La disparition du général Sadiba Koulibay rétrogradé colonel, suscite de vives réactions. Certains leaders politiques, comme la Petite Cellule de Dalein Diallo de l’UFDG et Lansana Kou-raté du PEDN, ont publié des communiqués très laconiques. Evitant soigneusement et subtilement de condamner ce que d’aucuns considèrent comme un assassinat. D’autres organisations, comme le Barreau guinéen, ne sont pas allées du dos de la cuillère. Cette entité exige une enquête pour faire toute la lumière sur la mort de Sadiba.

Pour sa part, monsieur tout le monde ne va pas par quatre chemins pour trouver la cause du décès. Pour la désormais incontournable toile, les réactions sont quasi unanimes : il ne s’agit ni plus ni moins qu’une séquestration suivie d’un assassinat. Même si quelques-uns ne versent que des larmes de crocodiles, estimant que la victime, de son vivant, a fait d’autres victimes. Globalement, l’homme de la rue s’indigne.

Reste la fameuse communauté internationale, qui demeure muette. Particulièrement l’ancienne puissance coloniale qui, par le passé, se faisait toujours entendre. Au bas maux, elle appelait au respect des droits de l’homme. Désormais, c’est le silence de cimetière, aussi bien au Quai d’Orsay qu’à l’Elysée. La « Patrie des droits de l’homme » a oublié la formule ambigüe de ni ingérence ni indifférence. Craignant sans doute de grossir les rangs des membres de l’Alliance des Etats du Sahel. Même l’Oncle Sam, jadis moins frileux, semble avoir mis de l’eau dans son vin. Pour le plus grand bonheur des nouveaux maitres de l’Ouest du continent qui nous ramènent aux pratiques des années 70.

Revenons à la disparition de cet officier. Ce cas n’est pas le premier, mais il est le plus troublant. Avant lui, d’autres officiers et cadres civils, eux aussi tombés en disgrâce, avaient connu une descente aux enfers. Comme l’autre gênant et chef d’état-major des armées, feu Nouhou Thiam. Même si ce dernier cas fut moins cruel. Il en est de même pour le Siguirika, dont le crime aura été de s’opposer au troisième Nambara d’Alpha Grimpeur : Kélèfa Sall n’est certes pas mort dans une cellule, mais le bled était devenu une prison à ciel ouvert pour lui.

La mort de l’ancien général, devenu colonel, n’est donc pas la première. Sous l’ère CNRD, Louncény Camara avait inauguré le décompte macabre. D’où l’impérieuse nécessité pour la société guinée-haine, dans son entièreté, de s’opposer à l’injustice, pour la primauté de la loi. Afin que, quel que soit le bourreau ou la victime, la loi soit le seul et l’unique moyen de règlement de nos différends.

Le sort de ces officiers devrait amener à méditer leurs camarades d’armes encore en exercice et au sommet de leur gloire. Les forts d’aujourd’hui seront, probablement, les faibles de demain. Rien qu’à voir le monde qui peuple actuellement l’Hôtel 5 étoile de Coronthie, ils doivent faire preuve d’humilité et surtout d’humanité. Parmi les pensionnaires, il y en a un qui avait clamé et proclamé à la face du monde qu’il préfère l’ordre à la loi.

Sans sombrer dans l’irrationalité, on peut bien voir un lien entre les cris de cœur de tous ceux qui ont perdu un être cher ces dernières années et le sort peu enviable de ceux qui ont eu un droit de vie et de mort sur le populo, durant cette période sombre de notre histoire. Les images de certaines mères inconsolables ayant perdu un fils -parfois unique- dans une manifestation, parce qu’il s’est trouvé au mauvais moment et au mauvais endroit, défilent encore dans nos têtes.

Les familles de tous ces officiers et cadres civils broyés par le système doivent avoir de l’empathie pour les autres familles des victimes anonymes, mais non moins importantes pour les leurs. Un vieil adage nous apprend qu’à chacun son martyr. Si la mort des officiers bien formés constitue une perte pour la Nation, comme on le clame aujourd’hui, celle des élèves et étudiants censés assurer la relève ne l’est pas moins.

Il ne doit donc y avoir une petite ou une grande victime. Aucun guinéen ne mérite d’être liquidé comme un gibier. Et la violence d’Etat ne s’arrêtera que le jour où la désapprobation et l’indignation seront les mêmes dans tout le pays et ce, quel que soit l’auteur ou la victime.

En attendant, et comme l’attestent les cas de Nouhou Thiam, Sadiba Koulibaly et bien d’autres, le pouvoir n’a ni parent ni ami. La seule chose qui compte pour lui, c’est sa pérennité. Et à l’idée qu’un homme souhaite le prendre peut conduire celui-ci au mieux en taule et au pire, au cimetière. Feu Sadiba aura connu les deux en un laps de temps.

Mais comme l’a dit un penseur, la vie est une maladie mortelle. Pour sa part, Sadiba Koulibaly a franchi ce cap fatidique, laissant derrière lui ses anciens patrons. Avec leur conscience. D’outre-tombe, il les observe embrasser leurs rejetons pendant que ses orphelins, eux, sont privés de la chaleur paternelle.

Habib Yembering Diallo