Il avait pensé prendre sa retraite politique. Mais depuis cet été, le diplomate guinéen et ancien Premier ministre François Louncény Fall a finalement décidé de reprendre le combat politique. Il vient de recréer l’Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). Un parti en train de s’implanter à l’intérieur du pays, et qui va organiser dans les semaines qui viennent des meetings en Allemagne et en France. Pourquoi ce retour et avec quelles ambitions ? Entretien.

RFI : François Louncény Fall, vous êtes revenu dans l’arène politique avec la création d’un nouveau parti, l’Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). Qu’est-ce qui vous a poussé à sortir de votre retraite politique ?

François Louncény Fall : J’avais décidé, après mes activités avec les Nations Unies en Afrique Centrale, de prendre une retraite, de m’occuper d’une plantation d’ananas. Mais c’est au regard des enjeux actuels de la Guinée que plusieurs compatriotes m’ont encouragés. Parce que, vous savez, l’image de notre pays, c’est l’image d’un paradoxe inexplicable. Un pays qui a des ressources extraordinaires : un tiers des réserves mondiales de bauxite, d’importantes potentialités agricoles et un réseau hydro-électrique très important. Malgré tout cela, les Guinéens vivent dans un état de pauvreté. Et au regard de cette situation, j’ai décidé de me réengager pour mettre fin à ce paradoxe en proposant aux Guinéens une nouvelle politique.

Vous avez signé un document intitulé « Ma vision pour la Guinée : mettre fin au paradoxe guinéen », un document qui déroule tout un programme pour le pays. Est-ce que votre objectif, c’est une candidature à la présidentielle qui aura lieu à la fin de la transition ?

Bien entendu, je me prépare à être candidat aux prochaines élections présidentielles.

Vous avez émis l’hypothèse de rejoindre le dialogue politique que veulent organiser les autorités de la transition. En l’état actuel des choses, ce dialogue s’annonce comme non-inclusif puisque de nombreuses forces ne souhaitent pas s’y associer. Qu’est-ce qui vous pousse, vous, à vouloir vous asseoir à la table des discussions de ce dialogue politique ?

Mon souhait aurait été, bien sûr, que ce dialogue soit inclusif. Mais comme vous savez tout au long de mon parcours professionnel, je n’ai jamais cessé de prôner le dialogue. C’est ce que j’ai demandé, recommandé, dans tous les pays où j’ai servi au nom des Nations Unies, et même en Guinée. J’ai présidé un dialogue politique en 2013 en Guinée qui a mis fin, justement, à trois années d’instabilité et qui a permis au gouvernement guinéen d’organiser des élections législatives. En tant qu’homme de dialogue, je ne pouvais pas ne pas participer à ce dialogue.

Est-ce que vous êtes inquiet sur la capacité des autorités actuelles de tenir les délais fixés pour cette transition ? On parle, je le rappelle, d’une transition qui devrait prendre fin à l’issue de l’année 2024.

C’est vrai que beaucoup de personnes s’inquiètent pour le retard dans l’exécution des différentes étapes de ce chronogramme. Mais je reste confiant dans le fait que le CNRD [Comité national du rassemblement pour le développement, NDLR] tiendra parole et que les élections se tiendront en Guinée. Et surtout que le CNRD s’engagera à ce qu’aucun membre du CNRD ou du gouvernement ne soit candidat. C’est mon souhait et c’est ce que j’espère.

Est-ce que cette position et ce que vous venez de nous dire par ailleurs sur le dialogue politique ne fait pas de vous un allié de fait du CNRD à l’heure actuelle ?

Au contraire. Je pense qu’en participant au dialogue je ferai valoir mon point de vue. Ce que je viens de vous dire tout à l’heure, je le dirai si je viens au dialogue : à savoir que la charte de la transition soit respectée, qu’on arrive à un retour à l’ordre constitutionnel et que les engagements qui ont été pris dans la charte de la transition soient respectés par tous.

Qu’est-ce que vous répondez à nos confrères du journal en ligne ledjely.com qui vous présentent comme « celui qui veut poursuivre l’œuvre du CNRD » au regard du contenu de votre programme ?

Moi, je ne suis pas un membre du CNRD, je ne suis pas non plus un allié du CNRD. Tout le monde connaît mon indépendance. Je pense que j’ai fait preuve d’indépendance vis-à-vis de tous les régimes qui sont passés en Guinée. Moi, je suis venu cette fois-ci avec une idée très précise : il faut que les Guinéens puissent bénéficier, enfin, des immenses ressources naturelles dont le pays a été doté, il faut qu’on sorte de la pauvreté.

L’actualité guinéenne a été marquée la semaine dernière par la tentative d’évasion de plusieurs personnes jugées dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Est-ce que cette tentative d’évasion nous dit quelque chose des tensions qui perdurent au sein des forces armées ?

Je ne crois pas que ce qui s’est passé à Conakry s’explique par des tensions au sein des forces armées. Je pense qu’il n’y a pas trop à s’inquiéter. Il y a eu beaucoup de bruit au cours de ce problème. C’est vrai que c’était une opération un peu rocambolesque… Mais je ne pense pas que la stabilité de la Guinée soit remise en cause avec cet événement. Ce qui est souhaitable, c’est que la transition se passe dans des conditions apaisées, afin que le retour à l’ordre constitutionnel soit assuré. Je pense que c’est le plus grand besoin pour les populations guinéennes aujourd’hui.

Interview réalisée par

 Laurent Correau