En délogeant Alpha Grimpeur, le 5 décembre 2021, Mamadi Doum-bouillant avait juré, la main sur le palpitant, agir pour libérer les Guinéens. Aujourd’hui, il arrête, emprisonne, exile, coupe électricité, internet, médias…

« On peut tout faire avec une baïonnette, sauf s’asseoir dessus. » Cette mise en garde de Talleyrand devrait servir de bréviaire à notre gêné-râle des corps désarmés et à tous ses laveurs de chat si prompts à l’aider à ouvrir des fronts, chaque jour. Il est difficile de faire comprendre à une junte, qui doit son pouvoir non aux suffrages du populo mais à sa puissance de feu, que la kalachnikov ou le biceps ne règle pas tout. Le cimetière, la prison ou encore l’exil pullulent d’hommes forts qui se croyaient invincibles : Kadhafi, le Beau Blaise du Burkina Façon, le capitaine El Dadis… Les exemples sont légion, mais décidément, le pouvoir rend aveugle et amnésique.

Loi du plus fort

Le Comité national du rassemblement pour le développement a raison de tout le monde : les anciens dignitaires coffrés et ou aux passeports confisqués ; la CEDEAO dont il a imposé son agenda de transition ; politicards et leaders du FNDC exilés ; journaleux muselés et emprisonnés ; manifestants de Ratoma réprimés dans le sang ou de Kaloum gazés…Mamadi Doum-bouillant reste expéditif dans la prise comme dans l’exercice du pouvoir. Celui qui s’était engagé à faire de la justice la boussole de sa gouvernance ne s’encombre nullement de légalité, de procédure, de formalisme. Il rame à contre-courant de tous ses engagements, lui qui a prétendu déposer Alpha Grimpeur parce que ce dernier gouvernait mal !

S’il faut s’abstenir de tresser des lauriers à l’ex-locataire du palais Sékhoutouréya, dont l’envie de s’éterniser au pouvoir a servi de prétexte au putsch de 2021, il faut admettre que notre bled traverse une situation sans précédent. En 2011, alors qu’il venait d’accéder au pouvoir sur fond de crise, l’ancien opposant historique avait déclaré avec fracas « prendre la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée. » Les onze années d’Alphagouvernance furent sanglantes, émaillées de féroces luttes politiques, de bras de fer avec les médias, de promesses mirobolantes sans lendemain, de fraudes électorales, de scandaleux détournements et de corruption avérés ou allégués, de propos déplacés…

Sékou Tyran de retour

Cependant, force est de reconnaître qu’il n’a jamais fermé une radio/télé durant son règne, ni exilé des leaders politiques. La coupure de l’internet n’avait duré que le temps d’un scrutin électoral. Dans le pire des cas, les journaleux se retrouvaient en garde à vue. L’électricité s’était stabilisée, quoiqu’on ignorât les conditions d’attribution des marchés de réalisation de Kaléta et Souapiti et nonobstant la gestion clientéliste des différentes centrales thermiques. Depuis leur autorisation à émettre en 2006, sous le régime de Fory Coco, les radios et les télévisions ne s’étaient tues aussi longtemps. Désormais, les Guinéens sont réduits à s’informer qu’à travers la Télé-bidon nationale, la Voix de la Révolution, pardon, de la Refondation. Le gêné-râle Doum-bouillant, lui est un homme d’action : il a ressuscité Sékou Tyran, sans crier gare, ni ameuter la foule comme naguère le Grimpeur faisait. C’est l’une des qualités de la Grande muette. Même s’il faut l’avouer : si les dictatures sont haïssables et ignobles, de toutes, la dictature kaki semble la pire. Comparé à son tombeur, Alpha était Mandela, qu’il reste tranquille, l’Histoire (des rendez-vous manqués) lui a malheureusement donné raison. Pauvre, Guinée !

Diawo Labboyah