Mardi 25 juin, les avocats de l’ancien aide de camp Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba ont entamé leurs plaidoiries dans le procès du massacre du 28 septembre 2009, au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Maîtres Paul Yomba Kourouma et Lansinè Sylla rejettent l’entière responsabilité du massacre à l’ancien président Moussa Dadis Camara. Ils le considèrent comme celui qui aurait ordonné les militaires à se rendre au stade.

 La défense unifiée après la réquisition du parquet de requalifier les faits en crimes contre l’humanité vole en éclats, suite évidemment au fait que les avocats du capitaine Dadis aient égratigné Toumba Diakité lors de leurs plaidoiries, en démontrant qu’il était chef hiérarchique dans l’armée, commandant du régiment. Alors que ces éléments (gardes présidentielles) sont accusés de perpétrer le massacre du 28 septembre 2009. Ce qui implicitement voudrait dire que le Cdt Toumba est responsable du massacre. Des deux camps, chacun crie au complot. 

Médecin et soldat aguerri

Me Lansinè Sylla a tenu à démontrer la personnalité d’Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba. « Après ses études en 1998, le commandant Toumba Diakité a été recruté dans l’armée en 2002, il a fait sa formation commune de base au camp Kémè Bourama à Kindia, puis enrôlé dans une unité d’élite, le Bataillon Spécial des Rangers au camp Soronkoni de Kankan. » L’avocat affirme que le commandant Toumba Diakité « a été successivement médecin chef adjoint, par intérim et médecin chef au sein de l’armée avant de faire la rencontre avec le capitaine Moussa Dadis Camara. Quelques temps après,  il a aidé celui-ci à prendre le pouvoir en décembre 2008, après le décès du général Lansana Conté. Mais quelques mois après,  raconte l’avocat, les relations entre capitaine Moussa Dadis et Toumba Diakité se sont effritées. Place à la garde parallèle qui aurait tenté à tout prix et à plusieurs reprises avec l’aide de féticheurs, d’écarter Toumba Diakité du pouvoir. C’est dans ces conditions que le 28 septembre est arrivé », explique l’avocat.

Me Lansinè Sylla

Du massacre du 28 septembre

Le jour du massacre du 28 septembre 2009 très tôt le matin, dit Maître Lansinè, la garde parallèle composée de Georges,  Joseph Makambo Loua et d’autres sont allés réveiller commandant Toumba Diakité à sa résidence, pour lui dire que le président Dadis Camara était fâché à cause du rassemblement prévu par les Forces vives de l’époque. Ainsi, Toumba Diakité se rend dans la chambre du président Dadis qui était en colère et qui aurait dit : « Toumba, le pouvoir est à terre, allez-y les mater, ils vont le regretter ». Selon l’avocat, Toumba aurait ordonné au commandant du salon, Mohamed Condé, de ne pas laisser le président sortir de son bureau. Malgré tout,   raconte Maître Lansinè Sylla,  le président Dadis Camara était sorti et avait pris place au volant de son véhicule. Le commandant du salon l’en a empêché et aurait eu comme sanction une gifle. Entre temps, poursuit Me Sylla, Toumba Diakité a été informé que le Président Dadis est sorti du camp. C’est ainsi qu’il (Toumba) est allé au stade à la recherche du président Dadis. Arrivé au stade seul, accompagné de Foromo,  le féticheur de Dadis Camara à bord de son véhicule de couleur blanche, dit l’avocat,  Toumba Diakité qui aurait aperçu la foule et avait entendu des tirs à l’intérieur du stade, est entré, puis a récupéré les leaders politiques qu’il a sauvés. « Toumba Diakité a évité à la Guinée la guerre civile », a martelé Me Lansinè Sylla. 

« Toumba Diakité victime de complot »

Maître Lansinè Sylla a affirmé qu’après le massacre,  le pouvoir en place à l’époque a voulu sacrifier Toumba Diakité, en mettant sur son dos, les crimes commis au stade du 28 septembre 2009. D’où la création de la commission d’enquête nationale. « Les enquêtes étaient orientées contre mon commandant Toumba qui, d’ailleurs, n’était plus au pays, il avait fait l’objet d’une véritable chasse à l’homme. Monsieur le président, cette commission d’enquête n’a jamais été une commission d’enquête indépendante, c’est une commission partiale…» Selon lui, la machine judiciaire a été mise en branle contre Toumba Diakité par les tenants du pouvoir d’alors qui « voulaient le sacrifier, pour pouvoir couvrir leur responsabilité pénale en le présentant comme le coupable tout fait du massacre du 28 septembre ».

De la requalification des faits

Parlant de la requalification des faits en crimes contre l’humanité requise par le parquet,  Maître Lansinè Sylla dit qu’il n’en est pas question. Puisqu’à date,  argue-t-il, les faits dont le tribunal de siège est saisi contre Toumba Diakité sont et demeurent les infractions de droit commun. « Dans ces conditions,  en plaidant et en requérant sur la base des faits de crimes contre l’humanité et de responsabilité de commandement des chefs militaires avant toute décision de requalification dans ce sens par votre juridiction, vous conviendrez avec nous que les plaidoiries des parties civiles et les réquisitions du ministère public ont porté sur un autre dossier et non celui dont vous êtes saisi et qui fonde votre saisine. De mémoire d’avocat, je n’ai jamais appris ni vécu une telle situation où les parties civiles et le ministère public de concert ignorent l’acte de saisine du tribunal criminel, pour plaider et requérir sur la base des faits qui nous sont complètement étrangers ».

L’avocat estime qu’en l’état actuel de la présente procédure et en absence de toute décision de requalification des faits en crimes contre l’humanité et en responsabilité des commandements des chefs militaires, le tribunal passera outre les réquisitions et les plaidoiries des avocats de la partie civile qui se sont basés sur des qualifications complètement étrangères aux faits et des qualifications faisant l’objet de l’ordonnance de renvoi qui est  l’acte de saisine. « En ce qui concerne la défense de mon commandant Toumba Diakité, il est hors de question de plaider les faits de crimes contre l’humanité et des responsabilités de commandement des chefs militaires au risque de cautionner le coup de force perpétré par les parties civiles et le ministère public contre l’ordonnance de renvoi. »

Mamadou Adama Diallo