Le Parlement français (Assemblée Nationale et Sénat) a définitivement voté le projet de loi controversé sur l’immigration, le 19 décembre 2023, après un accord survenu en commission mixte paritaire le même jour. Il faut préciser que le 11 décembre 2023, l’Assemblée Nationale l’avait rejeté en première lecture, après adoption d’une motion de rejet préalable du groupe écologiste. « Le principal objectif est d’intensifier les éloignements d’étrangers en situation irrégulière.

Le projet inclut une réforme du système d’asile pour accélérer l’examen des demandes, et une mesure en faveur de l’intégration : la création d’un titre de séjour d’une durée d’un an pour les travailleurs dans des métiers en peine de main-d’œuvre ». En d’autres termes, mieux contrôler l’immigration pour améliorer l’intégration. Il s’agit d’être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants (dixit Gérald Darmanin le ministre de l’Intérieur). La loi sur l’immigration est annoncée par Gérald Darmanin au début du second quinquennat du président de la République, Emmanuel Macron, en juin 2022.

On constate qu’elle est loin de faire l’unanimité des Français. Elle ne trouve grâce ni aux yeux de la droite ni aux yeux de la gauche qui ont donc été longtemps vent debout contre elle. Le droit reproche au projet de favoriser la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière, la gauche dénonce une loi répressive. Les défenseurs des droits humains considèrent que c’est une loi inefficace qui instrumentalise le droit au séjour et « bafoue la dignité et l’égalité ». Les tribulations du projet de loi ont considérablement affaibli la droite, entrainant un véritable tsunami en Macronie où, fait rare, plus d’un tiers des députés ont refusé de soutenir le texte et en ont provoqué le rejet. Il s’en est suivi alors un véritable imbroglio où les macronistes, tout en condamnant publiquement le vote favorable des amis de Marine le Pen, le tolèrent en réalité. N’eut été cette hypocrisie, retoqué à plusieurs reprises pour être durci, le texte aurait été renvoyé aux calendes grecques.

Pour les Macronistes, le vote des députés du Rassemblement National (RN) dévoie le projet de loi et l’éloigne de leurs valeurs et pratiques politiques. Quant aux dirigeants du RN, ils considèrent l’adoption du texte comme le triomphe de l’idéologie de leur parti. Ils jubilent donc au grand dam des Macronistes devenus politiquement dubitatifs et sans certitudes. Les observateurs avisés de la politique française ne sont guère surpris car le jeune Emmanuel Macron sans vécu politique solide, a tiré d’un bric-à-brac, un parti et un électorat. Sur les cendres des grands partis de la droite et de la gauche classiques, tels que le Parti Socialiste et l’UMP. Depuis des décennies, la question de l’immigration occupe une place prépondérante dans la politique française. En effet, « La France vote une loi sur l’immigration tous les deux ans en moyenne depuis 1945, sans compter les ordonnances, arrêtés, circulaires et décrets. Le droit des étrangers en France a été réformé 18 fois entre 1996 et 2021, 29 fois depuis 1980 et 117 fois depuis 1945, avec les mêmes objectifs : contrôler les flux, intégrer les personnes, accélérer les procédures, mais sans réussir à contenir la poussée de l’extrême droite ».

Abraham Kayoko Doré