Alors que les inquiétudes sur le probable glissement du calendrier de la transition ne font qu’augmenter, le Premier ministre, Amadeus Oury Bah, a cru bon de s’expliquer. Il réaffirme la tenue du référendum avant la fin de l’année et glisse un petit tacle à son ancien compagnon, la Petite Cellule Dalein Diallo.

La Petite Cellule Dalein Diallo était chez nos con(.)frères de RFI la semaine dernière, pour porter son regard sur la transition guinée-haine. Le prési de l’UFDG a décoché des flèches contre les dirigeants du CNRD qu’il accuse de vouloir s’éterniser au pouvoir. Il en a profité pour juger les premiers pas de son ex vice-prési à la tête de la Primature. Selon lui, Amadeus Oury Bah fait de la figuration et exécute juste des décisions de la junte. Sur RFI le 12 juin, le locataire du Palais de la colombe répond du berger à la bergère : «Il (La Petite Cellule Dalein Diallo Ndlr) doit savoir que je ne suis pas le genre de personne qui avalise n’importe quoi et j’agis en conscience. Et dans le contexte actuel, on ne peut pas dissocier l’action du CNRD, qui est l’organe d’orientation, de l’action du Premier ministre, chef du gouvernement, et de l’action du gouvernement dans sa globalité… Je jouis de la confiance du Président Doumbouya et de l’écrasante majorité de la population, pour permettre à la Guinée d’avancer.»

Le PM ne le cache plus, la transition ne se terminera pas avant 2025. Il met encore en avant le Programme national du recensement administratif à vocation d’Etat civil, PN-RAVEC, pour justifier le glissement du calendrier électoral : «Le retour à l’ordre constitutionnel est conditionné principalement par l’établissement d’un fichier électoral fiable, c’est la raison pour laquelle nous avons adossé l’établissement du fichier sur la base du fichier d’état civil. Le fichier d’état civil, c’est un long processus. Le président a indiqué qu’il faut nécessairement le référendum à la fin de l’année, il va de soi que nous aurons une masse suffisamment représentative du corps électoral, et à partir de là, le fichier électoral sera établi pour permettre de tenir cet engagement présidentiel.» Mais à entendre Bah Oury, ce n’est même plus sûr que les élections locales, législatives et présidentielle se tiennent en 2025 : « Pour ne pas donner une date de manière précise, ce que je peux dire, à partir du moment où nous aurons le référendum constitutionnel, tout le reste pourra se faire parce que les conditionnalités les plus difficiles seront derrière nous. L’essentiel, dès que le référendum constitutionnel sera établi, tout le reste du chronogramme pourra être envisagé de manière certaine.»

Le prési de l’Union démocratique pour le renouveau de la Guinée (UDRG) s’est aussi prononcé sur le cas des médias fermés. Il donne raison au CRND et rejette la responsabilité sur les patrons de presse : « Nous avons vu le rôle néfaste que les médias ont fait par rapport à la tragédie du Rwanda. Nous ne pouvons pas nous permettre, dans un contexte trouble où la région ouest-africaine est parcourue par beaucoup de dangers, nous ne pouvons pas permettre à ce qu’on puisse remettre en cause la stabilité et la cohésion dans un pays aussi fragile que le nôtre.» Il dit clairement que la réouverture de ces médias n’est pas pour demain : « Je ne suis pas, pour le moment, disposé à m’engager dans cette voie. Parce qu’en fin de compte, vous vous battez pour des gens qui en valent la peine et non pas pour des gens qui considèrent que tout ce que vous faites, c’est parce que vous avez peur d’eux. Cette vision de chantage ne marche pas.»

Un populisme qui interpelle

A l’occasion des élections européennes du 9 juin, l’extrême droite a progressé. Le Rassemblement national en France a même triomphé, en Italie, itou avec Fratelli d’Italia… Les populistes ont connu un net progrès, une implantation qui inquiète au-delà des frontières européennes. Le PM, quoi qu’il porte des gants, ne cache pas son inquiétude : «Je ne me mêle pas de la politique intérieure française, mais avec cette montée des populismes, cette radicalisation contre les populations immigrées, c’est une question qui nous interpelle. Nous avons des populations africaines qui sont en Europe qui sont nombreuses. La situation nous préoccupe. D’où l’indispensable nécessité pour les dirigeants africains de créer des conditions idoines pour que leurs ressortissants puissent travailler dans leur propre pays et que notre gouvernance soit une gouvernance vertueuse.»

Une collaboration éventuelle entre le goubernement guinéen et celui français dirigé par un membre du RN ? Le PM opte pour la prudence : «Devant les épreuves du pouvoir, le réalisme finit toujours par l’emporter. Donc, ça ne nous inquiète pas outre mesure et nous savons que nous traiterons avec n’importe quel gouvernement de la République française et voire même de l’Europe.»

Yacine Diallo