Après avoir reçu une visite musclée chez lui à Kountia, dans la soirée du 4 juin, le général Sadiba Koulibaly a été auditionné dans un service d’investigation tenu secret. Le parquet militaire lui reproche, ainsi qu’à six éléments de sa garde un certain nombre de griefs, confie à notre rédaction Me Mory Doumbouya, avocat de l’ex-chef d’état-major général des armées.
La Lance : Où en est la procédure visant votre client ?
Me Mory Doumbouya : Le général (Sadiba Koulibaly, ndlr) va très bien, il a le moral. Il est dans une unité d’investigations. Hier (vendredi 7 juin, ndlr), nous étions allés au tribunal militaire. Sur observation préliminaire de la défense, nous avons fait savoir au procureur militaire que notre client ne pouvait pas en l’état être présenté à un juge, étant un officier général. Les dispositions combinées des articles 48 et 49 du code de justice militaire sont claires : les poursuites ne peuvent être déclenchées que sur autorisation du chef de l’État, à la demande du ministre de la Défense. Ces préalables n’étant pas réunis, le général ne pouvait être présenté à aucune formation d’instruction ou de jugement. Le parquet, ayant trouvé imparable l’argument, est en train de régler ce préalable sans lequel aucune poursuite n’est envisageable.
Néanmoins, six éléments de sa garde ont été inculpés par le juge d’instruction militaire pour des faits présumés de désertion à l’étranger, rébellion et détention illégale d’armes. Or, ils étaient officiellement détachés pour la sécurisation du domicile du général. Quand il a quitté ses fonctions de chef d’état-major général des armées, les effectifs de sa garde ont été réduits. Ceux qui sont restés l’ont été officiellement sur autorisation de la hiérarchie. C’est justement parmi ceux-là que six ont été arrêtés et inculpés.
« Désertion à l’étranger », ça paraît extraordinaire et même étonnant, mais je pense que ça ne les concerne pas. « Rébellion », comme s’ils s’étaient concertés pour agir avec violence et s’opposer à un quelconque ordre de l’autorité légitime ou une décision de justice. Ce qui est loin d’être le cas. Quant à la « tentative de meurtre et la détention illégale d’armes », on a supposé qu’ils ont tenté de résister et de neutraliser la colonne de commandos déployés au domicile du général. Les éléments ont notifié clairement au juge d’instruction qu’ils n’avaient aucune capacité de résistance face à des blindés. Aucun d’eux n’a reconnu ces incriminations. Mon client également ne se reproche de rien.
Que reproche-t-on à votre client ?
Nous attendons que les préalables soient réglés, nos moyens étant jugés pertinents. Dès lors que les questions de procédure ne sont pas réglées, il serait suicidaire en tant que défense d’aborder le fond. Les incriminations relèvent du fond. Si les autorisations (du chef de l’État et du ministre de la Défense, ndlr) étaient obtenues, c’est sûr que les poursuites seraient engagées sur la base des mêmes griefs reprochés à sa garde.
Parlez-nous des circonstances du retour de votre client en Guinée et de son arrestation…
J’aborderais le fond, si je répondais à ces questions. Même avec le tribunal militaire, nous sommes restés sur les questions de procédure. Acceptez, en l’état, qu’on se limite aux préalables. Une fois la forme réglée, nous pourrions revenir sur ces circonstances. Nous observons une démarche graduée. Mais le général est resté égal à lui-même, il n’a rien à se reprocher.
Qui l’ont interpellé ? Où a-t-il été auditionné ?
A cause de la spécificité du dossier, pour des raisons de sécurité, je me bornerais à vous dire qu’il est détenu dans une unité d’investigation. Je suis en contact régulier avec lui. Je n’ai jamais été empêché de le rencontrer. Le général n’a pas été interpellé. Il s’est présenté de son propre chef à l’unité d’investigation, en bon général.
Y aurait-il des éléments de sa garde en cavale ?
Dans la nuit du mardi à mercredi, seuls les six éléments inculpés assuraient la sécurité des lieux. Personne n’est en cavale, personne n’était à l’étranger avec le général.
Interview réalisée par
Diawo Labboyah Barry