Après quatre mois « d’enquêtes», la Maison des associations et ONG de Guinée publie son rapport sur la Cour de répression des infractions économiques et financières, Crief. La structure pointe des manquements «graves», notamment dans les procédures concernant les dignitaires du régime Alpha Condé.
Pour la MAOG, la CRIEF, mise en place pour traquer les délinquants économiques qui ont agenouillé le pays, s’est finalement révélée, un instrument politique au service du CNRD afin d’anéantir des leaders politiques gênants. Dans le rapport d’enquête qu’elle a publiée le 11 juin, l’organisation dénonce des dysfonctionnements graves « orchestrés» par le parquet spécial près la juridiction, pour garder indéfiniment les gens en détention. Selon Alpha Bayo, coordinateur de la MAOG, dans les dossiers concernant Ibrahima Kassory Fofana, Amadou Damaro Camara, Mohamed Diané et compagnie, les violations des textes de lois ont commencé dès le début des procédures : « Nous avons noté une absence de fondement juridique pour ce qui est de leur arrestation. Sur le flagrant délit, les prévenus devaient être immédiatement cités devant le juge de jugement. Mais ils ont été renvoyés devant un juge d’instruction. »
Le rapport mentionne également l’expiration des délais de détention et le non renouvellement des mandats de dépôt, les recours que les responsables de la structure qualifient «d’injustifiés» du procureur spécial contre les décisions rendues pendant l’instruction en faveur des prévenus et le refus d’exécuter celles-ci. Le coordinateur de l’organisation brandit, comme preuve, le cas de Kabinet Sylla alias Bill Gates, ex intendant à la Présidence de la République : « Son mandat de dépôt n’a jamais été renouvelé. Le juge a rendu une ordonnance de non-lieu, la Chambre spéciale de l’instruction l’a confirmé. Le procureur spécial s’est pourvu en cassation. Depuis, la Cour suprême ne fait que renvoyer le délibéré». Selon Alpha Bayo, les Guinéens sont aujourd’hui déçus de la CRIEF : « Le peuple de Guinée ne fonde plus espoir en cette CRIEF. Toutes les mauvaises pratiques reprochées pendant l’ancien régime : corruption, enrichissement illicite, gabegie financière, impunité… sont devenues monnaie courante. Les cadres du CNRD, imbibés dans ces pratiques, ne s’inquiètent même pas. Pour nous, le CNRD n’est pas un modèle de bonne gouvernance », affirme la MAOG, rappelant que de nombreux scandales ont éclaté sous l’ère CNRD. Le cas Amadou Doumbouya, ancien directeur général de la SONAP (Société nationale des pétroles), les faramineuses sommes déboursées pour rénover la résidence des PM, l’acquisition des biens mobiliers et immobiliers, aussi bien en Guinée qu’à l’étranger par des pontes du CNRD sans que la CRIEF ne lève le petit doigt : « Cette juridiction est inefficace et instrumentalisée au détriment des droits fondamentaux. La CRIEF, autrefois considérée comme grand espoir, s’est transformée en désillusion totale.»
La MAOG recommande la libération pure et simple de tous les détenus politiques jusqu’à ce que des enquêtes sérieuses soient menées par l’Inspection générale d’Etat, la réforme profonde de la CRIEF, en lui garantissant indépendance, neutralité et impartialité ; le respect de la présomption d’innocence, des décisions de justice rendues par les juridictions nationales et supranationales. La MAOG appelle la communauté internationale à user de tout leur poids pour faire cesser les « injustices qui caractérisent cette période de transition.»
Yacine Diallo