Le brasier généré par l’explosion des cuves centrales de la Société guinéenne des pétroles a provoqué un drame sans précédent dans la capitale guinéenne. L’explosion de la poudrière du camp Alpha Yaya, même si elle reste mémorable, n’a pas eu un impact aussi dévastateur. Encore que ce sinistre ne s’est pas produit dans la journée à un moment d’intenses activités, l’endroit étant ceint par les centrales thermiques de Tombo, les quartiers populaires de Tombo et de Coronthie, la maison centrale, la cité des d’affaires du chemin de fer et surtout le Port Autonome. Au-delà de ces lieux grouillant de monde aux heures de boulot, se trouvent de nombreux départements ministériels, services de l’Etat et sociétés privées. L’incongruité de cette promiscuité n’était pas évidente à l’époque de l’implantation du dépôt. Le choix du site a été imposé par celui de la gare ferroviaire et du port, deux importantes espaces de transactions commerciales à vocation nationale et internationale. Elle apparait sans doute au fur et à mesure de la densification de l’humanisation de l’espace urbain. L’absence d’une planification urbaine classique et méthodique n’a pas permis d’envisager à temps la délocalisation du dépôt afin de le reconstruire en un endroit plus approprié en relation avec les nouvelles politiques urbaines. Ce drame ne serait certainement pas survenu.
Malheureusement, Conakry a échappé totalement à la planification urbaine et a fui ainsi la couronne de perle de l’Afrique de l’Ouest à elle dédiée par le Gouverneur Noël Ballay. De Coléah-Moussoudougou et Camayenne-Kameroun à Kagbélen et km36, la ville a été construite en quinconce, en désordre, sans attribution précise des fonctions des espaces urbains (fonctions politico-admiratives, fonctions résidentielles, fonctions industrielles, fonctions de services). Ces différents espaces, bien distincts ailleurs, s’imbriquent les uns dans les autres, ici.
L’ampleur de l’incendie et des dégâts a soulevé des débats qui auraient dû se dérouler en amont de l’évènement pour qu’on ne soit pas contraint d’invoquer, comme dans la fable de La Fontaine, « le médecin après la mort ». Toute querelle, toute invective, toute stigmatisation n’ont plus grand sens, à présent. L’heure est à la réflexion, au pansement des meurtrissures. Il faut désormais souhaiter que des mesures idoines et promptes soient identifiées et prises pour préserver le pays d’une telle catastrophe. Il existe une kyrielle de solutions efficaces et sans doute aussi efficientes. Il n’est pas nécessaire d’aller, par exemple, jusqu’à Kankan pour y construire un nouveau dépôt d’hydrocarbures. Kankan est loin, bien loin. La question de la délocalisation du dépôt des hydrocarbures doit s’inscrire dans une vaste stratégie de meilleure organisation de l’espace urbain. N’est-il pas alors temps pour l’Etat de prendre à bras le corps, l’importante problématique de la mise en valeur de la bande côtière urbaine, occupée de manière sauvage depuis belle lurette ?
Il faut noter que la tragédie de Conakry a suscité un bel élan de solidarité nationale et internationale qui a contribué à soulager la peine matérielle et morale des sinistrés, à travers des dons en numéraires, en vivres et en non vivres.
Abraham Kayoko Doré