Lundi 13 novembre, le procès du massacre du 28 septembre 2009 a repris au tribunal de première instance de Dixinn sans Claude Pivi, un accusé qui s’est évadé de prison une semaine auparavant. Les avocats s’inquiètent pour leur sécurité.

Dans le box des accusés, la place de « Coplan » est désormais vacante. Son voisin direct, Moussa Dadis Camara, est en revanche là : verre clair, costume noir ; de même que Moussa Tiégboro Camara et Blaise Goumou. Le quatuor s’était évadé de la Maison centrale de Conakry à l’aube du 4 novembre, exfiltré par un commando armé, dirigé par Verny, un ancien militaire radié de l’armée après une condamnation en 2012 pour vol à main armée, fils de Claude Pivi. Des quatre évadés, seul ce dernier n’a pas été retrouvé.

Une question à un demi-milliard de francs

Depuis l’évasion rocambolesque, le procès du massacre du 28 septembre, dans lequel les évadés ainsi que sept autres de leurs coaccusés sont poursuivis pour leur implication présumée au massacre de 2009, ne s’était pas tenu. Dès l’ouverture de l’audience, ce 13 novembre, des questions qui ont trait notamment aux incidences de l’évasion du 4 novembre sur le procès en cours ont été soulevées par les avocats des accusés. « Je m’attendais à ce que le tribunal interroge le parquet sur l’absence de mon client. J’aimerais savoir où se trouve-t-il à date », s’enquiert l’avocat de Claude Pivi, Me Fodé Kaba Chérif. Une question dont la réponse pourrait rapporter jusqu’à un demi-milliard de francs guinéens, soit la récompense offerte par le Garde des Sceaux Alphonse Charles Wright à toute personne qui indiquerait la cachette de l’ancien membre du Bata (Bataillon autonome des troupes aéroportées), unité d’élite de l’armée guinéenne. 

« Ce n’est un secret pour personne qu’un commando a fait sortir le 4 novembre quatre accusés de la Maison centrale, lui répond le procureur de la République Algassimou Diallo. Trois d’entre eux ont rallié la prison, sans Pivi. Le parquet militaire a ouvert une enquête qui nous dira où il se trouve. En attendant, qu’il soit là ou absent, un jugement réputé contradictoire sera rendu contre lui ». L’avocat de la partie civile, Alpha Amadou DS Bah, de renchérir non sans préciser à l’avance que les trois autres évadés « n’ont pas rallié la prison » comme l’affirme le procureur. Ils ont été « arrêtés et ramenés. Le 4e fugitif a préféré le chemin le plus facile : la fuite », assène l’avocat. 

Sécurité renforcée à la Maison centrale

Les avocats de la défense ont également pointé du doigt d’autres problèmes liés à leur sécurité et au difficile accès à la Maison centrale, consécutifs aux nouvelles mesures prises pour sécuriser davantage les lieux après l’évasion du 4 novembre. « Des véhicules rôdent nuitamment autour des domiciles de certains avocats de la défense, note Jean-Baptiste Jocamey Haba, un des conseils de Dadis. Nous n’avons pas accès à nos clients en prison, où il y a plus de gendarmes et d’éléments des Forces spéciales que de gardes pénitentiaires. Ce qui est une violation de la loi. Nous attirons l’attention de tout le monde que nous sommes menacés. Si cela continue, nous allons suspendre notre participation au procès ».

Le parquet répond qu’il n’est pas de son ressort d’assurer la sécurité des avocats. A propos des difficultés d’accès à la prison, il rappelle par ailleurs que la question devait être soumise à l’administration pénitentiaire. « Je pense que des manœuvres sont en cours pour empêcher le cours normal du procès », relève le substitut du procureur Sidiki Camara. « Ce sont les avocats de la partie civile qui sont en danger du fait qu’un accusé soit dehors, avec un commando efficace, tacle Amadou Oury Diallo, un des conseils des victimes du massacre. Je ne m’oppose toutefois pas à ce que la sécurité de tous soit assurée ».

Mais la défense ne conjugue pas le même verbe. Pour Me Sidiki Bérété, il n’est pas question qu’il se fasse surveiller par un garde du corps : « Nous sommes avocats dans l’âme, on doit faire avec les risques inhérents à notre profession. Je ne veux pas de garde du corps, ces agents de renseignement qui nous écoutent et rapportent tous nos faits et gestes à leur hiérarchie ». Me Bérété est également commis à la défense de l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, jugé dans une autre affaire de malversation financière devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). De ce fait, l’avocat ne manque pas de raisons de faire preuve de discrétion, étant opposé à l’Etat. 

Une quarantaine de témoins

Le tribunal a rejeté les différentes demandes au motif que leur satisfaction ne relève pas de sa compétence, avant d’ordonner l’audition du premier témoin sur la quarantaine recensée. Une nouvelle phase dans le procès du 28 septembre commence. Tôt le matin, une dizaine de témoins avaient pris place dans la salle d’audience, dont l’ancien haut commandant de la gendarmerie nationale le général Ibrahima Baldé et l’ex-contrôleur général de police Ansoumane Camara dit Baffoé, tous deux aujourd’hui à la retraite, il y avait aussi l’ex-directrice de l’hôpital national Donka où avaient été hospitalisés plusieurs rescapés de la répression sanglante du stade du 28 septembre en 2009. Les témoins ont été priés de rejoindre une salle aménagée pour eux, pour attendre leur tour de parole ; Tibou Kamara ancien ministre (d’Alpha Condé, de Sékouba Konaté mais également de Moussa Dadis au moment des faits jugés) ayant été appelé le premier pour dire « ce qu’il a entendu, vu et vécu ».

Diawo Labboyah Barry