Les sites d’informations Guineematin.com et Inquisiteur.net sont l’objet de restrictions depuis plus de deux-mois. Le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) tient pour responsables les autorités de la Transition. Il projette une marche dénommée ‘’assaut de la dignité’’, le 16 octobre à Kaloum.

La liberté de la presse prend des coups, l’inquiétude des journaleux grandit. La désinstallation illégale des émetteurs du groupe Sabari Fm en mai dernier, les restrictions à Guineematin.com et à inquisiteur.net sont, entre autres,des atteintes à la liberté de la presse, à l’actif de la junte.

Il y a une semaine, le SPPG avait accordé un ultimatum de quatre jours au ministre Ousmane Gawa Diallo, jugé responsable du cas de Guineematin.com, afin de lever les restrictions. «Ils se servent de leurs fonctions officielles pour régler des comptes personnels », fustige le SPPG.

Le 12 octobre, à la faveur du briefing du Conseil des ministres à la presse, le ministre des Télécoms déclare qu’il ne ferme pas un site de manière clandestine. « Il faut que le journaliste sache que son travail doit s’exercer avec une certaine responsabilité. Que votre collègue ait le courage, au moins, de brandir une preuve tout en gardant ses sources. Cela nous évite de traîner tel ou tel devant les tribunaux. On ne tire rien en amenant un journaliste devant un tribunal. » Mais, précise-t-il, lorsque les accusations « sont systématiques, il y a un acharnement » et on serait obligé de se protéger, « de traîner les gens devant la justice. Mais, ce n’est pas suffisant. Il faut faire l’autocritique à votre niveau. Si je décide de fermer un site, je ferais un communiqué et je le fermerais, j’aurais suffisamment de justifications. Je ne ferme pas un site clandestinement. Pour quel motif ? S’il y a des sources ou des preuves, qu’ils les mettent à la connaissance du public », demande le ministre des Télécoms.

Joint au téléphone vendredi 13 octobre, Nouhou Baldé, le dirlo de Guineematin.com, déclare que le ministre Ousmane Gawa Diallo « ne fait rien » pour changer la situation et que rien ne prouve qu’il ne tire pas les ficelles dans l’affaire. Et toc !

Moïse reconnaît son rôle ?

Moussa Moïse Sylla, le dirlo de la Direction de la communication et de l’information (DCI) de la Présidence, serait derrière les restrictions contre Inquisiteur.net. « Lui, au moins, s’est assumé en reconnaissant avoir fermé l’Inquisiteur.net, estimant que le site lui appartient. Mais la question est de savoir si Moussa Moïse Sylla a qualité de fermer le site ? Mamoudou Babila Kéita y était actionnaire (40%), il a fourni au syndicat des documents prouvant que Moussa Moïse Sylla lui avait cédé 60% de ses actions »,  dit Sékou Jamal Pendessa, secrétaire gênant du SPPG.

Sauf que dans une tribune publiée dans Guinee114.com, l’auteur, un certain Mohamed Kanté, a dénoncé une « cabale » contre Moussa Moïse et a indiqué : « De façon informelle, des parts dans le capital lui (Mamoudou Babila Kéita, Ndlr) ont été promises. C’est-à-dire qu’il soit copropriétaire avec le titre d’actionnaire minoritaire, mais jamais cela n’a été mis sur un document signé engageant quelqu’un. Mais, une fois encore, ceci est intervenu bien longtemps après la création du média. » La restriction de l’Insuisiteur.net s’explique par le fait que les articles qui y sont publiés ne feraient pas l’affaire de la junte. Sinon, les autorités pourraient soupçonner la loyauté du Dirlo de la DCI.  

La riposte

Le 28 août dernier, l’Association guinéenne de la presse en ligne (Aguipel) a porté plainte contre X auprès de la Haute autorité de communication (HAC), pour «interruption des services sur internet du site Guineematin.com. Sans suite. Pour se faire entendre, le SPPG projette une marche dite ‘’Assaut de la dignité’’, le 16 octobre. La lettre d’informations a été déposée à la mairie de Kaloum. La marche partira du rond-point du Port autonorme de Conakry à l’espace le Makity. D’autres actions seront menées dans le cadre de l’acte 2 de ‘’l’Assaut de la dignité’’, si toutefois les restrictions ne seront pas levées.

Soutien syndical, consignes de la manif

Le 13 octobre, le SPPG a échangé avec le bureau exécutif de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG). Kader Aziz Camara, le premier secrétaire adjoint de la CNTG, annonce que le mouvement syndical guinéen accompagnera la presse dans sa lutte contre la restriction des médias. « Nous voulons la paix et la quiétude. Le syndicat est une force de la nation, quand il est brimé, il réagira. Nous demandons humblement aux autorités de restituer le fonctionnement de Guineematin.com et d’Inquisiteur.net. » Sékou Jamal Pendessa précise que la restriction des médias reste une « atteinte grave à la liberté de la presse. » Il invite le ministre Ousmane Gawa Diallo à lever les restrictions.

Le 14 octobre, à la faveur d’une conférence de stress à Cona-cris, le SPPG a rendu publiques les consignes de ‘’l’assaut de la dignité’’. Sékou Jamal Pendessa déclare qu’à 8 heures, le dispositif d’enregistrement des manifestants sera mis en place par la commission d’organisation. En clair, le SPPG enregistrera tous les manifestants dès 9h dans le « registre d’honneur », pour ses archives. Suivront les consignes de discipline, avant le départ de la marche à 10h. « On ne sort pas pour cacher ou insulter. Nous n’allons occuper qu’une partie de la voie, afin que les automobilistes et les autres passent sans problème. On ne piétinera pas les droits des uns et des autres en revendiquant les nôtres », précise-t-il. L’arrivée de la marche est prévue à 11h sur la place Makity, en face du siège de la Fédération guinéenne de football, Féguifoot. Place aux slogans et aux déclarations à midi. Tout sera couronné par « une opération surprise », dit le SPPG.

Rappelons que depuis mai 2022, la junte qui dirige la Guinée depuis le 5 septembre 2021 a interdit les manifestations publiques sur toute l’étendue du trottoir national.

Yaya Doumbouya