Après le coup de force du 5 septembre 2021, la Guinée a été suspendue des organisations régionales et internationales dont l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). L’OIF vient de renouer le dialogue avec les autorités de la Transition et l’épilogue de la brouille pointe à l’horizon. Le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Guinéens établis à l’étranger, Morissanda Kouyaté, en séjour au siège de l’OIF à Paris, a justifié la prise du pouvoir par la Grande muette. Son plaidoyer éclectique n’a voulu rien laisser au hasard.
Si Me Jean-Baptiste Haba alias Jocamey se défonce au Tribunal criminel de Dixinn pour tirer El Dadis du mauvais show du 28 septembre 2009, Morissanda Kou-raté fait feu de tout bois pour ramener le pays dans le juron de l’Organisation francophone. Son argumentation intègre tous les pans de la transition et déborde sur les vilenies du régime précédent. Il relève ce que tous les Guinéens avaient observé : au terme d’un référendum calamiteux, une constitution accouchée au forceps, tripatouillée, en catimini, promulguée. Le locataire de Sékhoutouréya de l’époque prenait-il donc les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ? On pourrait le penser. M. Alpha Grimpeur qui s’était donné tant de peine pour la faire élaborer et adopter, avait illégitimé la loi fondamentale en y apportant tout seul, sans l’aval du peuple, après son adoption. Morissanda conclut qu’il n’y avait plus de constitution en septembre 2021. D’où il affirme qu’il faudrait parler plutôt de « retour à l’ordre démocratique » que de « retour à l’ordre constitutionnel ».
S’agissant des relations tumultueuses actuelles entre les médias et les autorités de la transition, le ministre a expliqué que les médias auxquels on a retiré les agréments avaient flirté avec les questions extrêmement sensibles de sécurité nationale, d’unité nationale et de cohésion sociale. Ah, que la coexistence pacifique entre la liberté de la presse et la déontologie de la profession est un exercice souvent périlleux auquel sont actuellement confrontés quelques-uns des grands patrons de médias en Guinée.
Morissanda a adressé ses remerciements appuyés à l’OIF qui n’aurait eu de cesse d’accompagner la Guinée, de façon sincère et dans le respect de sa souveraineté, lors des processus électoraux. Parlant du cas spécifique de la Transition, il a noté que l’OIF avait relevé les insuffisances du fichier électoral et recommandé qu’il soit amélioré. A ce sujet, il a décoché des volées de bois vert et de piques à la CEDEAO qui avait fait croire aux autorités de la Transition qu’elle pouvait corriger, parfaire et rendre opérationnel le fichier électoral. Du bluff, du pipeau ! La CEDEAO n’est plus que l’ombre d’elle-même. Edem Kodjo, son premier Secrétaire Exécutif ne la reconnaîtrait pas.
Les « acquis sociopolitiques » de la Transition ont aidé le ministre Kou-raté à conforter son plaidoyer. En l’occurrence, il s’agit de l’organisation des « assises nationales » pour permettre aux Guinéens de se défouler, se pardonner en vue d’un meilleur vivre-ensemble d’une part, et du processus de « dialogue inter-guinéen inclusif », d’autre part. Pour être exhaustif, le plaidoyer l’est quasi. La verve tantôt épique, tantôt lyrique du Ministre a fait le reste. Comme on est à l’OIF, l’Olympe de ceux qui ont en partage la langue française, wait and see.
Abraham Kaoyoko Doré