Le procès du massacre du 28 septembre 2009 continue au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Valentin Haba, Directeur général de la Police guinéenne au moment des faits, a témoigné devant la barre mardi 5 décembre.
Selon l’ancien directeur de la police, en 2009, la police guinéenne manquait de moyens pour accomplir sa mission. Il dit que le 28 septembre 2009, il avait ordonné la planification de 1 250 hommes sur 28 points à Conakry. Valentin Haba a rappelé qu’avant la prise du pouvoir par le CNDD, il était commissaire central de police à Matam. C’est seulement huit mois après la prise du pouvoir, précisément le 7 août 2009, qu’il a été nommé Directeur général de police nationale par décret du président Moussa Dadis Camara. Après donc sa prise de fonction, il a organisé une réunion de staff. Après analyse, la police manquait de moyens pour accomplir sa mission. « J’ai demandé à ce que les dispositions soient prises pour trouver une solution à ce problème. J’ai fait un rapport sur l’état des lieux adressé au Président de la République d’alors. J’ai donné copie à celui qui était mon ministre, feu général Mamadouba Toto Camara et je lui ai demandé à ce qu’il accepte que je dépose personnellement le rapport au Président de la République. Ce qui a été fait. Sur-le-champ, il m’a demandé de voir les moyens possibles pour résoudre le problème. Le contrat a été envoyé. Le ministre m’a fait comprendre que le contrat a été signé et que le marché a été attribué à Roda Fawaz. Deuxième semaine, j’ai reçu Roda Fawaz à mon bureau, il m’a dit que tout ce qui a été commandé a été acheté, mais ça été bloqué à Tripoli, le contenu dépoté dans un magasin. Ce qui veut dire que nous n’avons rien reçu. Nous sommes restés au statuquo ».
Le jour du massacre
L’ancien Directeur de la Police a indiqué qu’à la veille du 28 septembre 2009, il avait réuni tous les techniciens de son service, pour planifier les dispositions qu’il fallait prendre. Pour la circonstance, il a été mis à disposition un effectif de 1 250 hommes. Selon Valentin Haba, la police avait pour rôle de sécuriser et de surveiller 28 points. A l’époque, Ansoumane Baffoe Camara, commandant de la CMIS, a été chargé de procéder à la mise en place des hommes, contrôler leur mise en place effective et remonter l’information au commandement. « Dans la nuit du 27, je suis resté au service. Le matin du 28 septembre, vers 9h, j’ai reçu la première information du terrain, me disant qu’à la hauteur de Hamdallaye T1, non loin de l’ancien siège du RPG, une équipe qui était là a été dépassée les manifestants. J’ai appelé Ansoumane Baffoe, je lui ai dit d’aller voir et me rendre compte. Un peu plus tard, il m’a appelé pour me dire qu’il se trouvait au stade, qu’ils y ont trouvé le ministre Tiegboro qui s’adressait à la foule de manifestants. Que le groupe ne fût pas très important et que lui, il a déconseillé celui-là de procéder à cette sensibilisation. Je lui ai dit que Tiegboro est une autorité de l’Etat. Quelques instants après, il m’a appelé pour me dire que la foule est en train de déborder, les manifestants agités. Immédiatement, je suis sorti de mon bureau, je me suis rendu au stade. J’ai trouvé Baffoe et son équipe en face du commissariat spécial du stade. Je lui ai dit : ‘’Mon commandant, vous êtes arrêté. Vous ne mettez pas le dispositif en place ?’’ L’ensemble des agents ont répondu : ‘’Avec quoi ?’’ J’ai demandé à Baffoe : Et le reste des grenades lacrymogènes qui étaient dans le magasin ?’’ Il m’a dit de me référer au magasinier. L’équipe est restée sur place. Je suis retourné, j’ai trouvé que les magasins de la sûreté étaient fermés. Je suis retourné au Département, pour chercher à avoir le contact du magasinier », a narré l’ancien Directeur général de la police.
54 ou 57 corps retrouvés au stade ?
Le policier Valentin Haba dit que c’est lorsqu’il est arrivé au Camp Samory où il était attendu pour une réunion qu’Ansoumane Camara Baffoe, pour lui dire que tout est gâté, il a entendu des coups de feu au stade. Ainsi, il a rebroussé chemin pour aller trouver Baffoe et son équipe. Il a embarqué des hommes, direction le stade. « Arrivé en face du siège de la FONDIS, j’ai vu venir le véhicule du ministre Tiegboro. Il m’a signalé, je suis descendu pour aller vers lui. Il m’a dit que ce sont leaders blessés, je vais les amener aux soins. Pendant qu’il parlait, j’ai regardé sur le fauteuil arrière, j’ai vu El Hadj Cellou Dalein , il était en débardeur. Je me suis approché de lui, j’ai demandé si ça allait mieux, il a levé la tête, il a dit : ‘’Oui’’ ! J’ai demandé à Tiegbroro où il les amenait. Il m’a répondu qu’il les amenait à la clinique Pasteur. J’ai continué. Arrivé, nous avons garé à l’esplanade du stade, nous sommes entrés à l’intérieur. Nous nous sommes dirigés vers la pelouse, jusqu’au bout de la pelouse, on n’a pas vu un corps. C’est quand on sortait du côté du stade olympique que nous avons vu un premier corps, en plus un deuxième. J’ai dit au général Ansoumane de mettre un dispositif. Au moment où les hommes se déployaient, ils ont vu des corps, au total 17. Ainsi, j’ai appelé notre ministre le général Toto. Je lui ai dit que la situation n’était pas bonne, il y a des corps. Il me dit d’attendre, il va envoyer des camions. Aussitôt, je l’ai raccroché. J’ai appelé le Directeur général de la police judiciaire qui a envoyé une équipe de l’investigation criminelle et la police technique et scientifique. Je leur ai demandé de prendre toutes les dispositions. Entre temps, les camions étaient arrivés. Les corps ont été rassemblés. Ils les ont comptés, pour les embarquer. Nous sommes arrivés à la hauteur du camp Samory, les véhicules sont entrés là. J’ai dit aux hommes de sécuriser, jusqu’à ce que je comprenne pourquoi nous étions là. J’ai appelé le général Toto, je lui ai dit que les véhicules sont entrés au camp Samory, je souhaiterais que vous soyez là. Avant qu’il n’arrive, la première autorité qui est arrivée, c’est le ministre de la Santé, colonel Abdoulaye Chérif Diaby. Quand le général Toto est arrivé, il a demandé, il y a combien de corps ? Les corps ont été comptés, il y a eu contradiction. Certains ont dit 54, d’autres 57 corps. On a demandé à ce qu’on recompte. Après décompte, nous sommes accordés que c’était 54 corps ».
Valentin Haba dit que le ministre de la Sécurité d’alors, Mamadouba Toto Camara avait donné instruction au ministre de la Santé, colonel Abdoulaye Chérif Diaby, de prendre en charge les corps. L’audience se poursuivra demain mercredi 6 décembre.
Mamadou Adama Diallo