« Toutes les explications du monde ne justifieront pas qu’on ait livré aux chiens l’honneur d’un homme et, finalement, sa vie, au prix d’un double manquement de ses accusateurs aux lois fondamentales de notre République : celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d’entre nous. »

Le 1er mai 1993, François Mitterrand, alors Président de la République Française, s’emporte contre la presse de son pays, particulièrement le quotidien Le Monde, coupable, à ses yeux, d’avoir poussé au suicide son Premier ministre, Pierre Bérégovoy. Celui-ci avait bénéficié de la part de son ami, très proche du Chef de l’État français, d’un prêt sans intérêt d’un million de francs français. Le traitement qu’en ont fait les médias a secoué les piliers de l’Élysée et de la quasi-totalité des rédactions du pays. Les relations exécrables, faites de méfiance, de suspicion, de détestation, voire de dégoût entre presse et pouvoir hexagonaux iront crescendo, surtout après la parution de «Un temps de chien » d’Edwy Plenel, à l’époque directeur de la rédaction du Monde, ex patron de Médiapart, en guise de réponse au Chef de l’État français.

Toutes choses étant égales par ailleurs, les relations, exécrables s’il en est, entre la presse guinée-haine et le CNRD n’ont pas encore franchi le Rubicon. Cependant, si la douleur qui en résulte se quantifiait en larmes, l’assertion peut ne pas se vérifier. A l’avènement du CNRD le 5 septembre 2021, tous les applaudissements ne relevaient pas que des habitudes démagogiques, hypocrites, machiavéliques des Guinéens. L’on nous a  vu applaudir les laïus du Responsable Suprême de la Révolution qui nous apprenaient la condamnation à mort de nos pères, mères, frères, sœurs, amis, adversaires, ennemis…Nous avons pleuré sa mort à chaudes larmes le 26 mars 1984. Nous avons ovationné le CMRN qui l’a renversé post-mortem le 3 avril. Nous avons accueilli à bras ouverts le CNDD de Dadis et de Sékouba. Nous avons fait grimper Alpha sur un fauteuil plus qu’illégitime. Forts de l’article 27 de la Constitution de l’époque, nous avons fini par lui dire : « Non, tu ne peux en aucun cas briguer un 3è mandat. » Il s’est entêté. Le 5 septembre 2021, le CNRD a tranché en notre faveur. Pour la première fois de notre Histoire, quelqu’un a eu l’audace de s’arrêter devant un président vivant pour lui dire : « Dégagez, c’en est fini de votre pouvoir ! » Nous avons applaudi à tout rompre, la sincérité exceptée.

Quelque 3 ans plus tard, la terre continue de tourner, le soleil de briller, la lune de luire ! Mais point de miel ! La règle est universelle : si chacun fait son travail, le miel ne saurait sécuriser une place entre médias et pouvoir. Celui-ci cache ce qu’il fait par nature, ceux-là fouinent par devoir. S’aimer, dit-on, ne consiste pas à se regarder l’un l’autre, mais regarder vers la même direction. En 2024, seule la télévision est capable d’une telle prouesse. Avec une presse dynamique, le Gouvernement n’y voit que ses propres « défauts », ses trains qui « n’arrivent pas à l’heure, » les attentes des populations dont il a la charge. La presse, elle, ne joue que les intermédiaires.   Comment voulez-vous que ces deux entités indissolublement liées par des valeurs communes que sont la république, la nation, l’État, soient des amis ou des ennemis jurés ? « Le CNRD vient de produire à la pelle de journalistes et autres techniciens chômeurs. Qu’il s’en occupe maintenant ! » N’est-ce pas, La Fontaine ?

Diallo Souleymane