Après de graves attaques contre la presse dans la province de l’Équateur en République démocratique du Congo (RDC), Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités provinciales à poursuivre le dialogue entamé avec les journalistes et à les laisser exercer librement et sans crainte de représailles.
À la suite de graves atteintes à la liberté de la presse, un dialogue a été entamé entre les autorités de la province de l’Équateur, dans le nord-ouest de la République démocratique du Congo (RDC), et les journalistes. Samedi 17 février, le gouverneur de cette province, Bobo Boloko Bolumbu, les a invités dans sa résidence pour une séance de conciliation. Une rencontre qui fait suite au boycott de la couverture de ses activités, décidé le 13 février par les professionnels de l’information de Mbandaka, la capitale provinciale, après une série de sévères atteintes contre la presse les jours précédents.
Ce 13 février, alors que des journalistes locaux manifestaient pour défendre la liberté de la presse, 21 d’entre eux ont été interpellés par l’Agence nationale de renseignements (ANR) et ont ensuite été détenus arbitrairement dans les locaux de l’ANR pendant plusieurs heures avant d’être relâchés.
Ils manifestaient notamment pour apporter leur soutien à la directrice provinciale de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), Mimi Etaka, victime d’une agression sur ordre du gouverneur. Le 5 février, Bobo Boloko Bolumbu était entré de force dans les locaux de la télévision avec des gardes du corps, à qui il avait ordonné de passer à tabac la journaliste. Il lui reprochait d’avoir refusé de diffuser à l’antenne trois arrêtés portant sur les nominations des nouveaux membres du gouvernement de la province. La directrice avait pourtant accepté de le faire après le journal plus tôt dans la journée, sans interrompre l’émission comme demandé. Malgré ses tentatives pour se défendre, ses vêtements avaient été arrachés. La rédaction avait été saccagée.
Contacté par RSF, Bobo Boloko Bolumbu avait alors affirmé que la directrice du média « n’a[vait] pas été attaquée », et que les images montrant la journaliste à terre étaient “des montages” mis en scène par ses détracteurs politiques. “Si j’étais sur les lieux, où sont les images ? Il n’en existe aucune qui témoigne de la présence des militaires, pas de photo, rien”. Mardi 20 février, il s’est pourtant rendu à la RTNC pour présenter ses excuses. Mimi Etaka a porté plainte.
À l’issue de la rencontre organisée par Bobo Boloko Bolumbu le 17 février, les journalistes présents ont levé le boycott de la couverture des activités du gouverneur provincial. Et le 21 février, d’autres journalistes locaux ont organisé une réunion pour le lever à leur tour.
« Le dialogue entamé par le gouverneur de la province de l’Équateur est un premier signal positif. Il s’agit à présent de prendre des engagements forts en faveur de la liberté de la presse, afin de garantir le libre exercice des professionnels des médias, sans crainte de représailles ou d’ingérence. Les récentes attaques commises envers des journalistes sont inacceptables, elles ne doivent pas se reproduire. Les autorités doivent s’engager fermement à mettre un terme à toute forme de harcèlement envers les professionnels des médias », a déclaré Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Recherché… pour une émission critique
En matière d’atteinte à la liberté de la presse, le gouverneur de la province de l’Équateur n’en est pas à son coup d’essai. Le directeur de la Radio Télévision Sarah (RTS), qui couvre la province, Steve Mwanyo Iwewe, est actuellement recherché par l’ANR sur ordre de ce politicien depuis le 29 janvier. Le journaliste, qui vit actuellement dans la clandestinité, avait animé une émission deux jours auparavant dans laquelle ses invités critiquaient la récente réhabilitation, par le ministre de l’Intérieur, de Bobo Boloko Bolumbu dans ses fonctions de gouverneur – il avait été suspendu pour une affaire de fraude électorale le 11 janvier. Dans la nuit du 16 au 17 février, des hommes armés ont tenté de pénétrer dans le domicile de Steve Mwanyo Iwewe. Après avoir cassé le portail de la maison, ils ont tiré des coups de feu avant de repartir.
Déjà en novembre 2021, Bobo Boloko Bolumbu avait ordonné la suspension de la RTS, dont la fermeture avait finalement été déclarée illégale par la cour d’appel. En juin 2023, alors que la RTS venait d’être autorisée à reprendre ses activités après 19 mois d’interruption, des policiers, accompagnés du ministre provincial de la Justice, se sont rendus devant les locaux de la radio sur ordre du gouverneur, pour bloquer l’accès des journalistes à leur rédaction et les empêcher d’exercer. Une ingérence illégale dénoncée par RSF. La radio a pu reprendre ses émissions en novembre dernier grâce au soutien de notre organisation.
La RDC occupe la 124e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.
Reporters Sans Frontières