Le procès d’Amadou Damaro Camara se poursuit devant la Chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières, CRIEF. A l’audience du 4 mars, l’ancien Président de l’Assemblée nationale était aux prises avec le procureur spécial, Aly Touré.
Le face-à-face entre Amadou Damaro Camara, poursuivi pour « détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, corruption dans le secteur public et privé, prise illégale d’intérêts et complicité » et son accusateur principal, Aly Touré, n’a pas du tout été un simple repos. Le procureur spécial et l’ancien président de l’Assemblée nationale, qui ne se vouent déjà pas une amitié, ont passé leur temps à s’invectiver, à se rendre coup pour coup. Aly Touré, qui n’a commencé à siéger qu’après le changement intervenu à la CRIEF et la formation d’une Chambre de jugement, tenait à démontrer que Damaro a effectivement barboté dans les fonds publics. Le prévenu, qui prend le procureur spécial pour la base de l’essentiel de ses ennuis judiciaires, ne s’est pas laissé marcher dessus.
Le ministère public s’est interrogé sur les activités que Damaro aurait eues dans les mines à Boké quand il était à l’Assemblée nationale. Il insinue que le prévenu détenait une société minière, y avait des camions. Damaro rejette en bloc : « Société minière ? C’est à la CIREF ici que j’en ai entendu parler. Les camions, j’en avais deux qui étaient dans la sous-traitance avec la société UMS. Mon fils est rentré des Etats-Unis, les a rachetés pour en faire une société formelle. »
Le procureur spécial s’interroge aussi sur la manière par laquelle le Palais du peuple a été rénové et le rôle que la fille du prévenu aurait joué. Damaro de rappeler qu’il a renoncé à une grande partie de son fonds de souveraineté pour que cela se réalise : « Je mérite des félicitations pour avoir rendu vivable le Palais du peuple. On ne pouvait y organiser le moindre séminaire, parce qu’il n’y avait pas de toilettes. »
Pour ce qui est de sa fille, le prévenu explique que tout a commencé quand celle-ci a rénové le bureau du président de l’Assemblée nationale : « On m’avait donné 400 millions de francs guinéens pour mon installation, ma fille a promis de m’offrir le plus beau bureau de Conakry à moins de 350 millions. Pour la rénovation du Palais, il y avait 8 prestataires, ma fille n’a gagné que le 5e marché, je n’étais même pas au courant. Elle a fait un tel travail que le Président de la transition est allé au Palais du peuple visiter les installations. Il a dit que c’est un bon travail, jusque-là, elle n’est pas payée. Mais le CNRD continue à faire appel à ses services. »
Aly Touré a aussi interrogé le prévenu sur le fait qu’il ait géré les 15 milliards destinés à la construction du nouveau siège de l’Assemblée sans associer la commission suivie et évaluation : « Elle n’était pas étoffée. Nous n’avions aucun renseignement technique la concernant. Il a fallu que je menace Demba Fadiga pour qu’il dépose les documents. » L’ancien président de l’Assemblée nationale rappelle cependant que seule la Cour des comptes était habilitée à jeter coup d’œil dans la gestion financière de l’Assemblée nationale. Cela n’a pas plu au parquet : « C’est faux, la justice peut jeter un regard sur toute gestion », rétorque Aly Touré. Damaro insiste : « Elle ne peut le faire qu’après le regard de la Cour des comptes. »
L’ex-président de l’Assemblée nationale est poursuivi dans cette affaire avec Zénab Camara et Michel Kamano, questeurs au moment des faits et l’homme d’affaires, Kim. Damaro estime que ces trois n’ont commis aucune infraction. Les avocats de Zénab Camara et Kim révèlent que leurs clients n’ont été inculpés que devant la Chambre de l’instruction. Ils ont été cités à titre de témoins, avant d’être inculpés.
Yacine Diallo