Septembre, c’est pour le moment le moi de la Guinée, mais le monopole ne semble pas garanti. Mai menace de se révéler un redoutable « anti-moi». Coup sur coup, trois événements majeurs ont marqué au fer rouge chacune des trois décades de ce mois troublant. La presse aura ouvert le bal avec sa journée internationale célébrée le 3 mai de chaque année. Pour 2024, Reporters Sans Frontières n’a pas hésité de jouer  les « qui perd gagne.» Alors que son classement mondial est attendu avec impatience, l’on apprend avec stupéfaction le recul général des libertés, surtout celles de l’expression et de la communication. Le Sahel s’érige en zone de non information. Naguère connue comme château d’eau de l’Afrique de l’Ouest, la Guinée  fonce tout droit sur le brouillage  des ondes de ses principales radios et télévisions privées. Internet est pris dans la nasse d’Alzheimer, entre tremblement et bégaiement. Finalement, c’est au décrochage complet des bouquets commerciaux que les Guinéens assistent, hébétés. D’un côté, les pauvres citoyens perdent l’essentiel de leur liberté d’expression et leurs facilités de communication, de l’autre, RSF récompense la Guinée pour ce recul par 7 points sur l’échelle du classement mondial. Le monde libre à l’envers.

Pire, l’architecte de la privation des libertés en Guinée, le PDG, fête son 47è anniversaire à la mi-mai. Avec les mensonges et les falsifications historiques habituelles. On le laisse faire. Il ment à satiété. Il invente à tour de bras. On le sait, le PDG a vu le jour grâce à Félix Houphouët Boigny après que celui-ci a créé le RDA en 1946 à Bamako. Il entreprend d’implanter des sections du RDA partout en Afrique Occidentale et confie au Malien Madeira Keita le soin de mettre sur pied le PDG en Guinée. Aussi, Madeira devient-il le premier secrétaire général du PDG. Sékou Touré menait contre le colonialisme un combat également honorable, mais au sein de l’UGTAN, l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire. Il aura fallu Dramé Oumar et Damantang Camara pour le tirer sur le tard vers le PDG. Il  finira par le contrôler afin d’en faire, méthodiquement, une machine à broyer l’Homme et ses valeurs cardinales. Inutile de chercher plus loin ! Tant que les Guinéens n’auront pas soldé le génocide de leur Parti-État, organisé, non pas par une partie du peuple  comme au Rwanda, mais par une sorte de « complicité de chacun contre tous et inversement, » ils ne verront pas le bout du tunnel.

 « La catastrophe médiatique » cellede la dernière décade de mai 2024, ne peut  s’inscrire que dans cette optique. La décision de la HAC de retirer l’audiovisuel privé des bouquets Canal et Star Times pour cause de sécurité nationale rime assez bien avec l’arrêté du 21 mai du ministre de l’Information et de la Communication fermant radios et télés par-ci et par là, pour « non-respect  des cahiers de charges. » On parle de « rapport de force » entre le pouvoir et la presse qui, comme le martèle Philippe Reinhard,  chantent Serge Gainsbourg : « Je t’aime, moi non plus. »

Aujourd’hui, tout le pays en souffre. Les professionnels des médias sont sans voix ; les  populations, sans âmes ; le pouvoir, sans contre-pouvoir. Le malaise reste la chose la mieux partagée de la Transition. Pourtant, on peut toujours faire autrement, dit Nietzsche.

Diallo Souleymane