Le défilé des témoins se poursuit dans le procès du massacre du 28 septembre 2009 au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Cona-crime à Kaloum. Mercredi 6 décembre, le général Ibrahima Baldé, chef d’état-major de la gendarmerie aux moments des faits a donné sa version des faits devant le juge. Il a axé son témoignage essentiellement sur les dispositions prises sur le maintien d’ordre.
Comme le dirlo de la flicaille d’alors, Valentin Hobo-Haba, le général Ibro Baldé, a rappelé que la gendarmerie était dépourvue de tout, lorsqu’il est arrivé à la tête de l’institution. Nommé le 5 janvier 2009, il explique qu’il avait fait un état des lieux à sa prise de fonction : la gendarmerie ne disposait pas de véhicules, le personnel était vieillissant, des bâtiments délabrés. Excusez du peu ! Ainsi, il a engagé des réformes qui lui ont permis de créer en 5 mois, 10 escadrons mobiles et l’opérationnalisation des élèves pandores alors en formation. Le général Baldé dit avoir obtenu 40 teufteufs de la part des autorités. Malgré tout, il manquait encore de moyens pour maintenir l’ordre de façon efficace. Selon lui, l’état-major de la gendarmerie relevait du chef d’état-major général des armées. De préciser par exemple que lorsqu’un officier de police judiciaire faisait un procès-verbal à Yomou, le procès-verbal ne sera transmis au procureur que lorsqu’une copie aura été transmise au préalable au chef d’état-major général des armées.
Réunion au camp Alpha Yaya
Abordant les événements du 28 septembre 2009, le général Ibro Baldé a indiqué que deux semaines auparavant, les rumeurs circulaient pour dire que le président Moussa Dadis Camara voulait se présenter aux élections. La société civile, les partis politiques ne le voulaient point. Selon lui, jusqu’au 26 septembre, des messages étaient envoyés dans les téléphones. Il serait mentionné : « Le 28 septembre, il y aura marche vaille que vaille, parce que la junte veut se présenter aux élections ». « Le 27 septembre, j’ai reçu un appel du chef d’état-major général des armées pour une réunion au camp Alpha Yaya. Je m’y suis rendu, nous avons partagé des informations. J’ai dit que cette situation doit intéresser tout le monde, parce que les gens vont sortir. Chacun a donné son avis ». L’ancien chef d’état-major général de la gendarmerie affirme que le chef d’état-major des armées, le général Oumar Sanoh, leur a dit qu’il a reçu des instructions, selon lesquelles tous les militaires allaient être consignés dans les casernes, hormis la gendarmerie et la police qui vont prendre en charge le maintien et le rétablissement de l’ordre public. « On a essayé de bien comprendre par rapport aux réalités de nos unités, par rapport aux moyens conventionnels. Mais le temps ne permettait plus de dire à un ministre ou à un chef d’état-major général de donner les moyens. Beaucoup ne pensaient pas que cette manifestation allait avoir lieu. C’est ainsi qu’il a été dit que la gendarmerie et la police vont se charger, pour un premier temps, de refuser les regroupements, pour un deuxième temps, de disperser dans la mesure des moyens ». Le général Ibrahima Baldé a insisté sur le fait qu’en ce moment, la gendarmerie relevait du chef d’état-major général des armées. « C’est une réalité qu’il faut assumer ».
Du poste de commandement
Dans la soirée du 27 septembre, général Ibro Baldé a indiqué qu’il a monté un poste de commandement (PC) au niveau de l’état-major, pour suivre les évènements. « Nous avions choisi un certain nombre officiers accrédités dans la région spéciale de Conakry. Le premier rôle pour le poste était de concevoir un plan d’opération, conformément aux instructions reçues. Lorsqu’on a fini avec le plan d’opération, on a réuni tous les chefs de Conakry, les commandants des six escadrons, adjoints et chargés d’opération, les trois escadrons départementaux, leurs commandants adjoints et chefs d’opération se sont retrouvés dans les environs de 16h, 17h à l’état-major. Sous ma responsabilité, nous avions établi le plan d’opération. Ce plan d’opération a consisté à donner la situation générale du pays, ensuite la situation particulière de Conakry le 27 septembre qui tend vers le 28 septembre. Conséquemment, nous avons décidé de dégager tous les moyens humains que nous avions à l’époque, pour le maintien d’ordre ».
Le jour du massacre
Comme il n’avait que de nouvelles recrues sur le terrain, le 28 septembre, général Baldé a décidé de sortir avec une équipe, son véhicule de commandement et un teufteuf d’opération pour voir les positions. « Je suis venu au niveau de l’escadron de Hamdallaye, j’ai trouvé un déferlement de l’axe Coza, Bambéto, Hamdallaye au rond-point ; un autre déferlement Kondebounyi-Hamadallaye et un troisième déferlement de l’axe Taouyah-Hamdallaye. Le rond-point était inondé de manifestants. Sur le champ, j’ai commencé à changer d’avis par rapport au plan d’opération. Parce que le regroupement que j’ai trouvé à Hamdallaye ne protégeait pas les enfants qui étaient-là, qui n’avaient pas de casques, qui n’avaient pas de boucliers. Moi-même, j’ai ordonné de débloquer le dispositif (…) J’ai continué ; je suis allé trouver que la devanture du stade était déjà déboulonnée. Pourtant, il y avait un dispositif consistant qui était là. Quand je suis arrivé, on m’a dit que le centre des opérations a ordonné que tout le monde replie au niveau de Donka ».
L’ancien chef d’état-major de la gendarmerie a expliqué que ses hommes lui ont dit qu’ils ont chargé dans un premier temps, mais qu’au fur et à mesure ils chargeaient, la foule devenait plus nombreuse. Mais comme il leur avait dit de ne pas en découdre avec la foule sans moyens conventionnels adéquats, c’est pourquoi, ils ont replié. Ainsi, il a continué à l’état-major pour s’enquérir de la situation au centre d’opération. Ceux-ci lui ont dit que plusieurs positions ont été déboulonnées, par contre d’autres positions continuent de tenir. J’ai donné les instructions que personne ne quitte sa position. Pendant que j’étais en train de discuter au centre d’opération, il y a l’officier de garnison qui monte, pour me dire qu’on a envoyé des gens qui sont blessés. Je suis venu trouver Sidya Touré, Jean-Marie, Mouctar Diallo et Loucény Fall ; ils m’ont dit qu’ils étaient au stade, je les ai conduits chez le médecin chef de la gendarmerie, à l’infirmerie, pour les soigner ».
Seulement voilà, peu après, le Général Baldé dit qu’il a reçu des informations qu’un groupe se préparait à venir libérer les leaders à la gendarmerie, que même lui il serait agressé. Les rumeurs persistant, il a jugé nécessaire de les conduire à la clinique. Selon lui, il avait mis en place une commission d’enquête. Sauf que le lendemain, il a reçu une correspondance du ministère de la Justice lui demandant de mettre à disposition des officiers pour l’enquête et que la commission d’enquête allait être présidée par un magistrat. Général Ibrahima Baldé de conclure : « Je n’ai pas ordonné de s’approcher à la foule, je n’ai pas fait de blessés, je n’ai pas fait de morts ».
Pourtant de nombreuses victimes qui se sont succédé à la barre ont raconté que des gendarmes les ont frappées et leur ont arraché leurs biens. Bref, pour les victimes, les pandores ont participé au massacre.
Ibn Adama