Le Premier ministre était récemment invité de nos confrères de BBC Afrique. L’occasion pour lui de revenir sur les sujets brûlants de l’actualité : crise d’électricité ; situation politique (retour des exilés et à l’ordre constitutionnel)…
A écouter Bah Oury, l’on en conclurait que tout RETOUR imminent est hypothétique : qu’il s’agisse de la lumière dans les ménages, des exilés politiques au pays ou des civils au pouvoir.
A propos de la crise d’électricité qui sévit en Guinée depuis des mois, l’invité de BBC Afrique accuse un héritage difficile dû à l’explosion du dépôt central des hydrocarbures de Coronthie (Kaloum). Ce qui aurait compliqué la situation financière du pays déjà mal-en-point, empêche les autorités de faire face à leurs missions régaliennes et engendre des situations d’urgence.
Le gouvernement a donc privilégié des solutions de court terme. La mieux appropriée aurait été l’interconnexion du réseau électrique guinéen avec la ligne de l’OMVG, au Sénégal. « Une solution palliative, mais pas idéale », admet le locataire du Palais de la Colombe.
Réforme d’un secteur budgétivore
Mais des solutions plus radicales s’imposent, pour répondre plus efficacement à la crise. L’objectif est de faire en sorte que d’ici mai 2025, la Guinée sorte définitivement de la pénurie. Même si toutefois, s’empresse-t-il de rappeler, produire suffisamment d’énergie ne suffit pas. Il faut transporter et distribuer efficacement. Ce qui nécessiterait de réhabiliter les installations et le réseau, mais également de changer la gouvernance d’EDG (Electricité de Guinée).
Revenant sur la résiliation du contrat entre la Guinée et le turc Karpowership, Bah Oury justifie qu’on ne pouvait pas à l’époque s’engager avec une centrale flottante, le temps que les Guinéens prennent conscience « du sinistre » laissé par les anciens dirigeants.
Toujours critique contre la gouvernance du secteur énergétique, il ajoute que le lac de rétention d’eau du barrage hydroélectrique de Souapiti a été « pompé avec frénésie pendant très longtemps pour masquer les problèmes. » Conséquences : il faut du temps et plus que « les premières pluies de juin » pour le remplir encore. « Nous ne pouvons pas prendre le risque de continuer à pomper, pour ne pas aggraver les dysfonctionnements », précise le chef du gouvernement.
« Une réforme drastique du secteur s’impose donc », estime-t-il. Même qu’un comité de crise peaufine un projet global à soumettre à Mamadi Doumbouya. Il a, à l’occasion de sa sortie sur BBC Afrique, rappelé que Souapiti est une copropriété et non le patrimoine exclusif de la Guinée. Mais également que ce barrage et Kaléta fournissent à peine 100, au lieu des 600 mégawatts attendus. « Nous payons pour une gouvernance inappropriée », rouspète Bah Oury.
Sombres perspectives pour les médias fermés
Il évoque également un secteur énergétique budgétivore. Sur un budget de 6 000 milliards de francs guinéens, 4 000 milliards seraient orientés vers l’électricité ; le reste vers les EPA (Etablissement publics administratifs). Pour faire des recettes, la suppression et ou fusion des EPA sont inévitables.
Interrogé sur la fermeture de Hadafo, Djoma et Groupe fréquence médias, le Premier ministre assure que le pouvoir n’est pas contre la liberté d’expression. Il tient à « Une presse libre, objective mais qui ne propage pas la haine. La démocratie est le type de régime le plus fragile, elle mérite d’être protégée. » Toutefois, le chef du gouvernement n’a pas voulu dire si les médias fermés pourront rouvrir. Quant au chômage engendré, il écarte la responsabilité des autorités. Pour lui, c’est la faute aux de patrons de presse qui doivent avoir à cœur la pérennité de leurs entreprises et des emplois de leur personnel.
Retour des exilés et des civils au pouvoir
Le Premier ministre réitère que son gouvernement travaille à réussir la tenue du référendum constitutionnel à la fin de l’année, comme l’a promis le président de la transition. Et puisqu’il n’est pas question de recourir à l’ancien, il faudra obligatoirement tirer un fichier « crédible et incontestable » du Recensement administratif à vocation état-civil (Ravec). Après, le reste du chronogramme sera déroulé de « façon concertée, dans des délais consensuels », rassure l’invité de BBC Afrique.
S’il se dit « particulièrement sensible à la situation des exilés », Bah Oury estime que Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré ne sont pas interdits de séjour en Guinée. « Le président de l’UFR ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire, je ne comprends pas qu’il s’éloigne du pays. Pour les autres, le principe de séparation des pouvoir interdit l’Exécutif de s’immiscer dans les affaires judiciaires. Nous demandons à la justice de travailler dans le respect des droits et liberté, notamment la présomption d’innocence », balaie-t-il.
Abordant les questions sous-régionales, le Premier ministre assure que Conakry entretient des bonnes relations avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Pour preuve, se félicite-t-il, le président de la commission de la Cedeao, le Gambien Omar Alieu Touray, était récemment dans la capitale guinéenne.
Quant à l’Association des Etats du Sahel (AES), qui réunissait le 6 juillet à Niamey le Mali, le Burkina Faso et le Niger, Bah Oury n’est pas par principe opposé à la naissance de micros organismes dans la sous-région, pour faire face à un spécifique défi commun des membres. « L’aspect sécuritaire est une priorité pour les pays sahéliens, mais ça ne doit pas être un facteur d’éloignement », prévient néanmoins Bah Oury, prudent.
Diawo Labboyah Barry