Après avoir perdu agréments et fréquences en Guinée en toute illégalité, le Groupe Hadafo médias tente de renaître. Autrement, mais ailleurs.
A compter du 2 juillet, les chaînes télés d’Hadafo médias, Espace TV notamment, sont diffusées depuis la France par Free. Mais les téléspectateurs guinéens devront encore attendre. Le 30 juin, il a été annoncé sur la toile qu’Espace FM « reprend ses programmes à compter du 2 juillet depuis la France, diffusés partout dans le monde. » Mais, erreur.
Kabiné Condé, le Directeur général du Groupe Hadafo médias, joint par La Lance, clarifie : « Les gens ont mal compris. Il n’est pas question de reprise des programmes d’Espace FM en France, mais de la reprise du signal d’Espace TV sur Free (qui distribue des images à l’image de Canal+). Vous n’êtes pas sans savoir qu’Espace TV a son serveur installé en France. Donc, c’est la reprise du programme d’Espace TV via le serveur installé en France. Malheureusement, les téléspectateurs guinéens ne seront pas concernés. Il n’est pas question non plus de productions locales », puisque la licence guinéenne a été retirée, pour le moment.
Le Directeur général d’Espace TV, Jacques Lewa Léno, d’ajouter que le projet de diffusion à partir de la France était déjà dans les tuyaux, bien avant le retrait des agrément et licence à Espace TV. « Il y a un processus qui était déjà en cours. Comme on l’a fait pour Canal +, nous étions en contact avec Free, un diffuseur en France. En principe, si on n’avait pas été bloqué en Guinée, le 26 mai l’ensemble de nos télévisions devrait aller sur Free, en commençant par Espace TV. Donc, c’est ce processus-là qui a abouti. Ce sont les signaux de l’ensemble des médias du Groupe Hadafo, mais nous n’avons aucune possibilité de reprendre nos programmes, d’autant plus qu’on n’a pas d’agréments, pour le moment. Ce sont donc nos médias qui montent sur Free, sauf que Free n’est pas en Guinée. C’est pour ceux qui sont à l’international. »
Des recours sans suite
Le ministère de l’Information et de la communication et l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) ont successivement retiré les agréments et fréquences à trois groupes de médias privés. Simultanément, les 22 et 23 mai dernier, les Groupes Djoma médias (radio, télé et relais dans huit villes du pays), Hadafo médias (Espace FM et TV, Sweet FM) et Groupe fréquence médias (FIM FM), ont perdu leurs licences en Guinée. En toute illégalité. Le 4 juin, les victimes ont déposé au ministre de l’Information, Fana Soumah, un « Recours gracieux aux fins de rétractation de l’Arrêté A/2024/686/MIC/CAB/SGG, portant retrait des agréments d’installation et d’exploitation des stations de radiodiffusion et de télévision privées en République de Guinée. »
En clair, il a été demandé à Fana Soumah de rapporter son acte. Jusqu’à date, le ministre n’a donné aucune suite au courrier, selon Jacques Lewa Léno. La Haute autorité de la communication, HAC, a été aussi saisie, pour qu’elle sache que « sa responsabilité est engagée et que quelqu’un » a joué son rôle. Elle se mure dans un silence assourdissant, se contentant de dire aux médias victimes qu’ils sont interdits d’émettre pour des raisons de « sécurité nationale. »
Les démarches de l’Union des radiodiffusions et télévisions privées de Guinée, Urtelgui, et les dénonciations de Reporters sans frontières (RSF) contre la censure des médias en Guinée n’ont pas fait changer l’avis des autorités de transition, qui n’ont pas hésité de violer leur Charte du 27 septembre 2021. Le texte, qui fait office de constitution provisoire, martelait qu’« aucune situation d’exception ou d’urgence ne devrait justifier la violation des droits de l’homme. » A se demander si la junte ne regrette pas d’avoir mentionné cette phrase dans sa Charte, tant les violations des libertés et droits fondamentaux sont devenues monnaie courante en Guinée.
Mamadou Siré Diallo