Le 9 mai, Dame l’Ambassadeur de la Délégation de l’Union européenne en Guinée, Jolita Pons, et ses homologues ont célébré la Journée de l’Europe lors d’une réception à sa résidence de la Cité ministérielle de Donka. La fête a tourné à une passe d’armes entre l’hôte et son invité de marque (déposée) le ministre guinéen des Affaires étranges.
De nombreux diplomages accrédités en Guinée et de personnalités guinéennes, dont le PM Amadeus Oury Bah, étaient à la fête du 9 mai, pour célébrer la Journée de l’Europe. Une date qui commémore « le rêve assez utopique (de l’Europe) de créer un espace de paix, de liberté, de solidarité et de prospérité entre les peuples qui se sont faits les guerres pendant des siècles. » Si ce « rêve ambitieux et fou » s’est réalisé, il est constamment « menacé par des forces extérieures et des défis internes », a introduit la diplomage devant ses invités de marque (déposée). Qui sont les perturbateurs du sommeil des Européens ? La guerre Russo-ukrainienne et la montée en puissance de l’extrême droite dans l’UE ? Allez savoir ! Dame Jolita Pons souligne que 2024 est « une année importante pour l’Union Européenne, car dans quelques semaines, (le 9 juin prochain), des millions de citoyens européens iront voter, pour élire le nouveau Parlement européen. »
Respect de délais et engagements
Des sélections qui « donneront aux citoyens européens des moyens de peser sur la gouvernance de l’Union européenne et de décider de ses futures orientations. La Guinée ne fait pas exception à des réflexions similaires en ce moment charnière de son histoire », indique Jolita Pons, qui ajoute : « Je suis certaine aujourd’hui que chaque citoyen guinéen s’interroge aujourd’hui sur l’avenir de son pays. La future Constitution tant attendue en sera une pierre fondatrice. Il est juste qu’elle soit adoptée avec l’accord du peuple dans le respect des délais et des engagements pris », par le CNRD.
Un rappel pas anodin. Le Général Mamadi Doum-bouillant avait annoncé le 31 décembre dernier, à l’occasion du nouvel élan, qu’un référendum se tiendra en 2024, pour adopter une nouvelle Constitution. Auparavant, le CNRD qu’il dirige avait signé un « compromis dynamique » avec la Cédéao, pour une transition de deux ans, à compter de janvier 2023. Mais ce « compromis » semble compromis, tant les chances de voir organiser les sélections cette année sont minces.
N’empêche, l’UE se tient aux côtés de la Guinée pour « renforcer la bonne gouvernance et lutter contre la corruption », a rassuré la Cheffe de la Délégation de l’UE en Guinée. Les projets et programmes pilotés par l’UE en Guinée vont de la construction de nouvelles lignes électriques à celles des infrastructures de santé, en passant par la lutte contre la violence faite aux femmes, l’accès à la justice, la formation professionnelle, le soutien à la société civile, la défense des droits humains. Excusez du peu ! « Mais, déclare Jolita Pons, toutes ces contributions ne pourront mener à une amélioration significative et durable dans la vie de chaque Guinéen qu’à deux conditions : le respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales et un investissement renforcé dans la Jeunesse du pays. Les partenaires peuvent certes contribuer, mais ils ne peuvent se substituer en revanche à la volonté politique. » Elle encourage et rassure le PM Amadeus Oury Bah et son goubernement du soutien de l’UE « dès lors qu’il s’agira d’améliorer les conditions de vie de l’ensemble des populations guinéennes tant éprouvées depuis plusieurs mois. » Aïe !
Du berger à la bergère
La réplique de Mori-Sans-dents Kouyaté à Dame Jolita Pons ne s’est pas fait attendre. Débout sur l’estrade, le ministre se tourne vers son PM arrêté aux côtés de Jolita Pons, Bouba Yacine de la HAC et le Faciné Sylla, vice-prési du CNT. Il se sent en droit de « répondre à l’adresse diplomatique appréciable de Mme l’Ambassadeur de l’UE en Guinée ». Après avoir souhaité bonne fête aux Européens et à l’Europe, il retrace « la fascinante histoire » de la construction de l’UE, il y a 74 ans. Période pendant laquelle l’organisation est passée d’un homme (Robert Schuman) à quatre. De six à une vingtaine de pays, aujourd’hui. Une évolution qui « prouve que la construction des pays et des organisations internationales ne se fait pas à coup de baguette magique. Elle se fait par des peuples sous le leadership de grands hommes et surtout de grandes dames. La Guinée est dans ce processus », clame le ministre des Affres étranges, avant d’enchaîner, sans diplomagie : « Contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas chaque Guinéen qui s’interroge sur l’avenir de notre pays. C’est plutôt le pays sous le leadership du CNRD et de son Président qui s’est interrogé et proposé subséquemment à tous les Guinéens, sans exclusion, en tant que Nation, un programme de refondation à travers un dialogue inter-guinéen inclusif. Notre jeune nation est fragile pour la laisser dans les seules mains individuelles. Nous sommes totalement engagés dans la défense des droits de la personne humaine à laquelle j’ai dédié ma propre vie. »
Quant au respect des délais et engagements pour sortir de la transition, Mori-Sans-dents s’accroche au mot fétiche du CNRD : Refondation, dont « une des clés est la constitution. » Il se tourne encore vers Jolita, tacle : « Cette constitution est en chantier. Nous travaillons à créer une constitution guinéenne, comme vous avez travaillé, vous les Européens, à produire aux niveaux nationaux et communautaires vos constitutions et vos textes communautaires, élaborés sur la base des réalités sociales, économiques et politiques de l’Europe…» Et de tenter de rassurer : « Notre constitution sortira des entrailles du peuple de Guinée. Elle échappera à l’éternel copier-coller du Code napoléonien, comme il est de coutume dans plusieurs pays… » Amen !
La Guinée, berceau des libertés !
Mori-Sans-dents Kouyaté remercie l’Europe pour sa contribution au processus de développement de la Guinée. Mais il clame, sans sourciller, que « la liberté et les droits de l’homme ont une autre patrie : la Guinée ». Ses arguments : « Notre hymne national s’appelle Liberté. Nous savons la valeur de la liberté, c’est pourquoi nous devons l’honorer et nous l’honorons tous les jours. C’est pourquoi nous travaillons avec vous, avec toute la Communauté internationale, sans réserve et sans calcul, pour chaque Guinéen et pour chaque Guinéenne, et surtout pour tous les Guinéens dans un destin commun, afin de leur garantir et par eux, leur liberté et tous leurs droits. Je voulais préciser que la République de Guinée s’investit depuis son indépendance à conquérir et à garantir les droits de l’homme et les droits des peuples ». Ouille ! Les diplomages apprécieront.
L’appétit vient dans le noir, avec la pluie
Le courant mercenaire d’EDG a fait un clin d’œil à la cérémonie. Pendant que Mori-Sans-dents Kouyaté était en verve. Par deux fois, s’il vous plaît ! Autre invitée…surprise : une averse a arrosé la fête. Comme pour refroidir les ardeurs et détendre les nerfs. Des fêtards dans le jardin, une cuisse de poulet dans une main, un verre dans l’autre, ont dû s’abriter pour continuer leur régal. Sereinement. Jusqu’au bout de l’ennui. Eh, oui !
Mamadou Siré Diallo