« Chat échaudé craint froide », nous enseigne l’adage. Le dimanche 26 novembre dernier, les habitants de Freetown, la capitale léonaise, ont été réveillés par des crépitements de fusils d’assaut et des tirs assourdissants d’armes lourdes. On imagine aisément la frayeur qui a étreint les tripes, le souvenir d’abominables instants qui a aussitôt semé la psychose.
Le syndrome des années des « manches courtes » ou « manches longues » a point à l’horizon et ôté le sommeil aux Léonais qui ont vécu l’ère du Front Révolutionnaire Uni (RUF), des Foday Sankoh, des Gibril Eaghima Massaquoi, des jeunes filles, parfois mineures soldats et de Charles Taylor pratiquement le seul à avoir été jugé et condamné par le Tribunal pénal spécial de la Sierra Leone, en dépit de son statut d’ancien Chef d’Etat libérien. On lui a reproché d’avoir exporté du Libéria en Sierra Leone, violences, exactions, amputations et autres crimes de guerre, traitements inhumains et dégradants. La décennie 1990 a été celle de la descente aux enfers des Léonais. Ils ont vécu leurs Sodome et Gomorrhe. Les pauvres ! C’est pourquoi, ils ont tremblé de tout leur corps lorsque les bruits de bottes ont de nouveau retenti sur le bitume de Freetown et ailleurs, entraînant une vingtaine de morts, des centaines de blessés et des dizaines d’arrestations.
Les autorités ont d’abord évoqué une simple attaque par des assaillants non identifiés d’une poudrière de la capitale, puis plus tard, une tentative de coup d’Etat et de traque des auteurs. Le pouvoir a promptement maitrisé la situation, permettant de restaurer le calme et la sérénité. Il y a eu plus de peur que de mal ! Tant mieux. Cependant, le Président Julius Maada Bio et les siens devraient considérer cette mauvaise humeur d’une poignée de bidasses comme un coup de semonce, un signe avant-coureur d’un mal plus grave, d’un malaise plus profond. La mauvaise gouvernance reflétée par la corruption, le népotisme, la concussion, la dilapidation des maigres fruits de la croissance, les vaines promesses électorales, et tutti quanti, fragilisent généralement les régimes et les entraîne dans une inexorable dynamique de déliquescence que sanctionnent, malheureusement, les coups d’Etat.
La Sierra Leone des années 2020 a une chance, celle d’avoir vécu la guerre et d’en connaître donc les affres, les drames. Les Léonais réfléchiront plus d’une fois avant d’attiser les braises d’une nouvelle confrontation armée, suscitée par des convoitises personnelles, des égos surdimensionnés, des intérêts claniques égoïstes. L’exemple libérien, encore frais dans les esprits, est là, patent. A n’en pas douter, les autorités de ce bled qui ont vécu la guerre des années 90 seront suffisamment sages, pour en tirer les enseignements et emprunter les voies de l’apaisement et du pardon pour construire l’avenir. Un avenir radieux pour tous les Léonais sans distinction d’ethnies, de religions, de classes. Ainsi soit-il !
Abraham Kayoko Doré