En Guinée, c’est ce 20 mai 2024 que devraient être dévoilés les premiers résultats de l’enquête sur des agressions sexuelles présumées sur de jeunes footballeuses. C’est une information donnée à RFI par la Fédération guinéenne de football (Feguifoot). Ces enquêtes font suite aux révélations du journaliste français Romain Molina le mois dernier qui font état d’abus sexuels au sein d’une académie de la Feguifoot dans le cadre de «Championnes», un programme d’émancipation par le sport destiné aux jeunes filles, financé par la Fifa et l’Agence française de développement (AFD).
Tout commence en février 2023. Deux ans après le lancement des « Championnes » à l’académie de Nongo, en banlieue de Conakry, un lanceur d’alerte saisit anonymement la diplomatie française pour un cas d’agression sexuelle sur une jeune joueuse bénéficiaire du programme soutenu par la FIFA et par l’AFD.
La Feguifoot, accompagnée des services de police de l’Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs (Oprogem) ont immédiatement mené des enquêtes. Mais, selon la Fédération, les entretiens individuels avec les footballeuses et l’équipe d’encadrement n’ont finalement rien donné, pas même d’identifier la ou les victimes et agresseurs présumés.
« Cette enquête n’a pas permis de qualifier les faits et de les matérialiser, confirme la directrice de l’AFD en Guinée Jeanne Vanuxem-Milleliri. Il n’y a eu ni plainte ni preuve, et le lanceur d’alerte n’a finalement pas souhaité répondre à nos questions, ce qui n’a pas facilité l’enquête de terrain. L’AFD s’est très impliquée dans cette affaire, nous continuons à suivre le dossier. Mais nous n’avons pas de service d’enquête judiciaire, tout est dans les mains de la justice, des autorités guinéennes et des partenaires ».
Début juin 2023, c’est un cas de harcèlement sexuel qui fait surface dans la même académie. Une joueuse accuse l’un de ses camarades masculins d’être entré torse nu dans les quartiers réservés aux filles, selon un acteur du programme Championnes qui a requis l’anonymat, et qui relate plutôt « une tentative de viol ». Ces nouvelles accusations, entre pensionnaires cette fois, poussent une nouvelle fois les partenaires internationaux à saisir la Feguifoot en insistant sur le caractère inquiétant de ces allégations de violences répétées.
Ce n’est qu’un an plus tard, en avril 2024, que les révélations du journaliste français Romain Molina livrent le témoignage anonyme de joueuses, parfois mineures. Rendues publiques dans la presse, ces accusations conduisent à la suspension à titre conservatoire de trois éducateurs, d’abord de l’entraîneur Sékouba Camara dit « Nesta », suivi de sa remplaçante Mariama Diallo et d’un autre encadrant.
« Si l’enquête confirme les allégations, le personnel concerné sera mis à disposition immédiate de la justice »
Suite à ces sanctions provisoires, et d’après le journaliste guinéen Facely Konaté, le président de la commission d’éthique de la Fédération, Mohamed Diawara, a mis en place deux commissions ad hoc, l’une dédiée à l’instruction de l’affaire et une autre pour un éventuel jugement.
Mais d’après l’article du journaliste, le président de la Feguifoot, Aboubacar Sampil, ferait obstruction au travail de cette commission. « Là aussi, il y a incompréhension, justifie Mamadi Kaba, responsable du programme de développement Fifa Forward à la Feguifoot. La Fédération n’ayant pas d’enquêteurs professionnels spécialisés sur les violences sexuelles, nous avons établi un comité de pilotage avec l’AFD, l’Oprogem et l’Inspection régionale. Une fois le rapport finalisé par ces services, nous le transmettrons aux commissions d’éthique et de discipline ».
M. Kaba affirme à RFI que la Feguifoot recevra ce lundi 20 mai les résultats des enquêtes de l’Inspection régionale et de l’Oprogem (qui n’a pas souhaité répondre à RFI pour cause d’enquête en cours) :« Si l’enquête confirme les allégations, le personnel concerné sera mis à disposition immédiate de la justice. Sinon, il y aussi la commission de discipline de la Fédération qui va intervenir. Les éducateurs suspendus ont signé un code de bonne conduite. Donc, en fonction des résultats de l’enquête et même si l’affaire ne va pas au pénal, la commission de discipline jouera son rôle. »
Par RFI