Le 6 juillet, à Niamey, les chefs des juntes du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont acté leur union au sein de la Confédération des Etats du Sahel (CES). Si la sortie des 3 pays de la Cédéao se confirmait, elle risque de couter cher à leurs populations, malmenées par l’insécurité.
Assimi Goïta (président du Mali par coup d’Etat depuis août 2020), Ibrahim Traoré (à la tête du Burkina Faso depuis le 30 septembre 2022) et Abdourahamane Tiani (président de la junte du Niger depuis le 26 juillet 2023) ont avancé dans leur décision « irrévocable » de quitter la Cédéao. Ils ont officiellement lancé la CES. Le 6 juillet, le trio a organisé à Niamey le premier sommet de leur union naissante, depuis son annonce de quitter la Cédéao « avec effet immédiat » dans un communiqué conjoint du 28 janvier dernier. Arguant que « la Cédéao, « sous l’influence de puissances étrangères, trahissant ses principes fondateurs, est devenue une menace pour ses Etats membres et ses populations. »
Le 7 juillet, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de la Cédéao a tenu de son côté sa 65è session ordinaire, à Abuja au Nigeria. A l’issue du sommet, l’Organisation a appelé les trois juntes à « reconsidérer leur position ». Elle a désigné le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye facilitateur, pour discuter avec les putschistes. Il sera appuyé par le Président du Togo, Faure Essozimna Gnassingbé. La Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement a exprimé « sa déception face au manque de progrès dans les interactions avec les autorités du Burkina Faso, du Mali et du Niger » et a « instruit le Président de la Commission de faciliter une approche plus vigoureuse conformément aux décisions du Sommet extraordinaire du 24 février 2024. »
Quelles conséquences pour les populations de l’AES ?
Le retrait des 3 pays de l’AES (Alliance des Etats du Sahel) de la Cédéao devrait être effectif le 28 janvier 2025, selon le traité de l’Organisation. Mais que risquent leurs citoyens, en cas de sortie définitive de l’espace communautaire de l’Afrique de l’Ouest ? Le président de la Commission de la Cédéao, Omar Alieu Touray, cité par la BBC, a souligné que le départ et la création de la confédération des trois pays pourraient restreindre la libre circulation des biens et des personnes dans la région et compromettre les efforts déployés pour lutter contre l’insécurité.
En clair, les Maliens, Burkinabè et Nigériens devraient chercher désormais des visas pour séjourner dans les pays membres de la Cédéao. Les ressortissants des pays membres de l’AES devront payer encore plus cher pour leur déplacement et celui de leurs biens dans l’espace Cédéao.
Sur Rfi, la défenseure gambienne des droits humains, Fatou Diagne Senghor, a estimé que l’union en gestation « va sans doute éloigner davantage ces trois pays d’un retour prochain à la démocratie électorale. Comme vous le savez depuis les putschs, ils n’ont fait que différer l’agenda électoral, mais aussi avec son lot de violations graves des droits humains. Vous avez vu ce qui se passe au Burkina ? Donc, je pense que c’est vraiment un agenda qui va davantage renforcer l’impunité et les violations des droits humains. Mais tout cela, c’est vraiment aussi pour leurrer ». Fatou Diagne croit que la décision des 3 juntes pourrait « ne pas être irréversible ».
La junte malienne a annoncé le 25 septembre dernier, le report de la présidentielle prévue alors en février 2024. Le dialogue national de mi-mai dernier au Mali a recommandé de prolonger la transition de 3 ans. Au Burkina Faso, les récentes assises nationales ont fixé à 5 ans la fin de la transition, à compter du 2 juillet. Au Niger, il n’y a pas encore de chronogramme qui fixe la fin de la transition.
Clin d’œil à la Guinée
Dans son communiqué final, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement a réaffirmé « son engagement indéfectible en faveur de la bonne gouvernance et de l’ordre constitutionnel. » Comme pour dire que la Cédéao ne soutient aucunement les coups d’Etat dans son espace, même si elle caresse la junte guinéenne : « En ce qui concerne le processus de transition en Guinée, la Conférence se félicite des progrès relatifs réalisés, parmi lesquels figure la tenue prévue d’un référendum constitutionnelle en 2024. Elle se félicite des interactions en cours entre la Commission et les autorités de transition et félicite les autorités guinéennes pour avoir réaffirmé leur appartenance indéfectible » à la Cédéao.
Toutefois, le retour à l’ordre constitutionnel en 2024, comme convenu entre la junte en 2022 et la Cédéao, est compromis. Un référendum incertain est prévu à la fin de l’année.
Eternel bras de fer
Le bras de fer reste engagé entre les membres de l’AES qui prévoit de créer sa propre monnaie et la Cédéao qui avait décrété une batterie de sanctions contre les putschistes. Ce qui n’a jusque-là pas contraint Tiani et ses hommes à restaurer l’ordre constitutionnel au Niger. Puisqu’en plus de maintenir en détention Mohamed Bazoum, le chef de la junte nigérienne a levé l’immunité du Président déchu. Ce que déplore la Cédéao qui réitère sa demande de « libération sans condition » de Bazoum dans son communiqué final.
Un appel qui semble tomber dans des oreilles de sourd, tant les relations deviennent tendues entre la Cédéao et les Etats membres de la CES.
Mamadou Siré Diallo