Comme à l’accoutumée, Reporter sans frontières a publié, ce 3 mai, le classement général des différents pays sur le respect de la liberté de la presse dans le monde. Surprise, la Guinée dont les tenants n’ont pas ménagé les médias et leurs hommes, pointe à la 78e place, sept places grappillées par rapport au classement de l’année dernière. RSF lui-même a tenu à rappeler que le CNRD n’a pas respecté sa promesse de garantir à la presse sa liberté. Il note également l’enchaînement des attaques contre les journaleux.
ci-dessous le classement de RFS
À l’échelle mondiale, un constat s’impose : la liberté de la presse est menacée par celles-là mêmes qui devraient en être les garants : les autorités politiques. Parmi les cinq indicateurs qui composent le score des pays, l’indicateur politique est celui qui baisse le plus en 2024, avec une chute globale de 7,6 points. C’est ce que révèle cette nouvelle édition du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF).
Les États échouent à protéger le journalisme
Un nombre croissant de gouvernements et d’autorités politiques n’assurent pas leur rôle de garant d’un cadre exemplaire pour l’exercice du journalisme et pour le droit du public à une information fiable, indépendante et plurielle. RSF observe une détérioration préoccupante du soutien et du respect de l’autonomie des médias et un accroissement des pressions exercées par l’État ou d’autres acteurs politiques.
« Alors qu’en 2024, plus de la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes, RSF alerte sur un phénomène d’ampleur révélé par le Classement de la liberté de la presse 2024 : la baisse de l’indicateur politique, un des cinq de l’Index. Les États et des forces politiques, quel que soit leur bord, jouent de moins en moins leur rôle dans la protection de la liberté de la presse. Cette déresponsabilisation va parfois de pair avec une remise en cause du rôle des journalistes, voire une instrumentalisation des médias dans des campagnes de harcèlement ou de désinformation. Le journalisme digne de ce nom est au contraire la condition d’un système démocratique et de l’exercice des libertés politiques.
Anne Bocandé
Directrice éditoriale de RSF
À l’échelle internationale, cette année s’illustre par une absence manifeste de volonté politique de la communauté internationale à faire appliquer les principes de protection des journalistes, et tout particulièrement la résolution 2222 du Conseil de sécurité de l’ONU. La guerre à Gaza est marquée par un nombre record d’exactions commises contre les journalistes et les médias depuis octobre 2023 : plus de 100 reporters palestiniens ont été tués par l’armée israélienne, dont au moins 22 dans l’exercice de leurs fonctions. Dans ce Classement 2024 de RSF, la Palestine (157e), occupée et sous les bombes israéliennes, devient l’un des dix derniers pays du monde en termes de sécurité pour les journalistes.
Le journalisme contre la désinformation en année électorale
Alors que 2024 est la plus grande année électorale de l’histoire mondiale, 2023 a également vu la tenue d’élections déterminantes, notamment en Amérique latine, avec l’arrivée au pouvoir de prédateurs revendiqués de la liberté de la presse et de la pluralité de l’information, à l’instar de Javier Milei en Argentine (66e, –26 places) qui a, dans un acte symbolique inquiétant, fermé la plus grande agence de presse du pays.
Les périodes électorales sont régulièrement accompagnées de violences à l’égard des journalistes, comme au Nigéria (112e) et en République démocratique du Congo (123e). Quant aux juntes qui ont pris le pouvoir dans le Sahel, notamment au Niger (80e, – 19 places), au Burkina Faso (86e, – 28 places) et au Mali (114e, – 1 place), elles ne cessent de resserrer leur emprise sur les médias et d’entraver le travail des journalistes. La réélection du parti de Recep Tayyip Erdogan en Turquie n’est pas sans susciter des inquiétudes : le pays, à la 158e place, continue de perdre des points dans le Classement.
Dans l’arsenal de la désinformation à des fins politiques, l’usage de l’IA générative dans un contexte de non-régulation, est une préoccupation. Les deepfakes occupent désormais une place de premier plan pour influencer le cours d’une élection. En témoigne le deepfake audio dont a été victime la journaliste Monika Todova durant les législatives en Slovaquie (29e, – 12 places), l’un des premiers cas documentés de ce type d’attaque sur un journaliste avec l’objectif d’influencer une élection démocratique.
Les pouvoirs en place sont nombreux à opérer un contrôle accru sur les réseaux sociaux et Internet : ils en restreignent l’accès, bloquent des comptes ou suppriment des messages d’information. Les journalistes qui s’expriment sur les réseaux sociaux au Vietnam (174e) sont quasi systématiquement enfermés. En Chine (172e), en plus d’emprisonner le plus grand nombre de journalistes au monde, le gouvernement continue d’exercer un contrôle strict sur les canaux d’information, en mettant en place des politiques de censure et de surveillance, pour réguler le contenu en ligne et limiter la dissémination d’informations jugées sensibles ou contraires à la ligne du parti.
Certaines formations politiques nourrissent la haine et la défiance à l’égard des journalistes en les invectivant, en les discréditant ou en les menaçant. D’autres orchestrent une mainmise de l’écosystème médiatique, qu’il s’agisse des médias publics, passés sous leur coupe, ou privés, via des rachats par des hommes d’affaires amis. L’Italie (46e) de Giorgia Meloni, où un député de la majorité cherche à acquérir la deuxième agence de presse du pays (AGI), perd cinq places cette année.
Les forces politiques jouent régulièrement le rôle de courroies de diffusion, voire même, sont les instigateurs de campagnes de désinformation. Dans plus des trois quarts des pays du monde évalués par le Classement (138 pays), la majorité des répondants au questionnaire signalent une implication régulière des acteurs politiques de leur pays dans les campagnes de propagande ou de désinformation. Une implication qualifiée de “systématique” dans 31 pays.
En Europe de l’Est et en Asie centrale, les censures de médias se sont intensifiées, dans un mimétisme spectaculaire des actes de répression russes, que ce soit au Bélarus (167e, – 10 places), en Géorgie (103e), au Kirghizistan (120e) ou en Azerbaïdjan (164e, – 13 places). L’influence se propage jusqu’en Serbie (98e, – 7 places), où des médias pro-gouvernementaux diffusent de la propagande russe et où les autorités menacent des journalistes russes exilés. La Russie (162e), où sans surprise Vladimir Poutine a été réélu en 2024, continue de mener une guerre en Ukraine (61e) impactant considérablement l’écosystème médiatique et la sécurité des journalistes.
Reporters sans frontières