Depuis son exil dakarois, le Prési de l’Union des forces démocratiques de Guinée scrute la conduite de la transition guinéenne. Deux ans après la chute de son rival, Alpha Grimpeur, il craint autant l’enracinement d’une dictature kaki qu’il croit en son poids politique.
Le colonel Mamadi Doum-bouillant ne fait plus rêver la Petite Cellule Dalein Diallo. Le tombeur d’Alpha Grimpeur, qu’il a acclamé deux ans auparavant, l’a déçu, n’ayant pas tenu parole. « Il avait promis de mettre fin à l’instrumentalisation de la justice, au piétinement des droits et des libertés des citoyens. Il avait aussi promis de faire de la justice et du droit les boussoles de son action ». Rien de tous ces engagements n’a été tenu, aux yeux du leader de l’UFDG, parti de Cona-cris une semaine après qu’il a été expulsé fin février 2022 de sa maison à Dixinn, démolie par la junte. Comme si cela ne suffisait pas, la CRIEF s’est mise à ses trousses, l’accusant d’avoir trempé dans des malversations lorsque, ministre des Transports sous feu Fory Coco, il a participé à la vente en 2002 de la compagnie publique Erre Guinée. « Alors bien évidemment, je suis déçu », martèle la Petite Cellule Dalein Diallo qui peint en noir la transition du Comité national de rassemblement pour le développement.
Crainte, incertitude…
Le politicard s’offusque également du musellement de la presse par des procédés qu’on croyait révolus : brouillage de signaux de certaines radios (FIM FM, Djoma FM et Espace FM) ; restriction de l’accès au site Guinée Matin et à l’internet. Il trouve mal en point certains droits et libertés publics dont la jouissance est entravée, au nom du maintien de la paix. A sa prise du pouvoir, le 5 septembre 2021, Mamadi Doum-bouillant avait juré, la main sur le palpitant, que ni lui ni aucun dirigeant de la transition ou membre du CNRD, bidasse ou civil, ne sera candidat aux prochaines sélections. Un engagement formalisé dans la Charte, la Constitution transitoire. En désormais adepte de Saint Thomas, le Prési de l’UFDG égrène des indices qui laissent à penser que le colosse du Palais Mohammed V n’hésitera pas à se porter candidat : « Le culte de personnalité dont il fait l’objet avec, notamment, la multiplication – à son initiative – de projets et d’actions populistes, son intérêt de plus en plus marqué pour le pouvoir… Tout cela fait effectivement craindre cette éventualité ». Des langues fourchues font remarquer que le colonel a l’air de préférer de plus en plus le boubou et le costard au treillis.
Bilan, perspectives
La Petite Cellule dirige l’UFDG depuis seize ans. Certains, comme Ousmane Gawa Diallo, exclu du parti, prônent l’alternance et le renouvellement générationnel. Interpellé sur le sujet, l’exilé rassure : « Je ne suis pas éternel, bien sûr. Je fais attention mais je sais qu’à un moment ou à un autre, il faudra céder la place même si je note que la confiance à mon égard est plus forte encore qu’avant. Pour le moment, je suis en bonne santé. Lorsque l’échéance arrivera, vous serez informé. Et quoi qu’il arrive, l’UFDG survivra ».
A leurre du bilan, il précise : « Aucune entreprise humaine n’est parfaite. Mais j’estime que nous avons fait ce qu’il fallait pour gagner les élections. Nous avons résisté et nos militants en ont payé le prix ». Et de renchérir : « Aujourd’hui encore, nous poursuivons le combat. Notre capacité de mobilisation est sans pareille et il suffirait que des élections soient organisées en toute transparence pour que l’UFDG arrive au pouvoir. » Il reste toutefois prudent quant au respect du chronogramme de transition qui doit s’achever dans un an et appelle la communauté internationale, jugée clémente envers le CNRD, à accentuer la pression et la vigilance.
Pigeon voyageur
Après s’être déchirés pendant une décennie, la Petite Cellule Dalein Diallo et Alpha Grimpeur se rapprochent pour exiger une transition brève, l’arrêt du « harcèlement judiciaire » contre adversaires politiques et de la société civile, des élections transparentes et inclusives. Une trêve à ne pas prendre pour une alliance. Le RPG et l’UFDG, quoiqu’unis face au Doum-bouillant, redeviendront adversaires la bataille électorale arrivée. Et la seule fois que les deux leaders se sont parlés depuis leur exils respectifs remontent d’il y a un peu plus d’un an, à en croire Dalein.
L’exilé vit mal son éloignement du pays, même s’il ne chôme pas. La Petite Cellule Dalein Diallo parcourt le monde pour participer à des colloques notamment sur le climat et le développement. Mi-novembre, il a conduit une délégation de douze Européens et Africains, dépêchés pour observer la présidentielle malgache qui s’est déroulée dans une atmosphère de « profonde crise de confiance », boycottée par les ténors de l’opposition et qui s’est soldée par la réélection au premier tour du président sortant, Andry Rajoelina. Sans surprise, avec beaucoup de protestations.
Diawo Labboyah