Les plaidoiries des parties civiles dans le procès du 28 septembre 2009 se poursuivent au tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à Kaloum. A l’audience du 21 mai, les plaidoiries des unes étaient aux antipodes de celles des autres.
Selon une source, jusque-là, « les parties civiles étaient » sur la même longueur d’onde : plaider pour la condamnation de tous les accusés dans l’affaire du massacre du 28 septembre. Mais, Me Alsény Aïssata Diallo, un avocat de la partie civile, vient de chambouler tout, en plaidant l’acquittement de Cécé Raphaël Haba et Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba. Cela a provoqué des incompréhensions au sein de la partie civile. « La partie civile s’est désarticulée », se moque un avocat de la défense.
Dans sa plaidoirie, Me Alsény Aïssata Diallo dénonce des faits « barbares, sans qualification », perpétrés au stade du 28 septembre, en 2009, où 157 personnes ont été tuées par balles, armes blanches… 106 cas de viol, des séquestrations, coups et blessures, tortures ont aussi été enregistrés. Tout comme des pillages de commerce dans les jours suivants le massacre au stade. Me Alsény rappelle que le meeting politique ayant abouti au massacre des civils au stade avait pour but de dénoncer les velléités de la junte de Moussa Dadis Camara de se maintenir au pouvoir. Ce qui aurait conduit le chef de la junte d’alors à « passer à la vitesse supérieure par la violence, les meurtres, le viol, les pillages. » Selon l’avocat, dans la part des responsabilités dans les crimes, « Moussa Dadis Camara se taille la part du lion, il était le premier responsable du pays. Les atrocités ont été commises sous le commandement du capitaine Moussa Dadis Camara. Tout cela, pour tenter de se maintenir au pouvoir. Il est le patron des événements et Marcel Guilavogui est l’un des exécutants des hostilités. »
Sauver les leaders, délaisser les civils
« Marcel Guilavogui a fait trop de mal, il était la clé de voûte des évènements », charge, de son côté, Me Sâa Bernard Millimono qui accuse aussi capitaine Dadis d’avoir financé et ordonné les violences. Même qu’il aurait protégé des auteurs des violences. Me Alsény Aïssata Diallo plaide à la décharge d’Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba. « On pensait que Toumba était l’architecte, l’artisan des événements du 28 septembre 2009. On avait tout porté sur lui, mais les débats ont démontré autre chose. Je n’ai rien trouvé contre Toumba, il a été plutôt sauveur », soutient Me Alsény Aïssata Diallo.
Toutefois, son confrère, Sâa Bernard Millimono, croit que Toumba « est entré dans le camp de Moussa Dadis Camara. Il est allé au stade avec des hommes pour faire l’horreur. Toumba n’a pas arrêté le massacre, il aurait pu, car il a tout vu. Il a sauvé les leaders politiques, sans revenir au stade pour sauver les civile.» Dans la même lancée, Me Alsény Aïssata Diallo dit qu’il « ne trouve rien » contre Cécé Raphaël Haba, ancien garde de corps d’Aboubacar Sidiki Diakité. « Monsieur le président, condamnez ceux qui doivent être condamnés et acquittez ceux qui doivent être acquittés », plaide-il.
Requalifier les faits ?
Me Sâa Bernard Millimono demande au tribunal criminel de requalifier les faits en crimes contre l’humanité, ils « constituent largement » des crimes contre l’humanité : « Des militaires ont fermé les portails du stade avant de vider leurs chargeurs sur les manifestants. Ils ont coupé les fils électriques afin d’électrocuter les gens qui tentaient de fuir », souligne-t-il. Et de plaider pour retenir Mamadou Aliou Keïta, poursuivi pour viol, dans les liens de la culpabilité, pour crime contre l’humanité. « Sa victime l’a identifié », assène Me Millimono.
« L’acteur majeur du massacre »
Le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, autre accusé, le ministre de la Santé du capitaine Moussa Dadis Camara « a marché sur les blessés à l’hôpital et a déversé sa colère sur les victimes. Il a ordonné la destruction de la pharmacie (de l’hôpital Donka) et Marcel Guilavogui a exécuté. Pourriez-vous imaginer un médecin et ministre de la Santé faire cela ? Il a fait trop mal aux Guinéens », enfonce Sâa Bernard Millimono. Et d’affirmer qu’Abdoulaye Chérif Diaby reste un « acteur majeur » des événements du 28 septembre 2009, ajoutant que des gens ont connu « toutes sortes de tortures » dans les différents lieux de séquestration. « Paul Mansa Guilavogui a versé de l’eau chaude sur des gens », relève l’avocat. Au service anti-drogue, « un fer à repasser est passé sur les jambes d’un jeune, d’autres ont été rasés, privés de l’eau potable et obligés d’entonner le nom du capitaine Moussa Dadis Camara dans le camp Makambo. » Au finish, l’avocat invite le tribunal criminel à « être ferme » par rapport aux condamnations des accusés. L’audience continue le 22 mai.
Yaya Doumbouya