Le 26 octobre, la ministre du Plan et de la Coopération internationale, Rose Pola Pricemou, a présidé le colloque sur le panafricanisme et l’intégration africaine à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia (UGLC). L’initiative est du Centre d’innovation et de recherche pour le développement (CIRD), dans le cadre de la Semaine de l’intégration africaine.
Professeurs, chercheurs (guinéens et africains), encadreurs, invités et étudiants se sont donné rendez-vous dans l’amphithéâtre Djibril Tamsir Niane de l’UGLC, pour parler notamment de panafricanisme, de l’unité, de l’intégration. Les thèmes ? « Le rêve d’unité africaine et d’intégration régionale des anciens face aux États fragiles des héritiers dans l’espace Cédéao » ; « Panafricanisme, décolonisation et le contexte guinéen. » L’objectif est d’informer les étudiants sur les idéaux et leur mise en œuvre par les pères fondateurs de la défunte Organisation de l’unité africaine, aujourd’hui Union africaine.
La Rose Pola Pricemou, mini-stresse du Plan, a déclaré que l’intégration était un rêve dès les indépendances africaines. « L’intégration est née de la conviction que l’unité et la coopération sont les piliers de la prospérité et de la paix en Afrique. Aujourd’hui, nous constatons fièrement des avancées, telles les échanges commerciaux qui se multiplient. Nous avons fait des pas importants vers la paix et la sécurité, nous avons renforcé notre voix sur la scène internationale. »
Toutefois, la ministre avoue que l’Afrique fait face à des multiples défis comme les inégalités, la pauvreté, les conflits. Travailler pour les « surmonter est essentiel. L’intégration africaine ne peut être que des accords commerciaux. Les dirigeants doivent saisir l’opportunité de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pour harmoniser la coopération régionale, adopter une approche commune pour la négociation des règles des accords de commerce et d’investissement avec les partenaires extérieurs. »
Mme Safiatou Diallo, fondatrice du CIRD, indique que le soixantième anniversaire de l’UA permet de poser un regard scientifique sur le passé, le présent, les atouts et les défis de l’intégration. « La Guinée a eu la charge et le privilège de mettre en place les premiers organes de l’OUA à un moment charnière. Elle a géré des mouvements de libération nationale, mais aussi l’épineuse question de l’apartheid en Afrique Sud. »
L’héritage à préserver
Pr Maladho Siddy Baldé, historien, conférencier : « Les Africains-Américains sont considérés comme les précurseurs du panafricanisme. Le mouvement donne des outils d’émancipation. » Selon lui, l’OUA a montré ses limites, d’où la naissance de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, afin de régler les questions de l’intégration économique. « Personne n’a le droit de banaliser l’héritage panafricanisme », soutient le Prof Ta-Baldé.
Dr Céline Pauthier, maîtresse de conférences à l’université de Nantes (France), rappelle que le panafricanisme vise à l’émancipation et à la libération des peuples africains. Même qu’il a été un projet politique et culturel, à l’articulation de trois continents : Amérique, Europe et Afrique. « Le panafricanisme est une historiographie en plein renouvellement, à travers la publication de ouvrages nouveaux, ainsi que la naissance des mouvements panafricains, avec une diversité d’intervenants. » Dr Pauthier martèle que la Guinée a bénéficié de la solidarité ouest-africaine dès le départ du colon. « Cela a enclenché de nouvelles ouvertures pour la Guinée. Nombreux leaders africains de mouvements d’indépendance nationale, comme Amical Cabral, ont trouvé soutien en Guinée. »
Forte mobilité en Guinée
Mamadou Sounoussy Diallo est Maître-assistant du CAMES (Conseil africain et malgache pour l’Enseignement supérieur) et enseignant-chercheur en Sociologie à l’UGLC. Il a présenté le thème sur le système migratoire ouest-africain : entre dynamiques frontalières et intégration sous régionale.
Selon lui, la Guinée-Bissau, le Sénégal et la Gambie se sont affirmés comme une destination particulière des Guinéens. « La Guinée est un terrain d’extrême mobilité. En Transition, le pays connaît une forte mobilité interne et internationale (départ). » Selon lui, la faiblesse des politiques d’intégration sous-régionale s’observe dans le décalage entre discours politiques et pratiques sur le terrain. « Ces dernières années, les frontières du Nord-Ouest de la Guinée (Guinée-Bissau, Gambie et Sénégal) alimentent les débats dus aux tensions politiques dans et entre les Etats de départ et dans ceux de destination. L’autre paradoxe est que les politiques d’intégration de la Cédéao sont plus tournées vers l’intégration économique que celle des peuples ; ce qui explique d’ailleurs la perte progressive de sa légitimité. Les citoyens de l’espace Cédéao considère aujourd’hui cette institution comme un valet des anciennes puissances colonisatrices dans la gestion de leurs propres Etats. Cet état de fait amène les populations en mobilité à prendre leur destin en main, à mieux s’intégrer dans les espaces géopolitiques », conclut-t-il.
Yaya Doumbouya