Trois mois et deux semaines après qu’un incendie s’est déclaré dans la maison de Thierno Abdoul Bah, au quartier Hafia 2 (commune de Dixinn), tuant sept personnes. Aujourd’hui, la famille, qui peine à joindre les deux bouts, sollicite l’aide de l’État et des bonnes volontés.
« C’est une lutte de tous les jours », assure Thierno Souleymane Bah, frère de certaines victimes de l’incendie du 31 mars dernier. C’est lui le premier qui avait alerté sa famille sur ce drame de source inconnue, mobilisé les voisins, secouru son père. Mais, les flammes prendront le dessus sur l’élan de solidarité : cinq membres de la famille, dont trois sœurs, une tante et le bébé de cette dernière, périssent sur le coup. La mère et le benjamin, secourus, succomberont plus tard de leurs blessures à l’hôpital.
Hantise
Trois mois après, Thierno Souleymane Bah est toujours sous le choc, son quotidien caractérisé « De fatigue, insomnie, cauchemars. Mais, en tant que bon croyant, on essaye de faire avec. C’est la volonté de Dieu », relativise-t-il. C’est d’autant plus difficile pour Souleymane qu’il venait de rentrer le 29 mars à Conakry pour voir sa famille. Il l’avait quittée il y a plus de trois ans pour des études en Turquie, financées par sa défunte mère.
Mais leurs retrouvailles ont été de courte durée. Souleymane garde en mémoire le rêve que caressait sa mère, cette dernière décennie, de voir ses enfants grandir et d’épanouir : « Je me bats tous les jours pour accepter le sort. C’est cela le plus difficile. Cette lutte tient du fait que notre maman voulait nous voir réussir. J’espère l’apaiset là où elle se trouve. »
Le père, lui, se réfugie dans les invocations pour le repos de l’âme des disparus. « Je vous assure que les premiers jours, je ne fermais pas l’œil, confie Thierno Abdoul Bah. Aujourd’hui, j’ai 2 à 3 heures de sommeil par jour. Ma seule chance, c’est que j’ai la foi. A chaque fois que je prie, je demande à Dieu de la renforcer ».
Des promesses sans lendemain
Les survivants n’ont pas bénéficié d’assistance sociale. « Pour recourir à un psychologue, il te faut un minimum de moyens, rappelle le père de famille. C’est l’État qui devrait m’aider dans ce cadre. Après le drame, le ministre de la Santé, qui était venu ici, avait promis qu’on se reverra dans ce cadre. J’avais aussi échangé avec la ministre de l’Action sociale, de la promotion féminine et des personnes vulnérables. Elle m’avait dit que cela relevait de son département. Mais à date, je n’ai rien vu. »
Après l’incendie, la famille avait néanmoins bénéficié de 25 millions de francs de l’État, à travers le gouvernorat de Conakry, des denrées alimentaires et la promesse du paiement de 6 mois de loyer. Toutefois, la maison proposée par les autorités communales de Dixinn était inachevée et se trouvait à Hafia, un quartier devenu traumatisant pour les enfants. Pour espérer faire son deuil tranquillement, la famille aurait préféré vivre ailleurs. Mais elle n’a jusque-là pas reçu le prix du loyer.
Quête d’un toit
Thierno Abdoul et ses trois garçons ont aménagé temporairement à Dabondy 2, grâce aux aides et à sa pension de retraite d’un million de francs guinéens. L’argent est aujourd’hui épuisé et la pension, à elle seule, ne suffit pas pour se loger et se nourrir. L’avance payée en avril arrive à terme ce mois d’août. « Mon souhait le plus ardent, c’est de terminer la maison qu’on a entamée à Maférinyah (dans la préfecture de Forécariah, ndlr), explique le père de famille. On a élevé le mur, on a les portes. Il ne reste que la toiture. Si j’ai de l’aide, ce serait salutaire. »
Contactée par notre rédaction, l’ancienne secrétaire générale de la mairie de Dixinn, déclare « ne pas être obligée de répondre aux questions des journalistes. » Elle menace de porter plainte contre la famille Bah « pour diffamation », avant de nous raccrocher au nez.
En attendant, la famille peine à joindre les deux bouts. Le père est au chômage depuis 2012, suite à la disparition de la société étatique de téléphonie Sotelgui. C’est la défunte mère de famille, commerçante à Madina, qui avait pris le relai pour assurer nourriture, logement, scolarisation des enfants… « C’était plus qu’une femme. Elle a joué le rôle de cheffe de famille dans cette dernière décennie. Ele était battante et ambitieuse. Sa mort me peine, parce que pour moi et de l’aveu des médecins qui la suivaient, elle est décédée du traumatisme subi en voyant tous ses enfants, notamment ses trois filles mourir, impuissante. »
Diarouga Aziz Balde