Le 20 mars dernier, Alseny Farinta Camara, activiste de la société civile, a braqué ses projecteurs de lutte contre la corruption sur pas moins de quatre anciens ministres du CNRD. Les anciens ministres de la Justice, Alphonse Charles Wright, des Postes et Télécoms, Ousmane Gaoual Diallo, de l’Economie et des Finances, Moussa Cissé et l’ancien Premier ministre Bernard Goumou, sont dénoncés auprès du Parquet spécial de la Cour de répression des infractions économiques et financières, Crief pour malversations financières.
Alseny Farinta Camara accuse Ousmane Gaoual Diallo, ex-ministre des Postes, Télécommunications et de l’Économie numérique, de « malversations financières, de surfacturations, de contournement des règles de la mise en concurrence, de corruption, de détournements de deniers publics et d’enrichissement illicite », dans la rénovation de son département. Il s’agit, selon l’activiste de la Société civile, de deux marchés publics attribués à des sociétés, sans appels d’offres compétitifs. Le premier contrat date de septembre dernier, il visait « à rénover et à étendre » le ministère des Postes et Télécoms. Le montant du projet, selon Alseny, est de 65 milliards 338 millions 882 mille 562 francs guinéens, à exécuter dans 12 mois. « Le second contrat concerne la rénovation et l’équipement d’un immeuble R+4 dans la Cité chemin de fer », à Kaloum, pour un montant évalué à 20 milliards 059 millions 801 mille 262 francs guinéens, à réaliser en 3 mois.
Dans sa défense de l’intérêt public, Alseny Farinta Camara accable l’ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright. Dans son courrier de dénonciation auprès de la Crief, il soupçonne l’ancien ministre de la Justice de « malversations financières, de surfacturations, de contournement des règles de la mise en concurrence, de corruption aggravée, de détournement de deniers publics et d’enrichissement illicite autour des marchés de rénovation de la Maison centrale de Conakry ». A propos des marchés portant sur la rénovation de la Maison centrale, Charles Wright aura signé cinq contrats, pour un montant total de 50 milliards 739 millions 794 mille francs guinéens. L’activiste les détaille dans sa lettre adressée au procureur spécial près la Crief, Aly Touré. Dans une interview accordée à notre confrère Africaguinee.com, Alsény dit que cette dénonciation n’est pas la seule procédure contre Charles Wright : « Il y a d’autres procédures le concernant. Quand je vais finir de réunir les éléments probants, je saisirai le parquet spécial. Donc, d’autres sont en cours. »
Dans sa troisième lettre, Alseny Farinta Camara suspecte l’ancien Premier ministre, Bernard Goumou et son ancien ministre de l’Economie et des Finances, Moussa Cissé, d’enrichissement illicite dans la rénovation, l’aménagement et l’équipement de la résidence du PM. Le 1er décembre 2022, rappelle-t-il, Bernard Goumou au ministre des Finances Moussa Cissé, avait demandé l’autorisation de conclure un contrat de gré à gré d’une valeur de plus de 6 milliards pour la rénovation de sa résidence. Les courriers entre les deux pontes avaient fuité le 3 septembre 2023.
A africaguinee, Alseny Farinta indique qu’il y a une centaine de commis de l’Etat qui sont concernés par sa démarche citoyenne. « Il y a plusieurs départements ministériels et des régies financières qui sont concernés par cette démarche citoyenne, pour pouvoir moraliser les affaires publiques, mais aussi amener les dirigeants à rendre compte de leur gestion aux citoyens dont ils sont les mandataires. »
Se basant sur la loi nationale portant prévention, détection et répression de la corruption et les infractions assimilées, l’activiste de la Société civile rappelle aux autorités guinéennes l’urgence « pour le système judiciaire de mettre fin à l’impunité et à l’arbitraire croissantes au sein de l’administration publique guinéenne ». Il a aussi demandé au Parquet spécial près la Crief de « donner une suite légale » à ces affaires.
Réponse de la Crief
Le procureur spécial près la Crief, Aly Touré, a répondu aux courriers d’Alseny Farinta Camara le 21mars, mais rendu public le 14 avril. Et ce n’est pas un poisson d’avril. Selon Aly Touré que son Parquet a saisi l’Agence nationale de lutte contre la corruption et de promotion de la bonne gouvernance « à l’effet de procéder à des investigations préalables ».
Seulement voilà, dans son entretien, l’activiste a émis des réserves en ces termes : « J’émets des réserves dans la mesure où si je prends l’article 96 de la Loi portant Prévention, Détection et Répression de la corruption et les infractions assimilées. L’aliéna 1 nous indique que : toute personne peut porter des dénonciations auprès du procureur de la république ou de l’Agence nationale de la lutte contre la corruption. Et l’article 2 nous dit que, lorsque le procureur est saisi avec tout ce qu’il faut, il saisit directement les officiers de police judiciaire pour l’ouverture des enquêtes. Mais vous allez constater que cette fois-ci, le procureur n’a pas saisi les officiers de police judiciaire pour ouvrir l’enquête. Je ne doute pas de sa moralité mais (…), si c’est l’Agence nationale de lutte contre la corruption qui mène des enquêtes, je crains, qu’en tant que structure administrative, elle ne puisse conduire la procédure jusqu’au bout ».
Pourvu que la justice, prétendue boussole des actions de la junte, puisse aller jusqu’au bout de ses enquêtes et que les présumés auteurs des malversations financières rendent compte de leur gestion.
Mamadou Siré Diallo