Le 22 décembre, dans la soirée, le gouvernement a ordonné la reprise de la vente de l’essence dans les stations-services du bled, après une rupture due à l’incendie du dépôt central d’hydrocarbures de Kaloum, le 18 décembre.
Le 23 décembre, dès l’aube, sont pris les stations d’essence sur la route Leprince, notamment celles situées entre Bambéto et Cosa. Des longues files d’attente de teufteufs et de motos, débordant parfois sur la chaussée et empêchant ainsi la fluidité de la circulation.
A l’essencerie du Camp-Carrefour, au lieu de se servir du carburant, automobilistes et motards ont échangé injures et cris. Les pandores qui assurent la sécurité et maintiennent l’ordre dans le coin ont fait usage du favoritisme et de laxisme, entre autres, dénoncés à tout bout de champ par les motards, en majorité.
En fait, les agents ont établi un cordon leur permettant de maintenir l’ordre dans le service du carburant. Ce qui a bien marché jusqu’à 9 heures. Mais ils ont fait servir des corps armés, notamment des bidasses et flics, ainsi que d’autres motards moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes, au détriment des premiers venus. Ce qui a tout chamboulé.
« Nous sommes là depuis 6 heures, mais les gendarmes appellent les gens pour les faire servir par les pompistes avant nous. Nous sommes venus avant eux, ce n’est pas normal. C’est de l’injustice », crie Mohamed Camara, sur sa moto, sous le soleil. Un autre motard dit qu’ils ont demandé aux agents d’arrêter le favoritisme et de respecter l’ordre d’arrivée. En vain. « Ils font ce qu’ils veulent ».
Irrités, les motards rompent le cordon, débordés, les pompistes arrêtent tout service, avec l’aval des pandores qui sèment le désordre.
Les pandores exigent que tout le monde sorte de la station et se mette en ordre. Niet des motards qui accusent les agents de foutre le bordel. Les automobilistes, dans leur ligne, restent tranquilles. Certains proposent que les services alternent : cinq voitures contre cinq motos. Histoire de calmer les nerfs. Sans succès.
Dans le brouhaha, les pandores et les pompistes se retirent, laissant derrière eux, les gens en colère, des heures durant. « Tant que vous ne retournez pas derrière le cordon, nous n’allons pas vous servir. C’est clair », lance un pandore qui retourne s’assoir près de ses collègues.
Les jeunes motards se démènent pour dégager la foule. La tension monte, alimentée par les injures entre motards qui ont failli en venir aux mains.
Les pandores, débordés, quittent la station-service, déclarant avoir reçu des instructions de leur hiérarchie d’arrêter tout service. Les pompistes ôtent leur uniforme et s’éclipsent.
Trente minutes après, la station reste bondée de demandeurs de carburant. Des flics surgissent et ordonnent au monde de rentrer. «Le service est suspendu à cause du désordre et il reprendra à 16 heures. »
A la station Total à côté, même ambiance. Les pompistes ont arrêté de servir depuis 9 heures, à cause d’une histoire de désordre et faute « d’essence ». Ce qui n’était pas vrai, car à midi, après tant de tractations, ils ont repris à servir « la réserve », en faisant payer 40 000 Gnf aux motards pour les trois litres d’essence, sous prétexte qu’ils n’ont plus de monnaie. « Marché conclu », lance un jeune motard. « Même s’ils vendent à 50 000 les trois litres, on va acheter. Avant-hier, on a acheté un litre à 50 000 Gnf », ajoute le motard.
A la Station Shell, de l’autre côté de la route Leprince, des longues files sont perceptibles. Mais, là au moins, le service « n’est pas interrompu », nous confie un témoin.
Yaya Doumbouya