Des patrons d’Associations de presse étaient réunis à la Maison de la paresse pour signer l’acte de naissance (dans l’euphorie) de l’Observatoire guinéen d’autorégulation de la presse lorsqu’ils ont été surpris par la triste nouvelle du retrait des agréments des groupes de médias critiques envers le général Mamadi Doum-bouillant. Retour sur l’ambiance d’incertitude qui s’est emparée du coin.

Mercredi 22 mai, bonne ambiance à la Maison de la presse de Cona-cris (quartier Minière). Des journaleux, des fixeurs d’images venus assurer la couverture médiatique de la signature de l’acte de naissance de l’Observatoire guinéen d’autorégulation de la presse (OGAP) attendent. Tous les appareils sont en mode pause, les objectifs pointés vers la loge officielle, elle-même parée pour la circonstance par l’Alpha et l’Oméga de céans.

Vers 10h30, les Prési des Associations de presse, colonne par un, débarquent, montent dans la salle de réunion au premier étage de cette somptueuse résidence retirée à un ancien dignitaire du régime Grimpeur. A 11h, dans l’ordre et la discipline, ils redescendent dans la salle de conférence. Cameras, dictaphones et téléphones activés.  

Coup de théâtre

Thierno Amadou Cas-marrant, le boss du Remigui (Réseau des médias sur internet de Guinée) donne le coup d’envoi de la cérémonie. Suivi d’Aboubacar Cas-marrant, Prési de l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (Urtelgui) qui étale sur la table les docs de baptême de l’OGAP. Il déploie sa voix radiophonique pour lire l’acte de naissance de l’organe. Aussitôt, Aboubacar Condé, le Dirlo de l’info du groupe Djoma médias, fait irruption dans la salle. Il se place légèrement à gauche de la loge. Et coup de théâtre, il enlève à la rencontre tout son charme en annonçant que les autorités ont retiré les agréments des groupes de presse Hadafo, Groupe fréquence infos médias (FIM FM), Sweet FM et Djoma groupe (FM et TV). Quoi ?! s’exclame une âme sensible à la loge officielle. Aboubacar Cas-marrant et certains officiels gardent leur sang-froid. La cérémonie doit continuer jusqu’au bout (de souffle).

 « Mais, à quoi bon de couvrir maintenant, de signer ces documents avec ce nouveau coup de poignard dans le dos des médias ? », s’interrogent à basse voix certains reporters, l’air désemparés.

Bonjour, les désagréments !

Aboubacar Condé et Mohamed Diaby (ce dernier est le manitou de Hadafo médias) commencent à suer à grosses gouttes. Quelle douche froide ! Ils désertent la salle. Téléphones à l’oreille, en quête de nouvelles fraîches de leurs stations respectives, les deux font subitement objet de convoitise des journaleux qui cherchent à confirmer la nouvelle.

« On est à cette cérémonie, c’est une autre décision qui tombe, plombe l’évolution de tout ce qui a été fait », parvient à lâcher Aboubacar Condé, apparemment déboussolé, la gorge nouée. « Ce qui se passe est incompréhensible ! Chez nous, ils ont brutalisé le vigile, poussé l’huissier à lire ce qu’il a à lire », confie pour sa part Mohamed Diaby, pour compléter le décor. Il n’y a plus de doute : les agréments ont été retirés ; bonjour, les désagréments !

A en croire ces patrons de presse, les visiteurs sont venus avec des hommes en uniforme. Et ils ont fait ce qu’on leur a demandé de faire. Voire plus. Excès de zèle, quand tu nous tiens !

A la Maison de la paresse, juste en face de la porte d’accès à la salle où se déroule le baptême, se trouve le siège du Syndicat national des professionnels de la presse de Guinée, SPPG. Assis derrière son bureau, Secoue Jamal Pendessa n’a pas l’air d’être Sekoué par la nouvelle. Il affiche un visage impassible.

Pendessa…Sékou le cocotier

Peu avant le début de la cérémonie, il avait animé un poing presse, pour dire à qui veut l’entendre que le SPPG n’est ni de près ni de loin associé à l’enfantement douloureux de l’OGAP. Il perçoit le nouvel organe d’autorégulation comme un instrument commandité par la junte, pour davantage museler les journaleux. Et lorsqu’il a eu vent de la décision du mystère de l’Information et de la communication, il a martelé : « C’est une réponse à nos patrons. On voudrait avoir leur réaction. Il n’est pas mauvais d’avoir un organe d’autorégulation, mais entre nous professionnels, totalement indépendant. Et cette indépendance commence par la création de l’organe, rien que par les journalistes. » 

Amadou Tham-tam Camara, le Prési de l’Aguipel-mêle (Association guinéenne de la presse en ligne), lui, se veut optimiste : « C’est vrai que ce sont des médias très importants. Nous allons tout faire pour que tous les médias retrouvent la plénitude de leur moyen. Nous avons bon espoir, qu’avec la mise en place de cet organe, les autorités vont reconsidérer leurs décisions. » Amen !

Sortis de la cérémonie, les Présidents d’Associations de presse désertent par petits groupes la Maison de la presse. Direction : les locaux de Djoma médias, pour apporter leur solidarité aux con()frères touchés par la morsure de N’Ta Fana.

Quel mercredi noir pour la presse guinéenne ! Tout ce beau monde a quitté la Maison de la presse, la tête pleine d’interrogations. Que va devenir la presse les prochains jours, mois, années ? Bien malin qui saura le dire avec exactitude.

Une dernière couche

Et le lendemain 23 mai, l’Arpt (Autorité de régulation des postes et télécomplications) remet une couche. Elle annonce le retrait des fréquences aux médias déjà éprouvés par le brouillage et le retrait des agréments. Pas de demi-morsure, quoi !

Malgré tout, pas question de jeter des pierres ou d’engager un quelconque bras de fer contre le pouvoir, estime Aboubacar Cas-marrant dans les colonnes de sites d’information. La médiation va continuer, promet-il.

En six mois, les rédactions sont vidées de 500 employés directs qui rendaient compte de l’actualité. Les chiffres sont fournis par le Syndicat de la presse, ajoutant que ces médias ciblés avaient déjà mis en congés techniques la quasi-totalité des journaleux et techniciens. Sans informations, pas de quoi attirer l’audimat. Et sans auteurs, pas d’annonceurs.

Tous ont été chassés par les interminables brouillages. Voilà six mois que des radios et des télévisions étaient brouillées. Maintenant, elles sont privées d’agréments et de fréquences.

Elles avaient presque mis les clés sous le paillasson. Désormais, c’est le paillasson qui disparait avec les clés. Il faut rapidement combler l’OGAP de la liberté d’expression.

Par Abou Bakr