Le procès du massacre du 28 septembre 2009 s’est poursuivi au tribunal de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, à Kaloum, lundi 9 octobre. Mouctar Bah, correspondant en Guinée de l’Agence France presse (AFP) et de Radio France internationale (RFI) est passé à la barre, pour donner sa version des faits du lundi noir du 28 septembre 2009, à Dixinn. 

Victime, Mouctar Bah a indiqué que dès les premières heures, les forces de l’ordre étaient déployées, puisque la manifestation était interdite. Selon lui, Moussa Tiegboro Camara, ancien ministre d’Etat secrétaire général chargé de lutte contre le banditisme et la drogue, est arrivé avec des gendarmes, les jeunes l’ont acclamé. Quelques minutes après, une grosse foule est venue des deux côtés Pharma-Guinée et Bellevue. Les gendarmes et les policiers ont détalé.  « Après Moussa Tiegboro est revenu avec ses hommes, il y a eu une dispute entre lui et les manifestants. C’est là où j’ai entendu Tiegboro dire : ‘’chargez !’’ C’est ainsi que le désordre a commencé. Ils ont lancé du gaz lacrymogène, c’était la débandade. » Des policiers de la CMIS de Cameroun ont arraché son matériel, ils l’ont arrêté, malmené et cassé son matériel, puis ils l’ont embarqué. Quelques minutes après, Ansoumane Camara alias Bafoé est arrivé, il a insulté les policiers, il a fait descendre Mouctar du véhicule. « Quand je suis descendu, j’ai entendu quelqu’un dire, qu’il y a eu un mort. Je suis allé voir. Effectivement, il y avait un corps qui gisait dans le sang vers la police routière du stade. Après, je suis rentré dans le quartier, j’ai envoyé le premier élément. Puis, je suis rentré au stade. A peine j’ai mis mon pied sur le gradin, j’ai entendu des tirs. En ce moment, nous avons cherché à nous sauver. Amadou Diallo de la BBC et moi avons cherché à nous cacher. Pendant notre cachette, j’ai vu tomber des jeunes qui escaladaient le mur, après des tirs des bérets rouges. Ils tombaient par dizaines. Nous sommes sortis de notre cachette, pour sortir du stade. Des militaires bérets  rouges nous ont interceptés et nous ont demandé de nous mettre à genoux. Amadou Diallo et un jeune de radio Nostalgie se sont mis à genoux. J’ai dit que je ne me mets pas à genoux, je suis journaliste. Ainsi, un militaire m’a cogné au dos, je suis tombé dans la boue. Un autre militaire a pointé l’arme sur ma poitrine, pour dire : ‘’Tu as vu ça ?’’, en indexant les corps, « tu ne vas pas raconter cela’’. J’ai répondu trois fois, désespéré : « Si ça peut sauver la Guinée, allez-y ! ». Entre temps, deux officiers sont arrivés pour leur dire : ‘’Ne les tuez pas, ce sont des journalistes, ils étaient avec nous à Labé’’. Ils ont mis un policier à notre disposition qui nous a accompagnés avec un tronc d’acacia. Il y avait des corps partout, beaucoup de corps. Ça criait dans le palais des sports. Une dame m’a appelé ‘’Monsieur Bah, aidez-moi, ils sont en train de violer les femmes, monsieur Bah aidez-moi !’’ 

Des gendarmes mataient des gens avec des matraques. Le policier nous a accompagnés jusqu’à la grande porte, il a dit que sa mission était terminée. Au moment où on sortait à l’esplanade du stade, des gendarmes mataient les gens avec des matraques, ils ont retiré mon argent : 150 dollars et 300 000 FG. Un certain Katy du protocole à la Présidence est intervenu, il a dit aux militaires de nous laisser sortir… »

Mouctar Bah a indiqué que c’est Maître Amara Bangoura qui n’habitait pas loin qui a pris sa robe, pour venir les chercher dans une cour, ils sont allés chez lui. De nombreux blessés sont allés les trouver là-bas. « Nous sommes restés jusqu’à 18h, mon véhicule était au niveau de l’université. Maître Amara a appelé un de ses frères militaire qui m’a accompagné chercher mon véhicule, je suis rentré chez moi. Le soir, une journaliste de la Nostalgie, m’a appelé pour me dire qu’après une réunion au camp Dadis avait demandé ‘’si les journalistes de BBC et de RFI étaient au stade’’. Elle m’a dit que son oncle qui appartenait à la junte a dit que Dadis a dit lors de cette réunion de ‘’rattraper les journalistes’’. J’ai appelé Amadou Diallo pour lui dire de quitter son domicile, j’ai quitté mon domicile pour aller me réfugier à l’hôtel ‘’Le Rocher ‘’  à Kaloum. Quelqu’un m’a appelé à 22h qu’ils (militaires) ont ramassé  84 corps au stade. Une heure après, la même personne m’a appelé qu’ils sont en train d’ensevelir les corps au cimetière de Coza, derrière les rails, avec les phares de véhicules ». 

Mamadou Adama Diallo