Alors qu’on n’a pas fini de faire le deuil de la disparition trouble de Sadiba Koulibaly, la junte de Mamadi Doum-bouillant nous console avec l’enlèvement de Oumar Sylla alias Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah. A quoi jouent le CNRD et ses Farces spéciales ?
Descentes nocturnes à domicile, arrestation et détention dans des endroits tenus secrets…Prions pour que s’arrêtent-là les similitudes entre ce qui est arrivé à l’ex-chef d’état-major général des armées, Sadiba Koulibaly et les responsables du Front national pour la défense de la constitution (FNDC). Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla alias Foniké Menguè veillaient tranquillement autour du thé au domicile du dernier, à Commandanyah (commune de Dixinn), lorsqu’ils ont été enlevés le 9 juillet à 22h passées. Leurs ravisseurs : des hommes en treillis militaires lourdement armés assimilés aux éléments des Farces spéciales. Ce corps d’élite qui gouverne la Guinée de plus en plus d’une main de fer depuis la chute d’Alpha Grimpeur, en septembre 2021, ne semble plus avoir de limite. Créé pour faire face au terrorisme, il sème désormais la terreur parmi les Guinéens et s’arrose les prérogatives de police judiciaire, en interpellant à des heures indues et en gardant ses otages hors des lieux de détention légalement prévus.
Le bagne de Kassa
Comme Sadiba Koulibaly, familles, avocats (sans vinaigrette), bref, les Guinéens sont sans nouvelle du coordinateur national et du responsable des antennes et de la mobilisation du FNDC. La présidence, le CNRD, le goubernement, personne ne pipe maux. On est bien dirigé par la grande muette, non ? Et les arrestations étant extrajudiciaires, de quel droit pourrions-nous interroger un pro-crieur ou un flic ? « Je n’en sais rien, ne m’appelez plus jamais pour cette affaire », nous avait balancé à la figure le pro-crieur militaire, dans l’affaire Sadiba Koulibaly. Encore que celle-ci avait été déférée.
Rien de tel pour le cas de Billo et de Foniké. Dans une déclaration publiée le 11 juillet, le Barreau de Guinée réclamait la libération des deux activistes ou les conduire devant le parquet compétent. A en croire le Front national pour la défense de la constitution, les otages ont été transférés sur l’île de Kassa, après une brève escale à l’Escadron mobile numéro 2 de la gendarmerie de Hamdallaye et au Haut commandement de la gendarmerie nationale. Même que les deux activistes auraient été torturés et terrorisés avec des chiens allemands. Billo aurait eu un choc au bras.
La troisième personne, Mohamed Cissé, coordinateur de l’antenne du FNDC de Matoto, relâché peu après, est revenu les côtes cassées. Il serait hospitalisé dans une clinique. L’état de ce dernier ne rassurerait pas sur celui des deux autres. Quelle refondation ! La justice était censée être la boussole qui doit guider la transition. Aujourd’hui, on n’a ni justice ni boussole.
C’est le pilotage à vue. Et toute critique est perçue comme un acte de complot à mâter.
« Disparition forcée »
L’enlèvement des deux activistes a provoqué une levée de boucliers au sein de l’opinion nationale et à l’étranger : les organisations de la société civile guinéenne, les Nations Unies, Amnesty international, Y en a marre au Sénégal, Tournons la page….Les demandes de libération de Foniké Menguè et Billo Bah fusent de partout. Même si le pouvoir demeure sourd et muet. « Les autorités n’ont toujours pas reconnu la détention et n’ont pas révélé le lieu où ils se trouvent, bien que les avocats représentant les trois opposants leur aient demandé. Cela constitue une disparition forcée au regard du droit international », s’est scandalisé pour sa part Human Rights Watch.
« Les personnes disparues de force sont détenues sans aucune protection juridique, et sont donc beaucoup plus exposées au risque de torture et d’autres formes d’abus, renchérit l’organisation de défense des droits humains. Les autorités militaires guinéennes devraient immédiatement confirmer la détention et la localisation des trois hommes, les libérer sans délai et mener une enquête crédible sur les allégations de torture. » Un message à entendre, pour prévenir le pire.
Diawo Labboyah