a rejetées en bloc, déclarant à la barre qu’il portait le pistolet TT30, parce qu’il était déployé en tant que garde du corps de son chef d’unité et qu’il a répondu au tir d’un manifestant.

Ce 23 octobre, le lieutenant Aboubacar Kéïta, supérieur hiérarchique de l’accusé a comparu à titre de témoin. Il déclare qu’Ibrahima était à Bambéto « en tant qu’agent de maintien d’ordre comme tous les autres». Il confirme aussi les propos de l’accusé selon lesquels ce dernier n’a fait que riposter : « Vers midi, un homme armé a été découvert dans la foule, j’ai dit à tout le monde se mettre à l’abri, j’ai remonté l’information. A un moment, Ibrahima Baldé s’est détaché pour approvisionner une équipe d’amis en gaz lacrymogène. Au retour, il a subi un tir, il a riposté, et il est venu m’informer. Je ne l’ai pas vu tirer, je ne savais pas qu’il était armé, j’ai retiré son arme ». Malgré tout, le lieutenant se dit formel : les tirs de son subordonné ne pouvaient tuer quelqu’un : « Dans ce contexte, il faut tenir compte de l’arme, de la position, de la distance. En voyant la vidéo, je me dis que c’est impossible qu’il atteigne quelqu’un, à plus forte raison le tuer. D’ailleurs, il a tiré vers Kakimbo, et l’arme qu’il avait ne pouvait tuer au-delà de 20 mètres ».

Le gendarme accuse les médias et les réseaux sociaux d’avoir amplifié l’affaire : « L’environnement social et les médias ont fait que les forces de l’ordre ont peur de sortir leurs armes maintenant ». Il déclare que policiers et gendarmes ont le plein droit de se déployer dans un théâtre de manifestation avec leurs armes : « L’article 38 de la loi 009 sur le maintien d’ordre autorise parfaitement le port d’arme pendant les manifestations. Je défie quiconque de me prouver le contraire. Mais aujourd’hui, les agents cachent leurs armes dans les pick-up par peur d’être vus. Cette peur a été accentuée par le fait qu’on ait vu des responsables de la sécurité fouiller, à un moment, les véhicules avant que les agents ne sortent sur le terrain. Sinon, les agents ont parfaitement le droit de descendre (sur le terrain) avec leurs armes, mais ils n’osent plus ». Selon lui, la journée du 20 octobre 2022, jusqu’à ce que son unité quitte Bambéto, il n’y avait ni morts ni blessés : « Quand on venait en renfort, toutes les unités étaient débordées. On s’est dit de les (manifestants) maintenir à distance, jusqu’à ce qu’ils se fatiguent et qu’ils rentrent à la maison. Ce jour, personne ne pouvait s’approcher d’eux. Tout l’Axe bouillonnait, les unités étaient délogées partout. Quand on quittait à 18h, personne n’était mort ».

L’affaire est renvoyée au 6 novembre prochain, pour plaidoiries et réquisitions. Mais elle pourrait ne pas avoir lieu, à moins qu’on décide de faire sans la partie civile. Maitre Thierno Souleymane Baldé décide de ne plus plaider pour, dit-il, ne pas cautionner une parodie de justice. Il n’a pas aimé que le tribunal lui refuse un autre transport judiciaire, pour tenter de déterminer si les tirs du margis-chef peuvent ou non être ceux qui ont été fatals à l’une des victimes du 20 octobre 2022. Il soupçonne le parquet de vouloir « tout faire », pour échapper à la justice.

Yacine Diallo