Le procès du massacre du 28 septembre 2009 a repris lundi 18 mars, au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, après deux semaines de pause, suite à la demande du parquet de requalifier les faits en crimes contre l’humanité.
En réplique lundi 18 mars, les avocats de la défense demandent au président du tribunal de rejeter purement et simplement la demande de requalification des faits. Parce que, dit-elle, l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction a fait l’objet de recours à la Cour d’Appel et à la Cour Suprême qui ont confirmé les charges d’assassinat, meurtre, viol, complicité de viol, incendie volontaire, pillages, etc. Donc, de la responsabilité pénale de chaque accusé dans le box. Les avocats de la défense soutiennent que l’arrêt de la Cour Suprême a définitivement clos l’instruction en 2019 ; et que cet arrêt n’est pas susceptible de recours. Ensuite qu’en 2009, bien que la Guinée ait ratifié le Statut de Rome depuis 2003, le pays n’avait pas internalisé cette loi. Elle n’existait pas dans le Code pénal guinéen. La loi n’a été adoptée qu’en 2016. Au nom de la non rétroactivité de la loi, la qualification de crimes contre l’humanité ne peut pas s’appliquer, selon la défense. « Les faits de responsabilité de commandement de chefs militaires ne peuvent pas être retenus dans cette affaire », a indiqué Me Almamy Samory Traoré, l’un des avocats du capitaine Moussa Dadis Camara.
Pour Me Antoine Pépé Lama, c’est un acharnement contre le président Moussa Dadis Camara, une manipulation pour faire une justice sélective. « Par ces réquisitions, le parquet a démontré qu’il est déterminé à solliciter la requalification des faits contre certains accusés mais au même moment, il fait la sourde oreille quant aux interpellations sur des révélations gravissimes qui ont été faites ici au cours des débats contre d’autres. Peut-on, sérieusement, alléguer une responsabilité de commandement des chefs militaires dans ce débat, sans se donner la moindre peine d’engager une poursuite contre tous les hommes qui étaient sur la chaîne de commandement à l’époque des faits ? On veut à tout prix incriminer le capitaine Moussa Dadis, on veut par tous les moyens mettre tout sur la tête du capitaine Moussa Dadis Camara. Mais monsieur le président, nous avons la conviction que vous n’allez pas accepter que cette pilule passe par vous. »
Me Paul Yomba Kourouma, avocat d’Aboubacar Sidiki Toumba Diakité a indiqué que les tenanciers des libertés individuelles et privées sont en train de piétiner le droit. Il a rappelé que le parquet avait demandé la requalification des faits, il l’avait obtenu et les avocats de la défense l’avaient accepté. « Les débats sont presque clos et on revient nous dire de requalifier les faits. C’est un crime économique avec tous les investissements, qu’on nous dise de revenir à la case de départ de requalifier les faits pour que ça soit à l’apanage de la Cour Pénale International. C’est une déception. Tous ceux qui sont dans le box ont la chance de sortir de prison. La prochaine fois, ça sera la mise en liberté de ces gens, parce que le parquet ne trouve pas de recettes pour étayer les accusations ni contre Dadis ni contre Toumba, ni contre Marcel et les autres ». Les débats se poursuivaient, au moment où nous mettions en ligne.
Mamadou Adama Diallo