Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Le mercredi 11 octobre, les victimes Abdoulaye Djibril Barry, Ramatoulaye Barry, Thierno Mamadou Aliou Diallo et Abdoulaye Djibril Diallo ont témoigné des crimes qui se sont déroulés au stade du 28 septembre.

Ramatoulaye Barry

Ramatoulaye Barry est passée à la barre pour expliquer qu’Alpha Oumar Diallo, le mari de sa grande sœur Kadiatou Barry, a disparu depuis le 28 septembre 2009. Selon elle, son beau-frère voulait se rendre au stade avec sa sœur Kadiatou Barry, le 28 septembre, mais que celle-ci  devait faire le ménage. « C’est ainsi que son mari est parti au stade, pour la manifestation. Quelques heures après, son mari l’a appelé pour lui dire de ne pas se rendre au stade, parce ça a dégénéré. Préoccupée, ma sœur a rappelé son mari Alpha Oumar, il ne décrochait pas. Elle a insisté, c’est une dame qui a répondu comme si le téléphone lui appartenait… » Ramatoulaye Barry affirme que toutes les recherches de son beau-frère sont restées infructueuses. Jusqu’à présent, son corps n’a pas été retrouvé.

Thierno Mamadou Aliou Diallo

Comme de nombreux manifestants, Thierno Mamadou Aliou Diallo, marchand, s’est aussi rendu au stade du 28 septembre. Sur son chemin, il a rencontré des civils habillés en maillots du club anglais Chelsea qui étaient dans deux bus. Ces derniers encourageaient les gens à partir au stade. Mais, il a trouvé ces « gens étranges », donc il n’a pas prêté attention, il a continué pour aller au stade.  « Je suis entré dans le stade, j’ai fait 10 minutes, je suis ressorti. Quelques minutes après, j’ai aperçu des bérets rouges entrer dans le stade en tirant. Je suis retourné dans le stade, j’étais arrêté sur les gradins avec un homme. Tout d’un coup, il est tombé, j’ai regardé, j’ai vu le sang sur lui. J’ai paniqué, j’ai cherché à me sauver. Après, je me suis retrouvé au Palais des sports. Quand je sortais, j’ai vu des corps, des blessés, j’ai vu des femmes qui couraient à moitié nues, elles criaient au secours :’’ Aidez-nous ! Aidez-nous ! » Thierno Mamadou Aliou a expliqué qu’à sa sortie, il a vu des camions et des pick-up militaires de tous les corps de l’armée. « Un militaire voulait m’attacher, mais à cause de ma réaction, il a arrêté, il m’a giflé avant de m’embraquer dans le pick-up. Les militaires ont attaché un autre manifestant et embarqué beaucoup d’autres. Ils nous ont conduits au camp Koundara. Vers 16h, le sergent Paul  Mansa Guilavogui  est venu, il nous a traités de tous les noms : ‘’Vous êtes des rebelles ‘’, avec d’autres grossièretés que je ne peux pas prononcer ici. C’est sergent Paul qui nous disait de nous superposer en sardine. Chaque matin, on nous descendait pour nous donner 50 coups de fouets. Ils nous ont dit d’aboyer comme des chiens. Ils (militaires) nous ont dit de nous coucher, de regarder le soleil. Dès qu’on ouvrait l’œil, ils versaient  de l’eau fraiche sur nos visages ». Thierno Mamadou Aliou dit être sorti le dimanche 4 octobre 2009, soit près d’une semaine après avoir payé une rançon de 2 millions 500 mille Fg par l’intermédiaire d’un policier qui se trouve être l’ami de son grand frère.

Mamoudou Barry

Mamoudou Barry, marchand, a indiqué qu’il a quitté son domicile dans l’intention de se rendre au stade. Arrivé au niveau de Dixinn-Oasis, il a rencontré des gens qui couraient, ils leur ont demandé de rebrousser chemin parce que, « les militaires sont en train de tuer les manifestants ». Ainsi, il est retourné à la maison. Il se trouve que son papa était allé au stade, il l’a appelé au téléphone, celui-ci n’a pas répondu. « Je me suis mis à la recherche de mon neveu, finalement, lui, il était rentré. Vers 19h, j’ai tenté d’appeler mon père, ça ne passait plus. Je me suis mis à sa recherche. Après de longues péripéties, on m’a dit que mon père fait partie des personnes qui ont été assassinées au stade. J’ai retrouvé le corps de mon père à la mosquée Fayçal. Il a été atteint par arme à feu ».

Abdoulaye Djibril Diallo

Abdoulaye Djibril Diallo, lui, a indiqué qu’il a quitté Coléyah pour se rendre au stade. Il rencontré des gens habillés en pantalon Jean qui disaient aux gens de rentrer au stade, « la démocratie, ce n’est pas au camp chez Dadis, rentrez au stade ! ». Il  est donc rentré à l’intérieur du stade. « Quelques minutes plus tard, les tirs ont commencé, c’était la débandade, les gens tombaient, d’autres jeunes arpentaient les murs pour se sauver. Quatre filles dont l’âge varie entre 10 et 12 ans se sont accrochées à moi, elles m’ont demandé de les aider. Je leur ai dit qu’elles sont petites, ils ne vont rien les faire ». Selon Abdoulaye Djibril, ils ont été encerclés par des bérets rouges et des éléments de Tiegboro, pendant longtemps à l’intérieur du stade. Les militaires tiraient sur les gens,  frappaient d’autres à coup de bâtons.  « Difficilement, nous avons pu sortir du stade. Dès ma sortie, un béret rouge a surgi, il m’a demandé de lui donner mon téléphone, je lui ai dit que mon téléphone est tombé, j’ai sorti les 5000 fg que je détenais, il a dit que c’était petit, il (béret rouge) m’a fait signe de partir. Il m’a tapé au niveau du front, je suis blessé. Devant, des policiers avaient regroupé des femmes à l’intérieur du commissariat sur la route de Donka, ces femmes criaient à l’intérieur. J’ai vu une femme toute nue, j’ai pris mon habit déchiré, j’ai voulu la couvrir, un policier est venu me frapper avec un bois. Il a ramené la femme à l’intérieur du Commissariat. Pour moi, ils étaient en train de  violer les femmes,  parce que d’autres femmes criaient dans le commissariat ». Abdoulaye Djibril Diallo dit qu’il s’en sorti, grâce à une dame qui l’a accueilli chez elle au quartier Dixinn-Landréah.  

Mamadou Adama Diallo